AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Mme Aline X..., veuve Z...,
2°/ M. Gérard Z..., demeurant ensemble ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 avril 1994 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), au profit :
1°/ de M. Pierre Y..., demeurant ...,
2°/ de la société Transports Alaine, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 1996, où étaient présents : M. Michaud, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Dorly, conseiller rapporteur, MM. Chevreau, Pierre, Colcombet, Mme Solange Gautier, conseillers, Mlle Sant, M. Mucchielli, conseillers référendaires, M. Tatu, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat des consorts Z..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Transports Alaine, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 avril 1994), qu'une collision est survenue à une intersection entre le camion de la société Transports Alaine (la société) conduit par M. Y... et l'automobile de M. Z...; que celui-ci a été tué dans l'accident; que les consorts Z... ses ayants droit, ont demandé réparation de leurs préjudices à la société et à M. Y...;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en affirmant que la vitesse excessive du poids lourd chargé de 10 tonnes de marchandises (25 poids total chargé autorisé) n'avait pu jouer aucun rôle dans la mesure où il avait commencé à freiner 22 mètres seulement avant l'impact "alors qu'un véhicule léger a besoin pour s'arrêter de plus de 30 mètres lorsqu'il circule à 60 Km/h", la cour d'appel a introduit un élément de pur fait, non débattu par les parties en violation des articles 4 et 5 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
d'autre part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué, que le chauffeur du poids lourd a estimé sa vitesse "à 85/90 Km/h" à l'entrée de l'agglomération où la vitesse est limitée à 60 Km/h et qu'en dépit du choc les traces de freinage ont atteint 55,65 mètres, caractérisant par là-même un excès de vitesse incontestable, de sorte qu'en se déterminant par la considération qu'une réduction de vitesse du poids lourd n'aurait pas permis à son conducteur d'effectuer une manoeuvre d'évitement ou de sauvetage pour déclarer que la faute de la victime, M. Z..., était exclusive, la cour d'appel a pris en considération uniquement l'impact et non les conséquences aggravantes qui découlaient nécessairement de l'excès de vitesse, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985; enfin, que la cour d'appel ne pouvait affirmer le caractère prétendument exclusif de la faute commise par le conducteur du véhicule de tourisme (M. Z...) sans rechercher si le grave excès de vitesse commis par le conducteur du poids lourd n'avait pas joué un rôle déterminant dans l'appréciation de la manoeuvre entreprise par l'automobiliste, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a également violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs non critiqués, une faute de M. Z..., qui était débiteur de la priorité, et énonce qu'il n'est pas établi de façon formelle à quelle vitesse roulait le camion;
Que, de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a pu décider que la faute de M. Z..., seule cause de l'accident, excluait l'indemnisation de ses ayants droit;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z..., envers M. Y... et la société Transports Alaine, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize.