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15/10/1996 | FRANCE | N°94-20763

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 octobre 1996, 94-20763


Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 août 1994), que Mme X..., propriétaire d'un véhicule de marque Porsche d'une puissance fiscale de 17 chevaux, a sollicité, par réclamation du 28 mars 1991, la restitution de la taxe spéciale acquittée pour l'année 1985 et des taxes différentielles acquittées pour les années 1986 à 1991 ; que le tribunal de grande instance a rejeté sa demande ; que Mme X... a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son appel irrec

evable alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en restitution de taxes...

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 août 1994), que Mme X..., propriétaire d'un véhicule de marque Porsche d'une puissance fiscale de 17 chevaux, a sollicité, par réclamation du 28 mars 1991, la restitution de la taxe spéciale acquittée pour l'année 1985 et des taxes différentielles acquittées pour les années 1986 à 1991 ; que le tribunal de grande instance a rejeté sa demande ; que Mme X... a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son appel irrecevable alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire est une action en répétition de l'indu soumise à la prescription trentenaire du droit commun ; que l'alinéa 2 nouveau de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales soumet aux règles de la procédure fiscale " toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondés sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure " ; que, pour déclarer irrecevable l'appel formé par Mme X... à l'encontre du jugement rendu le 20 mars 1992 par le tribunal de grande instance de Castres, la cour d'appel a déclaré le nouveau texte applicable à l'action en répétition de l'indu exercée par la contribuable ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé par fausse application les articles L. 190 nouveau et L. 199 du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a pas d'effet rétroactif ; que la loi du 29 décembre 1989 modifiant l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales, applicable aux litiges engagés après le 1er janvier 1990 et soumettant aux règles de procédure fiscale l'action en restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire, ne peut, sans rétroactivité, atteindre les effets d'une situation juridique définitivement réalisée au profit du contribuable par les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes des 9 mai 1985 et 17 septembre 1987 déclarant les taxes versées contraires au droit communautaire, à une date où l'action en restitution de l'indu était soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; qu'en déclarant l'article L. 190 nouveau du Livre des procédures fiscales immédiatement applicable à l'action exercée par Mme X..., en remboursement de telles taxes, la cour d'appel a violé les articles 2 du Code civil et L. 190 et L. 199 du Livre des procédures fiscales ; et alors, encore, que, pour déclarer irrecevable l'appel de Mme X... en application des articles L. 199 et L. 190 nouveau du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la nouvelle législation n'avait pas eu pour effet de rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, en réduisant spécifiquement les actions en répétition de l'indu par leur soumission aux conditions de la procédure fiscale et en instituant une prescription abrégée, le législateur n'a pas mis obstacle aux actions en restitution des contribuables découlant des droits conférés par l'ordre juridique communautaire la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ; et alors, enfin, que, les décisions de la Cour de Cassation n'étant pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir d'une question préjudicielle la Cour de justice des Communautés européennes en cas de difficulté d'interprétation du droit européen ; qu'il appartient, le cas

échéant, à la Cour de Cassation de saisir la cour de justice des Communautés européennes de la question de savoir 1° si l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales, tel que modifié par la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989, n'a pas fixé les modalités de remboursement des taxes déclarées illicites par la Cour de justice des Communautés européennes de manière à faire échec, rétroactivement, aux effets d'une situation définitivement réalisée pour le contribuable, restreignant ainsi l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; 2° si les modalités de remboursement fixées par le législateur national ne sont pas discriminatoires à l'égard des taxes dont la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré l'illicéité ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la réclamation de Mme X... avait été présentée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989, c'est à bon droit que l'arrêt retient que l'article L. 190, alinéa 2, du Livre des procédures fiscales a eu pour effet de rendre applicables aux actions en répétition de l'indu les règles de ce Livre, et notamment l'article L. 199 disposant que les jugements de tribunaux de grande instance sont sans appel et ne peuvent être attaqués que par voie de cassation et que cette disposition, applicable également aux actions en répétition de l'indu fondée sur le droit national ou sur une convention internationale, n'a pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ni de réduire spécifiquement, après un arrêt d'incompatibilité de la Cour de justice des Communautés européennes, les possibilités d'agir en répétition des taxes visées par cet arrêt ;

Attendu, en second lieu, que, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription nouvelle ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, à moins qu'il n'en soit disposé autrement ; que la loi du 29 décembre 1989, ainsi interprétée, n'a sur ce point aucun caractère rétroactif ;

Que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-20763
Date de la décision : 15/10/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Règle supérieure - Imposition décidée non conforme - Action en restitution - Instruction et jugement - Compatibilité avec le droit communautaire .

IMPOTS ET TAXES - Voies de recours - Pourvoi en cassation - Décisions susceptibles - Jugement - Objet - Répétition - Non-conformité

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Réduction - Point de départ - Date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle

LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Prescription - Délai - Réduction

Ayant constaté que la réclamation avait été présentée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que l'article L. 190, alinéa 2, du Livre des procédures fiscales a eu pour effet de rendre applicables aux actions en répétition de l'indu les règles de ce Livre et notamment l'article L. 199 disposant que les jugements de tribunaux de grande instance sont sans appel et ne peuvent être attaqués que par voie de cassation et que cette disposition, applicable également aux actions en répétition de l'indu fondée sur le droit national ou sur une convention internationale, n'a pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ni de réduire spécifiquement, après un arrêt d'incompatibilité de la Cour de justice des Communautés européennes, les possibilités d'agir en répétition des taxes visées par cet arrêt. Lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription nouvelle ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, à moins qu'il n'en soit disposé autrement ; la loi du 29 décembre 1989, ainsi interprétée, n'a sur ce point aucun caractère rétroactif.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L190 al. 2, L199

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 04 août 1994

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1994-12-13, Bulletin 1994, IV, n° 380 (3), p. 313 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 oct. 1996, pourvoi n°94-20763, Bull. civ. 1996 IV N° 238 p. 206
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 238 p. 206

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : MM. Parmentier, Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.20763
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