AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société thermique de l'Almont (STHAL), société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., et la directon technique, ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 février 1994 par la cour d'appel de Paris (17e chambre), au profit :
1°/ de la société Navigation et transports, dont le siège est ... V, 76600 Le Havre,
2°/ de la compagnie Alpina, dont le siège est 123 Seefeldstrasse, 08034 Zurich (Suisse),
3°/ de la compagnie Via assurances IARD, dont le siège est ...,
4°/ de la compagnie l'Alsacienne, dont le siège est ...,
5°/ de la compagnie British and foreign marine, dont le siège est New Hall Place, Liverpool L 69 3 EN (Grande-Bretagne),
6°/ de la compagnie Commercial union, dont le siège est ...,
7°/ de la compagnie Le GAN, dont le siège est ...,
8°/ de la compagnie Guardian royal exchange, dont le siège est ...,
9°/ des Mutuelles du Mans IARD, dont le siège est ...,
10°/ de la compagnie Drouot assurances, dont le siège est 1, place Victorien Sardou, 78160 Marly le Roi,
11°/ de la compagnie Nationale Suisse France, dont le siège est ...,
12°/ de la société Norwich union fire insurance society, dont le siège est Surrey street, Narsolk, Norwich NR 1-3NG (Grande-Bretagne),
13°/ de la compagnie l'Alliance, au titre de la compagnie La Protectrice AIAR, dont le siège est ..., La Défense 10, 92800 Puteaux,
14°/ de la compagnie Zurich assurances, dont le siège est ...,
15°/ de la compagnie CAMAT, dont le siège est ... Paris Cedex 02,
16°/ de la compagnie Eagle star France, dont le siège est Immeuble Le Richelieu, 7, terrasse des Reflets, 92081 Paris-La Défense Cedex 17,
17°/ de la compagnie MGFA, les Mutuelles du Mans, dont le siège est ...,
18°/ de la compagnie Uni Europe, dont le siège est ...,
19°/ des Mutuelles unies IARD, dont le siège est ...,
20°/ de la Mutuelle parisienne de garantie, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 mai 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Aubert, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Aubert, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de la Société thermique de l'Almont, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Navigation et transports, de la compagnie Alpina, de la compagnie Via assurances IARD, de la compagnie l'Alsacienne, de la compagnie British and foreign marine, de la compagnie Commercial union, de la compagnie Le GAN, de la compagnie Guardian royal exchange, des Mutuelles du Mans IARD, de la compagnie Drouot assurances, de la compagnie Nationale Suisse France, de la société Norwich union fire insurance society, de la compagnie l'Alliance, de la compagnie Zurich assurances, de la compagnie CAMAT, de la compagnie Eagle star France, de la compagnie MGFA, de la compagnie Uni Europe, des Mutuelles unies IARD et de la Mutuelle parisienne de garantie, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Société thermique de l'Almont (STHAL) a chargé, en 1988, la Société de prospection et d'études géothermiques (SPEG) de la rénovation d'un puits géothermique de réinjection; que pour être garantie des surcoûts -dépenses de sauvetage ou de récupération suite à des évènements énumérés au contrat, etc.- elle a souscrit, le 4 mai 1988, un contrat d'assurance auprès de diverses compagnies intervenant en coassurance, et dont la compagnie Navigation et transports avait la qualité de compagnie apéritrice; que suite à l'interruption, le 29 juin 1988, des opérations de rénovation, et à leur arrêt définitif le 4 juillet suivant, le puits étant bouché à la profondeur de 1068 mètres, la société STHAL a demandé la mise en oeuvre du contrat et la condamnation de la compagnie Navigation et transports en sa qualité de compagnie apéritrice; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 22 février 1994) a rejeté cette demande;
Sur le premier moyen :
Attendu que la STHAL reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors que, en se déterminant par la considération que la "preuve n'était pas rapportée que l'obstruction constatée le 4 juillet 1988 était la conséquence d'un des évènements ouvrant droit à garantie tels qu'énumérés au contrat d'assurance", la cour d'appel aurait inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil et L. 113-1 du Code des assurances;
