Joint les pourvois n°s 94-13.056, 93-13.057 et 93-13.058, qui attaquent la même ordonnance ;
Attendu que, par ordonnance du 11 janvier 1994, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de huit sociétés d'électricité en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles limitant l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, répartissant le marché de l'électrification rurale, ou ses sources d'approvisionnement lors de la passation de marchés publics soumis à appels d'offre en 1993 dans le département de la Somme ;
Sur le premier moyen des pourvois n°s 93-13.056 et 94-13.057, pris en leurs trois branches, réunis :
Attendu que les sociétés Santerne et GTIE font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon les pourvois, d'une part, que les pièces jointes à la requête présentée par M. Maisonhaute aux fins d'être autorisé à pratiquer des perquisitions et saisies dans les locaux de la société Santerne ne figurent pas au dossier de la Cour de Cassation, ainsi qu'il devrait en être en application des articles 727 et 729 du nouveau Code de procédure civile ; que cette dernière n'est pas, par suite, en mesure de s'assurer tant de la licéité de ces pièces que de la conformité du contrôle exercé par le président du tribunal de grande instance d'Amiens en application des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard des textes susvisés ; alors, en outre, qu'en application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la société Santerne a droit à être informée de la nature et de la cause des présomptions qui ont été relevées contre elle afin d'autoriser la visite de ses locaux et doit disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'en l'occurrence, le dossier ouvert par le greffe du tribunal de grande instance d'Amiens (article 727 du nouveau Code de procédure civile) et transmis au greffe de la Cour de Cassation (article 729 du nouveau Code de procédure civile) ne contient ni la demande d'enquête du ministre de l'Economie du 4 janvier 1994, ni les vingt-cinq pièces prétendument jointes à la requête soumise au juge par M. Jean Maisonhaute et sur le fondement desquelles les opérations de visite et de saisie ont été autorisées ; que, dès lors, la société Santerne n'est pas en mesure de contester la violation de son domicile dans le cadre d'un procès équitable, en violation des dispositions de l'article 6 de la convention susvisée ; alors, de plus et subsidiairement, que le recours contre la décision d'autorisation de visite domiciliaire constitue, en lui-même, une instance dans le cadre de laquelle le principe du contradictoire doit jouer, au moins après que la visite ait été effectuée ; de sorte que viole l'article 48, alinéa 5, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui renvoie implicitement aux articles 586 et 587 du Code de procédure pénale, la juridiction qui s'abstient en application des textes susvisés de constituer le dossier officiel et de l'adresser à la Cour de Cassation ; alors, au surplus, que les pièces jointes à la requête présentée par M. Maisonhaute aux fins d'être autorisé à pratiquer des perquisitions et saisies dans les locaux de la société GTIE, ne figurent pas au dossier de la Cour de Cassation ; que cette dernière n'est pas, par suite, en mesure de s'assurer tant de la recevabilité de ces pièces que de la conformité du contrôle exercé par le président du tribunal de grande instance d'Amiens aux dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'ordonnance attaquée est, par conséquent, privée de base légale au regard du texte susvisé ; alors, encore, que la protection des droits de l'homme au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 est
assurée par la vérification par le juge qui autorise la visite domiciliaire ainsi que par le contrôle de la Cour de Cassation ; que les pièces jointes à la requête présentée par M. Maisonhaute aux fins d'être autorisé à pratiquer des perquisitions et saisies dans les locaux de la société GTIE ne figurant pas au dossier de la Cour de Cassation, la société GTIE n'est pas mise en mesure de contester la violation de son domicile dans le cadre d'un procès équitable, en violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ; et, alors, enfin, que les exceptions au principe de l'inviolabilité du domicile prévues par le paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 sont d'interprétation étroite et ne peuvent justifier des atteintes aux libertés fondamentales que dans la mesure où il est établi qu'elles sont nécessaires ; que si l'autorité judiciaire peut, en application des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autoriser la violation du domicile au vu des seuls éléments présentés par l'Administration requérante à raison de la nécessité de