Joint les pourvois n°s 94-14.787, 94-14.786 et 94-14.723 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Conseil national des professions de l'automobile et divers concessionnaires exclusifs des marques Renault, Peugeot, Citroën et Ford pour la région de Niort (les concessionnaires) ont assigné, en concurrence déloyale, devant le tribunal de commerce, la société à responsabilité limitée Garage Gauvin et la société Le Relais de Chauray, pour voir prononcer, à leur encontre, l'interdiction de vendre des véhicules de ces mêmes marques ; que ces véhicules de faible kilométrage proviennent en partie d'autres Etats membres et en partie des fabricants eux-mêmes, s'agissant de véhicules d'exposition ou accidentés ; qu'ils sont vendus à bas prix ;
Sur les pourvois principaux :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 94-14.723, le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, des pourvois n° 94-14.786 et n° 94-14.787 :
Vu l'article 85, § 1 et 3, du Traité et les articles 1, 2 et 3 du règlement CEE n° 123-85 de la Commission du 12 décembre 1984 concernant l'application de l'article 85, § 3, du Traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles ;
Attendu que, pour accueillir la demande des concessionnaires, l'arrêt retient que la solution du litige dépend de la question de savoir si les contrats de concession exclusive peuvent être opposés à des tiers et rejette, pour répondre affirmativement, le moyen selon lequel le règlement n° 123-85 ne permet pas au constructeur ou à son importateur dans un Etat membre de s'opposer à ce qu'un revendeur les importe et les revende dans un autre Etat membre au seul motif qu'il n'est pas un revendeur agréé ou qu'il n'est pas un mandataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Cour de justice des Communautés européennes, dans deux arrêts du 15 février 1996 (Grand Garage albigeois et Nissan France SA), a dit pour droit que le règlement n° 123-85 de la Commission doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3, II, de ce règlement, se livre à une activité d'importation parallèle et de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque et que ce règlement ne s'oppose pas davantage à ce qu'un opérateur indépendant cumule les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importations parallèles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 94-14.723, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche des pourvois n° 94-14.787 et 94-14.786 :
Vu les articles 155 et 189 du Traité instituant la Communauté européenne ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que la communication de la Commission du 4 décembre 1991 consacre implicitement l'opposabilité à tous des contrats de concession exclusive exemptés en application du règlement n° 123-85 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses arrêts précités, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la communication en cause n'a pour objet que de clarifier certaines notions utilisées par le règlement n° 123-85 et ne saurait dès lors modifier la portée de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° 94-14.723, le deuxième moyen, pris en sa sixième branche, des pourvois n° 94-14.787 et n° 94-14.786 :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que la circonstance que les réseaux des fabricants ne seraient pas étanches, c'est-à-dire qu'en d'autres lieux, soit dans la Communauté, soit ailleurs dans le monde, ceux-ci ne réserveraient pas la vente de leurs produits à des concessionnaires exclusifs ne saurait faire disparaître la faute ayant consisté de la part des revendeurs non agréés à méconnaître les droits de ces fabricants et de leurs concessionnaires dans la région de Niort ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le revendeur justifiait de l'origine régulière des produits et dès lors que le fait pour un tiers de satisfaire des commandes avec des produits acquis régulièrement, en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficiait à sa connaissance un concessionnaire exclusif, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principaux et sur les pourvois incidents :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.