AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire VERDUN, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC;
Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 15 septembre 1995, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 24 mois d'emprisonnement assortis du sursis avec mise à l'épreuve pendant 3 ans ainsi qu'à une amende de 30 000 francs, et a ordonné une mesure de publication;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 122, 385, 388, 555, 556, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense;
"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité du mandat de comparution délivré à l'encontre de Christian X... le 9 janvier 1989 et a dit en conséquence que le prévenu ne pouvait se faire un grief d'avoir été renvoyé devant la juridiction correctionelle sans inculpation préalable;
"aux motifs, sur le premier mandat de comparution, que dans un courrier adressé le 18 janvier 1989 au juge d'instruction et joint au dossier, Christian X... s'excusait, auprès de ce magistrat, de "ne pas s'être rendu aux convocations depuis septembre 1988" et s'engageait "à se tenir à sa disposition à compter du 15 février 1989" ;
que, dans ce courrier, il mentionnait comme seule adresse celle du siège de la société ECS; que dans ces conditions, Christian X... est mal fondé à soutenir que le mandat, dont il a eu connaissance et qui a été délivré à l'adresse qu'il a lui-même indiquée, n'est pas conforme aux prescriptions des articles 555 et 556 du Code de procédure pénale;
"alors qu'à défaut d'inculpation préalable, l'ordonnance de renvoi est nulle et ne saisit pas valablement le tribunal correctionnel des faits articulés contre le prévenu; que le mandat de comparution remis le 9 janvier 1989 entre les mains d'un tiers, à l'adresse de la société ECS, n'a pu en l'espèce tenir lieu d'inculpation pour Christian X... dès lors que l'arrêt ne constate pas que son destinataire ait été mis à même de déférer en temps utile à l'invitation du juge d'instruction, ni que ce dernier ait ensuite fait le nécessaire, au besoin par un procédé plus contraignant, pour inculper l'exposant; qu'il ne saurait, en effet, être porté une atteinte aussi grave aux droits de la défense sans que soit justifiée une impossibilité absolue pour l'huissier ou le juge d'instruction de toucher la personne concernée";
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure régulièrement présentée par le prévenu, et prise de ce que le mandat de comparution - valant inculpation - délivré par acte d'huissier le 9 janvier 1989, serait nul pour avoir été notifié, non à son domicile personnel, mais au siège de la société qu'il dirigeait, en violation des prescriptions des articles 555 et 556 du Code de procédure pénale, la cour d'appel relève que Christian X..., qui n'avait préalablement déféré à aucune des convocations du juge d'instruction, a eu connaissance du mandat de comparution, qui lui a été signifié à l'adresse qu'il avait lui-même indiqué;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les gries allégués;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 388, 512, 522, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense;
"en ce que la cour d'appel a considéré que sa saisine n'était pas limitée aux faits situés en 1990 et a pénalement condamné Christian X... du chef de publicité mensongère pour des faits relatifs à la société ECS au cours des années 1987, 1988 et 1989;
"aux motifs que si Y... Dominique s'est expliqué lors de l'information et à l'audience sur les faits relatifs à la société ECS de 1987 à 1989, Christian X... ne peut utilement invoquer une atteinte portée à ses intérêts en raison de l'absence, dans l'ordonnance de renvoi, du visa des années 1987 et 1988, dès lors qu'il ne s'est jamais, et de manière délibérée, présenté aux convocations du juge d'instruction et qu'il n'a pas ensuite comparu devant le tribunal; qu'en conséquence, à son égard également, la saisine de la Cour doit être regardée comme s'étendant à l'ensemble des faits visés dans la procédure d'instruction; (...); qu'il est établi par la procédure que Y... Dominique, en qualité de gérant de la société ECS et Christian X..., en qualité de président du département Euro Psychologie de la société ECS, ont, grâce à des publicités diverses (annonces d'offres d'emploi, définition du profil du poste, plaquettes de présentation) proposé à des personnes à la recherche d'un emploi, une information fallacieuse et erronée quant aux services offerts par la société, quant à la portée des engagements de ses responsables et quant à leurs