réprimer des infractions à la libre concurrence, la privation des droits de la défense n'est plus justifiée lorsque la violation du domicile ayant été autorisée et exécutée, la personne visée exerce un recours contre la décision d'autorisation ; que les documents annexés à la requête, qui ont servi de base à la décision d'autorisation des perquisitions et saisies effectuées, n'ayant pas été portés à la connaissance de la société GTIE avant l'examen de son pourvoi par la Cour de Cassation, la société GTIE n'a pas été mise en demeure de contester la visite domiciliaire dont elle a fait l'objet dans le cadre d'un procès équitable, en violation des dispositions des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Mais attendu que l'ordonnance attaquée échappe en elle-même aux griefs formulés aux moyens susvisés lesquels ne concernent que la communication ultérieure des pièces produites par l'Administration ; qu'en effet, d'un côté, en ce qu'ils sont relatifs à la " constitution du dossier officiel " destiné à être " adressé à la Cour de Cassation " les griefs concernent des diligences administratives qui relèvent de l'organisation du service judiciaire ; que, d'un autre côté, s'agissant des critiques émises quant à l'absence de communication des pièces, il appartient aux parties demanderesses au pourvoi, si les pièces litigieuses ne se trouvent pas au greffe de la juridiction de mettre en demeure l'Administration, qui avait obtenu l'autorisation de visite en cause, de leur communiquer lesdites pièces de manière à permettre l'exercice de leurs droits et en particulier d'élaborer les moyens à l'appui de leur pourvoi ;
Que les moyens pris en leurs diverses branches, ne sont pas fondés ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-13.056 pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Santerne fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la requête présentée au président du tribunal de grande instance d'Amiens précise que " par demande d'enquête du 4 janvier 1994, le ministre de l'Economie a demandé au Directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes de prescrire toutes les investigations nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions aux 1, 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à l'occasion des marchés publics cités en objet en utilisant éventuellement la procédure de l'article 48 de l'ordonnance précitée ; il nous a désigné pour présenter la requête à cette fin si l'utilisation de cette procédure apparaissait nécessaire. C'est pourquoi nous présentons devant le président du tribunal de grande instance d'Amiens la présente requête ", ce dont il ressort que contrairement aux termes de l'article 48 qui a pour objet de subordonner les visites domiciliaires à une décision spéciale des hautes autorités que constituent soit le Conseil de la concurrence, soit le ministre, l'acte administratif cité dans la requête subdélègue à la DGCCRF et à un simple directeur régional le soin d'apprécier en opportunité l'utilité des perquisitions ; que, dès lors, en statuant à la vue d'une telle demande d'enquête dans laquelle le ministre se décharge de l'exercice de ses responsabilités propres sur un de ses services, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a violé le texte susvisé ; alors, de plus, que seul le ministre a qualité pour agir en justice et qu'il ressort des termes de l'ordonnance rendue que le juge a été en l'occurrence saisi par M. Maisonhaute, directeur régional à Lille, chef de la brigade interrégionale d'enquête Nord-Pas-de-Calais-Picardie, agissant en son nom propre ; qu'en faisant droit à une telle requête, l'ordonnance attaquée a violé les articles 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 117 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la demande d'enquête désignant M. Maisonhaute pour agir en justice et obtenir l'autorisation litigieuse ne lui donne pas pouvoir de représenter le ministre, mais l'invite à agir en son nom personnel, ce qui caractérise une complète et illégale latitude attribuée à ce fonctionnaire ; alors, en outre et subsidiairement, qu'à supposer que la demande d'enquête du 4 janvier 1994 ait eu pour objet d'organiser la représentation du ministre en justice en la confiant à M. Maisonhaute, elle caractériserait une subdélégation illégale, à défaut d'arrêté nominatif pris par le ministre au profit de M. Maisonhaute ; de sorte qu'en statuant comme il a fait, le juge-délégué a violé ensemble l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les décrets n° 47-233 du 23 janvier 1947 et n° 87-390 du 15 juin 1987 ; alors, enfin, que les mesures qui interviennent sur requête lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement doivent être sollicitées par un avocat ou un officier ministériel légalement habilité, de sorte qu'en faisant droit à la demande d'autorisation présentée par M. Maisonhaute, le juge a violé les articles 812 et 813 du nouveau
Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'exigence selon laquelle la demande d'autorisation de visite et saisie domiciliaire est présentée dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre de l'Economie n'implique pas que le recours à la mesure doive être ordonné par le ministre dès lors que les enquêteurs ont qualité pour présenter une requête en ce sens ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'ordonnance relève que M. Maisonhaute a été désigné par le ministre chargé de l'Economie pour présenter la requête aux juridictions de l'ordre judiciaire ;
Attendu, enfin, que les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile relatives à la présentation des requêtes par ministère d'un avocat ou d'un officier public ou ministériel ne sont pas applicables aux ordonnances de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen des pourvois n°s 94-13.057 et 94-13.058 :
Attendu que les sociétés GTIE et Cegelec font aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon les pourvois, d'une part, que le président du tribunal de grande instance, saisi d'une demande d'autorisation de perquisitions et saisies, doit s'assurer que les éléments d'information qui lui sont soumis ont été obtenus et sont détenus de manière apparemment licite ; qu'en l'espèce, le président du tribunal de grande instance d'Amiens s'est borné à énoncer, pour affirmer que les documents joints à la requête paraissent d'origine licite, que ces documents avaient été soit publiés, soit obtenus au cours des commissions d'ouverture des plis des marchés publics ou en application de l'article 51 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en statuant ainsi, le président du tribunal de grande instance d'Amiens n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier l'origine et la régularité apparente des éléments d'information présentés par l'Administration à l'appui de sa requête, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et, alors, d'autre part, qu'en se référant à des documents dont il n'est pas justifié qu'ils aient été obtenus dans le strict respect des dispositions légales, le Tribunal a entravé les droits de la défense et violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que le juge doit mentionner l'origine apparemment licite des pièces produites par l'Administration sur lesquelles il fonde son appréciation ; qu'en indiquant que les pièces litigieuses ont été obtenues soit parce qu'elles sont publiques, soit parce qu'elles ont été obtenues au moyen du droit de communication prévu par l'article 51 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, soit à l'occasion de la participation des agents de la direction départementale de la Concurrence aux commissions d'ouverture des plis prévues à l'article 282 du Code des marchés publics, l'ordonnance a satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le premier moyen et troisième moyen du pourvoi n° 94-13.058 pris en leurs trois branches, le quatrième moyen du pourvoi n° 94-13.057 et le cinquième moyen du pourvoi n° 94-13.056 pris en ses trois branches, réunis :
Attendu que les sociétés Cegelec, GTIE et Santerne font de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon les pourvois, d'une part, qu'aux termes des dispositions conjuguées des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, en se contentant d'affirmer que dès lors que certaines pratiques concertées avaient été relevées entre plusieurs entreprises à l'occasion des travaux d'assainissement dans la communauté urbaine de Lyon et de la construction du collecteur de la Vallée des Razes, les entreprises concernées par les marchés de la Somme s'étaient nécessairement entendues, le juge a statué par voie d'affirmation pure et simple, en violation des articles susvisés, alors, de plus, que le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; qu'en l'espèce, saisi d'une demande d'autorisation concernant le secteur de l'électrification rurale à l'occasion de marchés publics soumis à appels d'offres dans la Somme, le juge devait vérifier que cette demande était fondée et si elle comportait tous les éléments d'information nécessaires à justifier la visite ; qu'en se bornant à se fonder sur des décisions relatives à des pratiques concertées à l'occasion des marchés de travaux d'assainissement de la communauté urbaine de Lyon et de la construction du collecteur de la Vallée des Razes, sans relever aucun élément propre permettant de révéler l'existence de pratiques concertées similaires à l'occasion de marchés d'électrification rurale dans le département de la Somme, l'ordonnance attaquée a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, en outre, que sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées ; qu'il s'ensuit que l'examen des pratiques suspectées doit être limité à un seul marché et que cet examen ne peut se limiter à la référence à un autre marché ; que, dès lors, en procédant à l'examen des pratiques litigieuses en se référant à une décision rendue par la cour d'appel de Paris dans une affaire concernant un autre marché et d'autres parties, le Tribunal n'a pas appliqué aux sociétés concernées un traitement circonstancié, en violation de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, encore qu'en énonçant que la reconduction des attributaires des marchés dans les conditions précisées est l'un des éléments qui pourrait caractériser l'entente " si elle était avérée " et en déclarant que " ces pratiques peuvent être présumées ", sans s'assurer de leur réalité en l'espèce, le président du Tribunal a statué par une motivation hypothétique, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, au surplus, que le juge doit vérifier que la demande qui lui est présentée comporte tous les éléments d'information de nature à justifier la saisie ; que de simples constatations chiffrées sur les rabais proposés par les entreprises sur un marché donné ou le fait qu'une entreprise soit une deuxième fois attributaire d'un marché ne suffisent pas à constituer des éléments laissant présumer l'existence d'une entente illicite ;
que, dès lors, en se bornant à de telles constatations, l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et, alors, que la durée des marchés à commandes prévues par l'article 278 du Code des marchés publics est limitée à cinq ans maximum ; que le maître de l'ouvrage ayant fixé les conditions de l'appel d'offres, il ne saurait être reproché aux sociétés qui y ont répondu d'avoir obtenu les marchés en cause pour une durée de 5 ans, avant l'entrée en vigueur du nouvel article 273 limitant la durée maximale de marchés à 3 ans, à compter du 18 décembre 1993 ; que, dès lors, en reprochant aux entreprises concernées d'avoir conclu de nouveaux marchés pour 5 ans, peu avant l'entrée en vigueur du nouvel article 273 du code des marchés publics, l'ordonnance attaquée a violé l'article 273 de ce Code, ensemble les articles 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 14 du décret du 27 mars 1993 ; alors, encore, que le président du tribunal de grande instance, saisi d'une demande d'autorisation de perquisitions et saisies sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doit vérifier concrètement que les éléments d'information qui lui sont présentés font effectivement présumer les infractions alléguées ; que le président du tribunal de grande instance d'Amiens a relevé, pour autoriser les perquisitions et saisies sollicitées, que les dix-huit marchés soumis à appel d'offres fin 1993 sont des marchés à commande, ce qui faciliterait les ententes entre soumissionnaires, que la société GTIE n'a pas toujours offert un rabais égal ou supérieur à 19 % qui l'aurait mise en condition d'être attributaire, que les attributions sont équilibrées en nombre, que l'attribution de certains marchés pourrait s'expliquer par des raisons de proximité géographique des entreprises attributaires et que certains attributaires ont été reconduits ; qu'en se fondant ainsi sur des circonstances qui ne faisaient pas présumer que les attributions des marchés considérés étaient consécutives à une entente illicite entre les personnes visées, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a violé les dispositions du texte susvisé ; alors, au surplus, que la pratique des marchés à commandes et la faculté de renouveler ceux-ci par tacite reconduction constituent la mise en oeuvre pure et simple de l'article 273 du Code des marchés publics, unilatéralement décidée par l'Administration, de sorte que le juge-délégué ne pouvait prétendre caractériser un indice d'entente fondé sur la simple application du texte susvisé qu'il viole ; que, de même, le président du Tribunal, qui retient à titre d'indice la programmation de la date à laquelle les appels d'offres litigieux ont été lancés, avant que n'entrent en vigueur les dispositions du décret du 27 mars 1993 limitant à 3 ans la durée maximale de reconduction des marchés à bons de commande, sans indiquer en quoi les sociétés exposées aux visites domiciliaires porteraient une responsabilité quelconque dans le choix de la date des appels d'offres ou dans le choix de la date de l'entrée en vigueur du décret repoussée au 18 décembre 1993 par l'article 14 de ce texte, viole, ensemble, cette disposition et les articles 38 et 38 bis du Code des marchés publics qui laissent une
