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18/06/1996 | FRANCE | N°94-14567

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 juin 1996, 94-14567


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, le 6 septembre 1988, M. Bruno Z... a acquis un fonds de commerce de garage, mécanique, carrosserie, vente de véhicules, pour un prix de 400 000 francs, et a obtenu, à cette fin, un prêt de la Banque nationale de Paris (BNP), d'un montant de 401 000 francs au taux de 10,60 %, remboursable en 84 mensualités ; que le père de l'emprunteur a lui-même consenti un prêt de 130 000 francs à son fils, destiné au règlement des frais d'enregistrement, de l

a commission d'agence et de la reprise du stock ; que, le 17 janvier 1990...

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, le 6 septembre 1988, M. Bruno Z... a acquis un fonds de commerce de garage, mécanique, carrosserie, vente de véhicules, pour un prix de 400 000 francs, et a obtenu, à cette fin, un prêt de la Banque nationale de Paris (BNP), d'un montant de 401 000 francs au taux de 10,60 %, remboursable en 84 mensualités ; que le père de l'emprunteur a lui-même consenti un prêt de 130 000 francs à son fils, destiné au règlement des frais d'enregistrement, de la commission d'agence et de la reprise du stock ; que, le 17 janvier 1990, M. Bruno Z... a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire et, le 13 octobre 1990, d'un jugement de liquidation judiciaire ; que M. X..., représentant des créanciers de M. Z..., a assigné la BNP en paiement de dommages-intérêts, en lui reprochant d'avoir soutenu abusivement celui-ci ;

Attendu que, pour condamner la BNP, l'arrêt retient que celle-ci a accordé un prêt et des facilités de trésorerie sans commune mesure avec la " surface financière " de M. Z... ; qu'il suffit de rappeler à ce sujet que ce dernier ne disposait en tout et pour tout que d'un CAP de mécanique automobile passé alors qu'il avait 15 ans, qu'il ne justifiait pas avoir accompli de stages professionnels ni même avoir suivi le stage de créateur d'entreprise auquel il s'était inscrit ; que la BNP aurait dû se montrer d'autant plus vigilante que M. Z..., âgé de 27 ans à l'époque, faisait l'acquisition de son premier garage, sans aucune expérience professionnelle et sans capitaux puisqu'il empruntait la totalité du prix de cession ; que la banque a accepté de financer cette acquisition alors que la " viabilité " de l'entreprise n'était pas raisonnablement crédible ; qu'il n'est pas contesté que le compte de résultat prévisionnel pour 1989, établi postérieurement à l'acquisition par l'OCE, société d'expertise comptable, fait état d'une marge brute fantaisiste puisque correspondant à 33 % du chiffre d'affaires, alors que le professionnel averti qu'était le cédant réalisait une marge brute de 20 à 26 % du chiffre d'affaires ; qu'aucune justification n'est donnée à la capacité d'autofinancement prévisionnel portée à 193 000 francs ; que le remboursement d'emprunts est pris en compte dans ce document pour 36 000 francs par an alors qu'il était en réalité de 80 384,60 francs ; que, de même le budget prévisionnel pour un exercice de douze mois, non daté, établi par une entreprise de comptabilité " Cornu France " comporte des erreurs grossières qui n'auraient pas dû échapper à la banque ; que l'emprunt est fixé à 360 000 francs alors qu'il se montait à 401 000 francs, que les frais d'acquisition pris en compte s'élevaient à 90 000 francs au lieu de 130 000 francs ; que les facilités de caisse n'apparaissent pas alors qu'elles ont été déclarées au redressement judiciaire pour 261 723,80 francs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, ni le taux de l'intérêt du prêt, ni la durée d'amortissement de celui-ci étaient anormaux, qu'il n'était pas soutenu que le prix du bien acquis avait été surestimé, que les résultats du cédant étaient en constante progression, que la marge brute qu'elle avait elle-même retenue ne révélait pas un manque de rentabilité de l'entreprise, que, des deux documents comptables prévisionnels dont elle critiquait la pertinence, l'un était postérieur au prêt et l'autre sans date, que l'emprunteur avait reçu le soutien financier de son père, que son âge et sa relative inexpérience professionnelle étaient connus, ou pouvaient l'être, aussi bien par les personnes avec lesquelles il devait être appelé à contracter que par la BNP, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi, au moment où la banque avait accordé son concours, celle-ci avait trompé les tiers sur la situation financière de M. Bruno Y... et sur la rentabilité du fonds de commerce qu'il acquérait en grande partie au moyen du prêt, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-14567
Date de la décision : 18/06/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Crédit pour l'acquisition d'un fonds de commerce - Conditions normales - Tiers trompés - Constatations nécessaires .

Viole l'article 1382 du Code civil la cour d'appel qui retient qu'une banque a commis une faute en accordant un prêt pour l'acquisition d'un fonds de commerce, alors qu'il ressort de ses propres constatations que ni le taux de l'intérêt du prêt ni la durée de l'amortissement de celui-ci n'étaient anormaux, qu'il n'était pas soutenu que le prix du bien acquis avait été surestimé, que les résultats du cédant étaient en constante progression, que la marge brute qu'elle avait elle-même retenue ne révélait pas un manque de rentabilité de l'entreprise, que, des deux documents comptables prévisionnels dont elle critiquait la pertinence, l'un était postérieur à l'acquisition et l'autre sans date, que l'emprunteur avait reçu le soutien financier de son père, que son âge et sa relative inexpérience professionnelle étaient connus, ou pouvaient l'être, aussi bien par les personnes avec lesquelles il devait être appelé à contracter que par la banque, de telle sorte qu'elle n'a pas caractérisé en quoi, au moment de l'octroi du prêt, la banque avait trompé les tiers sur la situation financière de l'emprunteur et sur la rentabilité du fonds de commerce acquis en grande partie au moyen du prêt.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 17 mars 1994

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1994-02-01, Bulletin 1994, IV, n° 39, p. 31 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jui. 1996, pourvoi n°94-14567, Bull. civ. 1996 IV N° 174 p. 150
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 174 p. 150

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumas.
Avocat(s) : Avocats : M. Vincent, la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.14567
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