qualités et aptitudes que, toutefois, la preuve ne se trouve pas rapportée que les prévenus, qui arguent de leur bonne foi et des témoignages de satisfaction recueillis auprès de plusieurs stagiaires, aient, en outre, usé à l'égard des plaignants, de manoeuvres frauduleuses; que dès lors, les faits, objets de la poursuite et que régulièrement soumis aux débats contradictoires seront requalifiés et Y... Dominique et Christian X..., auxquels il appartenait, en leur qualité d'annonceurs, de s'assurer préalablement à la diffusion des textes publicitaires en cause, de l'exactitude des renseignements qu'ils donnaient et dont la carence, à cet égard, s'est traduite par la diffusion, auprès des candidats, de fausses informations sur les emplois que pouvait leur procurer la société ECS, seront déclarés coupables du délit de publicités mensongères, tel que prévu et réprimé à la date des faits, par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 et l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et dont les éléments d'incrimination retenus au cas d'espèce ont été repris par les articles L. 121-1, L. 121-5 et L. 121-6, alinéa 1er, du Code de la consommation et dont la sanction est prévue par les articles L. 121-6 et L. 123-1 du même Code;
"alors que, d'une part, l'acceptation d'un coprévenu de s'expliquer sur des faits non visés par l'ordonnance de renvoi est inopposable au prévenu qui a clairement refusé à l'audience d'être jugé sur lesdits faits;
"alors que, d'autre part, la défaillance antérieure du prévenu n'est pas un motif opérant permettant de forcer son acceptation prétendue d'être jugé sur des faits étrangers à l'ordonnance de renvoi;
"alors, subsidiairement, qu'à défaut d'interpellation spéciale des parties ou de réouverture des débats, la cour d'appel ne pouvait retenir en secret une qualification non visée dans la prévention et sur laquelle le prévenu n'a pas été mis à même de se défendre spécialement;
"alors, enfin, que les énonciations de la cour d'appel ne permettent pas à la Cour régulatrice de s'assurer qu'il n'a rien été changé aux faits de la prévention en sorte que la requalification par elle opérée est dénuée de base légale";
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juridictions correctionnelles ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'acte qui les a saisies sauf comparution volontaire du prévenu;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Christian X..., qui n'a pas déféré aux mandats de comparution délivrés par le juge d'instruction, a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle sous la prévention d'escroquerie, pour des faits commis au cours de l'année 1990; que, condamné par itératif défaut en première instance, il a relevé appel des seules dispositions pénales du jugement;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de Christian X..., lequel, comparant pour la première fois, soutenait que la juridiction répressive n'était saisie que des faits relatifs aux activités de la société "Groupe Moz", qui seules entraient dans la période visée à la prévention, la juridiction du second degré énonce que le prévenu ne saurait se plaindre de l'absence de "visa", dans l'ordonnance de renvoi, des années 1987 et 1988 dès lors qu'il s'est abstenu délibérément de comparaître devant la juridiction d'instruction puis devant le tribunal; qu'elle relaxe ensuite le prévenu des faits commis en 1990, en sa qualité de gérant de fait de la société "Groupe Moz" et le déclare coupable, après requalification, de publicités mensongères réalisées entre 1987 et 1989 pour le compte d'une société tierce dont il était l'un des dirigeants;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que Christian X... refusait de comparaître volontairement sur ces derniers faits, non compris dans l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a méconnu les textes et principes sus-rappelés;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions concernant Christian X..., l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS, en date du 15 septembre 1995, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, toutes autres dispositions étant expressément maintenues;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Jean Simon conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme verdun conseiller rapporteur, MM. Blin, Aldebert, Grapinet, Challe, Mistral, Blondet conseillers de la chambre, Mme Ferrari, conseiller référendaire,
Avocat général : M. Dintilhac ;
Greffier de chambre : Mme Arnoult ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;