AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de X... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Jean-Pierre,
- Y... François,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 27 juin 1995, qui, dans les poursuites exercées contre eux des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux, escroquerie, importation en contrebande de marchandise prohibée, travail clandestin, a prononcé sur les intérêts civils;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur l'unique moyen de cassation pris de la violation des articles 5, 85 et suivants, 485, 593 du Code de procédure pénale, de la règle una via electa, violation des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de Me Z..., es-qualité de liquidateur de la société Brassart-Penez, à l'encontre des trois prévenus et les a, en conséquence, condamnés à lui payer diverses sommes;
"aux motifs que l'action engagée par le liquidateur devant le tribunal de commerce d'Hazebrouck tend à voir Jean-Pierre et François Y... tenus de supporter l'insuffisance d'actif de la SA Brassart-Penez en application de l'article 180, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 1985; qu'au soutien de cette demande, le liquidateur pouvait, pour caractériser les fautes de gestion nécessaires à l'application de ce texte, relever les délits reprochés dans la présente instance sans que, pour autant, cet état des accusations interdise, au titre des articles invoqués par la défense, au liquidateur de réclamer aux prévenus la réparation des délits qui leur sont imputés; que les deux actions tendent à des fins différentes et reposant sur des principes distincts sont recevables;
"alors que Me Z..., ayant exercé es-qualité de liquidateur de la société Brassart-Penez, une action devant le tribunal de commerce d'Hazebrouck, en comblement de passif, dirigée contre les trois prévenus, action fondée sur les abus de biens sociaux et recel, faux et usage de faux, vente sans facture, escroquerie et travail clandestin, ce pourquoi les mêmes personnes étaient renvoyées devant le tribunal correctionnel d'Hazebrouck, il en résultait que Me Z... n'était pas recevable en la même qualité à se constituer partie civile devant la juridiction répressive, et ce, en raison de l'identité de cause, de partie et d'objet entre les deux procédures; que, dès lors, en déclarant l'action civile recevable, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen";
Attendu que Jean-Pierre et François Y... sont poursuivis en leur qualité de dirigeants de la société Brassart-Penez pour diverses infractions commises dans la gestion de celle-ci; que le liquidateur judiciaire de la société s'étant constitué partie civile, les prévenus ont fait valoir que cette intervention était irrecevable, une action en comblement de passif fondée sur les infractions visées à la prévention ayant déjà été engagée;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus et confirmer la recevabilité de la constitution de partie civile, la cour d'appel énonce que, si elle est en partie fondée sur les mêmes fautes de gestion, l'action en comblement de passif engagée par le liquidateur devant le tribunal de commerce a, néanmoins, un objet différent de l'action civile en réparation du préjudice résultant des infractions poursuivies;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher, Martin, Pibouleau, Blondet conseillers de la chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires;
Avocat général : M. Dintilhac ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;