Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt critiqué (Paris, 6 avril 1994) que, par application de l'article 36 de la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne, la société de droit belge Compagnie des diamantaires d'Anvers (CDA), dont le capital était presque entièrement détenu par M. X..., son administrateur unique, et qui proposait au public la vente de diamants selon les dispositions de l'article 1585 du Code civil, a soumis à la Commission des opérations de bourse (COB) un projet de document sur ce placement ; que la COB a informé la CDA, le 20 septembre 1983, de ce qu'elle enregistrait le document sous réserve de l'insertion d'un avertissement aux épargnants ; que, toutefois, par lettre du 20 juillet 1984, elle lui a fait savoir que le dispositif proposé ne répondait pas aux préoccupations par elle exprimées lors de l'examen du document initial, qu'en conséquence elle " avait décidé de mettre fin à la validité du numéro d'enregistrement " et qu'" à partir de la date de sa lettre, aucun contrat ne devrait être conclu avec les épargnants " ; que, par arrêt du 29 mai 1991, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a annulé, pour excès de pouvoir, la décision de la COB en date du 20 juillet 1984 ; que M. Y..., agissant en qualité de syndic de la liquidation des biens de la CDA, ainsi que M. X..., ont réclamé à l'Etat la réparation des préjudices qu'aurait causés la décision de la COB, constitutive, selon eux, d'une faute ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor reproche à l'arrêt d'avoir dit que la COB avait commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, lorsque la responsabilité de la puissance publique est conditionnée par l'existence d'une faute lourde, le fait qu'une illégalité ait été commise ne suffit pas à caractériser une telle faute ; qu'en particulier, ne saurait être qualifiée de lourdement fautive la décision de l'Administration qui, tout en excédant ses pouvoirs, intervient néanmoins pour protéger l'intérêt général ; qu'en estimant que la COB avait commis une faute lourde en s'arrogeant des pouvoirs qu'elle n'avait pas, tout en admettant que la Commission avait voulu agir pour protéger les épargnants de placements dangereux, attitude qui excluait nécessairement l'existence d'une faute lourde puisque la COB a expressément pour vocation de protéger l'épargne publique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 ; et alors, d'autre part, que, dans ses conclusions, il faisait valoir que la COB n'avait commis aucune faute lourde, dès lors qu'elle était intervenue pour mettre fin à une opération ultérieurement qualifiée d'escroquerie, tant par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris que par la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 13 septembre 1993 versé aux débats ; qu'en se bornant à envisager la condamnation pénale de M. X... au seul plan du préjudice, et en ordonnant sur ce seul point le sursis à statuer jusqu'à l'achèvement de la procédure pénale, sans rechercher en aucune manière si une condamnation pénale définitive de M. X... n'aurait pas également pour effet d'exclure toute idée de faute lourde de la COB, dont l'intervention se trouvait ainsi justifiée par le souci de mettre un terme à une escroquerie, la cour d'appel a, à nouveau, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient qu'en prenant sa décision, la COB ne pouvait ignorer que la loi du 3 janvier 1983, dont il n'a jamais été soutenu que les dispositions étaient ambiguës, lui donnait seulement pour mission de vérifier l'objectivité des informations données sur le placement sans lui permettre d'en juger la qualité ou l'opportunité et encore moins d'exercer un pouvoir d'autorisation, qu'en dépit du recours en annulation immédiatement formé, elle a alerté la presse et suscité des contrôles administratifs, que l'excès de pouvoir est flagrant et ne s'explique, ni par un pouvoir de contrôle délimité, ni par l'urgence d'une intervention, et que, s'il n'est pas douteux que la COB ait voulu agir pour protéger les épargnants de placements dangereux, l'intention louable n'atténue pas la gravité de la faute commise en s'arrogeant un pouvoir qu'elle n'avait pas ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et alors que l'atteinte au droit d'exercer une activité professionnelle doit avoir un fondement législatif, la cour d'appel a pu décider que la faute commise par la COB était lourde et engageait la responsabilité de l'Etat ;
Attendu, d'autre part, que, pour apprécier la faute de la COB, la cour d'appel s'est à bon droit fondée sur les circonstances de droit et de fait existant au moment où celle-ci a pris sa décision, et non sur une éventuelle condamnation pénale définitive ultérieurement prononcée contre le dirigeant de la CDA ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.