Mais attendu que c'est à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance qu'il incombe d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir constaté que l'effondrement du puits n'était pas imputable aux travaux effectués par la SPEG, a considéré que la STHAL ne rapportait pas la preuve que la garantie lui était acquise; que le moyen n'est donc pas fondé;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la STHAL fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors que, d'une part, en s'abstenant de répondre aux conclusions qui faisaient valoir que l'effondrement constaté plus bas le 4 juillet provenait des opérations sévères de décoincement réalisées la veille, le 3 juillet suite au coincement de l'appareil survenu le 29 juin, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et que, d'autre part, ayant elle-même relevé que l'effondrement du tubage ne s'était pas réalisé spontanément par le jeu de la corrosion mais seulement par l'effet du nettoyage mécanique que ce tubage corrodé n'était pas en état de supporter, la cour d'appel n'aurait pu énoncer que l'effondrement du puits était exclusivement imputable à son état et à la désagrégation du tubage et non aux travaux effectués par la SPEG sans se contredire, violant ainsi une nouvelle fois le même texte;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre au détail de l'argumentation développée devant elle, a relevé que, dès avant les travaux, le puits était sensiblement rétréci par des dépôts au niveau -1150 qui avaient empêché une sonde d'un diamètre plus important que celui d'une sonde de thermométrie de descendre plus bas que celle-ci, que le tubage était corrodé au point, selon l'avis de l'un des technicien, de disparaître au niveau -1051, et qu'un autre technicien avait observé que le tubage, tel qu'il était avant les travaux, était en fait irréparable et pouvait être considéré comme totalement consommé; que c'est par une appréciation souveraine, et sans se contredire, qu'elle a déduit de cet ensemble de constatations que l'effondrement n'était pas imputable aux travaux effectués;
Sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la STHAL reproche encore à l'arrêt d'avoir écarté la garantie des assureurs, alors que, d'une part, en retenant qu'il a été établi, par des investigations à l'aide d'une sonde, que le puits était déjà obturé à - 1150 mètres avant le commencement des travaux, la cour d'appel aurait dénaturé les rapports d'expertise en violation de l'article 1134 du Code civil; que, d'autre part, en s'abstenant d'indiquer les autres éléments de preuve dont elle aurait pu déduire cette preuve d'un fait expressément contesté par la société STHAL, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; qu'enfin, en se référant à l'obturation antérieure au niveau de -1150 mètres, qui ne pouvait être la cause de celle survenue le 4 juillet à la cote moins basse de -1070 mètres, la cour d'appel aurait méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel ne s'est pas prononcée par le seul motif que critique le moyen au titre de la dénaturation, lequel est surabondant; qu'ensuite, c'est d'un ensemble de constatations -rétrécissement du puits par des dépôts, corrosion du tubage entraînant sa disparition à un niveau voisin de celui de l'effondrement ...- qu'elle a faites à partir des rapports des différents experts, nommément cités, ainsi que d'une lettre, spécialement visée par elle, adressée par le directeur régional de l'Industrie et de la recherche d'Ile-de-France à un responsable de la STHAL, qu'elle a déduit, sans se contredire, que l'effondrement du puits était exclusivement imputable à son état et à la désagrégation du tubage et non aux travaux effectués par la SPEG; qu'il s'ensuit que le moyen est inopérant en sa première branche et mal fondé en ses deux autres branches;
Et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, tels qu'ils figurent au mémoire en demande et sont reproduits en annexe au présent arrêt :
Attendu que, s'attaquant aux énonciations de l'arrêt qui sont relatives à l'exclusion de garantie stipulée par l'article 4 du contrat d'assurance et à l'application de l'article L. 121-7 du Code des assurances, ces griefs critiquent encore des motifs surabondants, la cour d'appel ayant admis que le dommage ne pouvait être garanti par les assureurs faute d'être imputable aux travaux effectués par la SPEG; que ces différents moyens sont donc inopérants;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette la demande formée, sur le fondement de ce texte, par la compagnie Navigation et transports et les 19 autres coassureurs;
Condamne la Société thermique de l'Almont aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du deux juillet mil neuf cent quatre vingt seize.