totale liberté aux administrations concernées pour déclencher les procédures d'appel d'offres ; alors, encore, que la concurrence par les prix autorise les opérateurs à prendre en compte tous les éléments susceptibles de diminuer leurs coûts de production et notamment la proximité des chantiers par rapport au siège de l'entreprise, ou la formation technique du personnel par rapport à un marché dont leur employeur a déjà été titulaire ; de sorte qu'en caractérisant un prétendu indice d'entente dans le fait que les sociétés moins-disantes auraient eu une " prédilection " pour certains lots situés à proximité et dont elles étaient déjà titulaires et auraient dans de tels cas offert les rabais les plus importants, le président du tribunal prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, en outre, qu'à défaut d'avoir pu se fonder sur le moindre indice d'une concertation prohibée entre les entreprises adjudicataires, le président du tribunal ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, se référer à des données purement statistiques seulement susceptibles de démontrer a posteriori les effets d'une entente et nullement la formation de celle-ci ; et, alors, enfin, qu'après avoir posé le principe statistique que les entreprises devaient consentir des rabais de 10 à 21,5 % sur des évaluations administratives pour obtenir le marché, de sorte que seraient présumées avoir fait des offres de couverture celles qui auraient soumissionné en proposant des rabais inférieurs à 19 %, se contredit irrémédiablement l'ordonnance qui ordonne des perquisitions exclusivement au sein des entreprises adjudicataires, et met hors de cause celles qui " ont fait des propositions de rabais dans les dix-huit marchés sans se mettre dans la possibilité d'être attributaires " ;
Mais attendu, en premier lieu, que le président du Tribunal s'est référé en les analysant aux éléments fournis par l'Administration requérante sur le département de la Somme, dont il a indiqué succinctement l'origine, vérifiant ainsi la licéité apparente de celle-ci et a relevé, en se référant à la jurisprudence du Conseil de la concurrence et de la cour d'appel de Paris, les faits fondant son appréciation suivant laquelle il existe des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la mesure ordonnée ;
Attendu, en deuxième lieu, que les faits relevés par l'ordonnance permettaient au juge de considérer dans l'exercice de son pouvoir souverain, et sans que ces motifs soient hypothétiques, qu'il existait à l'encontre de diverses entreprises au nombre desquelles se trouvait la Cegelec, des présomptions de pratiques anticoncurrentielles au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dont la preuve doit être recherchée au moyen de visites domiciliaires dans les locaux desdites entreprises ;
Attendu, enfin, que le président du tribunal n'a pas reproché aux entreprises d'avoir conclu de nouveaux marchés pour 5 ans peu avant l'entrée en vigueur du nouvel article 273 du Code des marchés publics ;
Que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-13.057, pris en ses trois branches et le quatrième moyen du pourvoi n° 94-13.056, réunis :
Attendu que les sociétés GTIE et Santerne font de surcroît grief à l'ordonnance d'avoir autrorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le président du tribunal de grande instance ne peut autoriser l'Administration requérante à exercer un droit de visite qu'en vue de rechercher les preuves d'agissements constitutifs d'infractions déterminées ; qu'en autorisant M. Maisonhaute à faire procéder à " l'ensemble des visites et à la saisie de tous documents nécessaires à la preuve de pratiques entrant dans le champ de celles prohibées par les 1, 2, 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " dans les locaux de plusieurs entreprises parmi lesquelles la société GTIE, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a violé les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'autorisation ainsi accordée ayant un objet général quant aux faits sur lesquels peuvent porter les recherches et violé le texte susvisé, cette autorisation étant également indéterminée au regard des divers agissements visés à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que les perquisitions et saisies autorisées par le président du tribunal de grande instance ne peuvent avoir pour objet que la recherche des preuves des infractions que les éléments d'information présentés par l'Administration requérante permettent de présumer ; qu'ayant estimé que plusieurs entreprises pouvaient être présumées avoir commis des infractions à l'occasion de certains marchés d'électrification rurale dans le département de la Somme, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a autorisé l'Administration requérante à faire procéder à " l'ensemble des visites et à la saisie de tous documents nécessaires à la preuve de pratiques entrant dans le champ de celles prohibées par les 1, 2, 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " dans les locaux de la société GTIE, sans limiter l'objet des perquisitions et saisies autorisées aux infractions que la société GTIE serait présumée avoir commises violant ainsi les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, encore, que le président du tribunal de grande instance ne peut autoriser l'Administration requérante à exercer un droit de visite qu'en vue de rechercher les preuves des infractions déterminées, que les éléments d'information fournis par l'Administration font présumer que le président du tribunal de grande instance d'Amiens a, pour autoriser l'exercice d'un droit de visite dans les locaux de la société GTIE, relevé des dysfonctionnements sur certains marchés d'électrification rurale dans le département de la Somme sans préciser tant la nature des agissements imputés à la société GTIE que celle des infractions qu'elle était présumée avoir commises à l'occasion de ces marchés, violant ainsi les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, enfin, que toute autorisation à caractère général et indéterminé est prohibée, seules les pièces et documents en rapport avec le ou les marchés, sur lesquels le juge a retenu des présomptions d'agissements anticoncurrentiels pouvant faire l'objet des saisies et des visites, prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, le président du tribunal de
grande instance d'Amiens, qui avait retenu des présomptions de tels agissements, seulement à propos des dix-huit marchés à commandes dont les appels d'offres se sont déroulés en novembre et décembre 1993 dans le département de la Somme ne pouvait autoriser les agents de la Direction générale de la Concurrence à procéder à des visites et à des saisies, sans préciser qu'elles étaient limitées à ces marchés et à ce département, et sans violer la disposition susvisée ;
Mais attendu qu'il résulte de l'ordonnance que le président du tribunal de grande instance a autorisé les visites des locaux de huit sociétés d'électricité suspectées d'une entente économique déterminée, à savoir le marché de l'électrification rurale lors de la soumission aux appels d'offres passés par le département de la Somme en 1993, à seule fin de rechercher la preuve de leur concertation quant à l'accès à ce marché public ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, la fixation des prix par le libre jeu du marché et la répartition de ce marché ; qu'ainsi le dispositif critiqué n'a pas, pour effet, d'étendre l'autorisation au-delà du marché public visé par l'ordonnance ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-13.056 :
Attendu que la société Santerne fait, en outre, grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'en ne vérifiant pas si M. Maisonhaute était expressément et nominativement habilité à procéder lui-même aux enquêtes nécessaires à l'application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge-délégué qui lui délivre personnellement cette autorisation dans le dispositif, viole l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que, si afin de satisfaire aux prescriptions de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les fonctionnaires désignés pour procéder aux visites domiciliaires doivent être choisis parmi les enquêteurs habilités, une telle exigence ne concerne pas le chef de service sous l'autorité administrative duquel ils sont placés et dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite susvisées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen additionnel du pourvoi n° 94-13.056 :
Attendu que la société Santerne a déposé, le 16 août 1995, un septième moyen additionnel, alors que le délai qui lui était imparti pour ce faire expirait au 18 juin 1994 ; que ce moyen est donc irrecevable ;
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-13.058, le cinquième moyen du pourvoi n° 94-13.057 et le sixième moyen du pourvoi n° 94-13.056, réunis :
Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Attendu qu'en fixant un délai maximum de 6 mois pour la présentation des requêtes tendant à l'annulation des opérations achevées, alors qu'il ne résulte pas de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'un tel recours soit enfermé dans un délai légal ou dans un délai à la discrétion du juge, le président du Tribunal a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a fixé un délai de 6 mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires, l'ordonnance rendue le 11 janvier 1994, par le président du tribunal de grande instance d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE les pourvois pour le surplus.