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04/06/1996 | FRANCE | N°95-82256

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1996, 95-82256


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de président de la communauté urbaine du Mans, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers du 29 mars 1995, qui, dans l'information suivie contre Y... Philippe pour complicité de violation du secret de l'instruction, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'article 575 alinéa 2.5° et 2° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de

la violation des articles 378 et 460 du Code pénal, tels qu'ils étaient applicabl...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de président de la communauté urbaine du Mans, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers du 29 mars 1995, qui, dans l'information suivie contre Y... Philippe pour complicité de violation du secret de l'instruction, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'article 575 alinéa 2.5° et 2° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 378 et 460 du Code pénal, tels qu'ils étaient applicables à l'époque des faits, et des articles 11, 51, 80, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Y... Philippe des chefs de violation du secret professionnel, violation du secret de l'instruction et complicité ;
" aux motifs que si le juge d'instruction est saisi in rem des faits ayant abouti à la publication de documents obtenus par le moyen d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction et intégrés dans le dossier de la procédure, il n'a pas été saisi, faute de réquisitions supplétives, des faits de recel ; que si les documents publiés proviennent d'un dossier d'information, il n'a pu être établi, d'une part, qu'ils avaient été communiqués par une personne astreinte au secret professionnel prévu par les articles 11 et 378 du Code pénal et, d'autre part, que Y... Philippe avait donné instructions pour obtenir ces documents, ou qu'il ait obéi sciemment à des instructions de les publier que lui aurait données l'auteur de leur détournement ;
" alors que, premièrement, le juge d'instruction est saisi des faits dénoncés par le réquisitoire introductif indépendamment des textes de loi visés par le ministère public ; qu'étant saisie de l'ensemble des faits ayant abouti à la publication litigieuse la chambre d'accusation ne pouvait décider que le juge d'instruction n'était pas saisi de faits de recel sans indiquer en quoi ces faits étaient exclus par le réquisitoire introductif, même s'il ne visait pas l'article 460 du Code pénal ;
" alors que, deuxièmement, le délit de recel du secret de l'instruction est constitué dès lors que des journalistes utilisent, en vue de leur publication, des pièces provenant d'un dossier d'instruction pénale, sans qu'il soit nécessaire d'établir les circonstances du délit de rattachement ; qu'en écartant la qualification de recel au seul motif que les circonstances du délit de rattachement demeuraient incertaines, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juridictions d'instruction doivent statuer sur tous les chefs d'inculpation régulièrement dénoncés par la partie civile, même en l'absence de réquisitoire supplétif du procureur de la République ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 21 janvier 1992, X... Jean-Claude a déposé plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée, pour violation du secret de l'instruction et violation du secret professionnel ; qu'il a exposé que le journal " Le Maine Libre " avait reproduit, le 21 janvier 1992, des documents saisis lors d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information en cours, et qui, publiés sous le titre " des documents compromettants ", comprenaient, avec des séries de chiffres et de pourcentages ainsi que des références aux sociétés Urba ou Urba Technic, la mention de son nom associé à celle de " Sopec-Ilot 7 " ; que postérieurement il a adressé au magistrat instructeur une lettre datée du 31 août 1992 par laquelle il a demandé que les faits dénoncés dans sa plainte initiale soient également instruits du chef de recel ;
Que le juge d'instruction a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à suivre sans se prononcer sur le délit de recel ; que, pour confirmer l'ordonnance, la chambre d'accusation énonce qu'en l'absence de réquisitions supplétives, le juge d'instruction n'avait pas été saisi desdits faits ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que les faits de recel avaient été expressément dénoncés au juge d'instruction par la lettre du 31 août 1992 que lui avait adressée la partie civile, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé et les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 58, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Y... Philippe des chefs de violation du secret professionnel, violation du secret de l'instruction et complicité ;
" aux motifs que si l'article 58 du Code de procédure pénale a vocation à s'appliquer à toutes les perquisitions, quel que soit le cadre juridique dans lequel elles ont été effectuées, et qu'il a prévu à l'égard des personnes qu'il énumère limitativement une infraction pénale destinée à les protéger des atteintes portées à leur vie privée ou professionnelle qui pourraient résulter de la communication ou de la divulgation de documents obtenus par le moyen d'une perquisition, ces dispositions doivent s'interpréter restrictivement, s'agissant d'un texte de protection ; que X... Jean-Claude, qui n'a pas été mis en examen dans la procédure "Ilot 7", qui n'est ni ayant-droit d'un mis en examen dans cette procédure, ni signataire ou destinataire de l'un des documents saisis et qui est dépourvu de qualité pour agir et faute de réquisitions supplétives, l'action publique n'a pas été mise en route de ce chef, et à supposer qu'il l'ait été, un non-lieu devait être ordonné ;
" alors que la seule divulgation illicite de documents provenant d'une perquisition constitue le délit visé par l'article 58 du Code de procédure pénale ; qu'ayant constaté la divulgation illicite de documents saisis lors d'une perquisition effectuée au mois de juillet 1990 dans les locaux de la société Heulin, la chambre d'accusation ne pouvait écarter la qualification pénale sur des considérations erronées relatives à la qualité pour agir de X... Jean-Claude " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 2, 3 et 87 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de l'infraction prévue par l'article 58 du Code de procédure pénale, à laquelle la partie civile avait étendu sa plainte par lettre du 6 février 1992, la chambre d'accusation énonce que les personnes protégées des atteintes portées à leur vie privée et professionnelle, résultant de la divulgation de documents extraits d'une perquisition, sont énumérées limitativement audit article ; que X... Jean-Claude n'en faisait pas partie, n'étant ni signataire ou destinataire de l'un des documents saisis, ni mis en examen ni venant aux droits d'un mis en examen dans la procédure dite " Ilot 7 " et qu'il était ainsi dépourvu de qualité pour agir ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la divulgation des documents incriminés provenant de la perquisition était susceptible de préjudicier au plaignant, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers, en date du 29 mars 1995, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-82256
Date de la décision : 04/06/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° INSTRUCTION - Partie civile - Plainte avec constitution - Obligation pour le juge d'informer - Plainte additionnelle - Absence de réquisitoire supplétif - Effet.

1° Les juridictions d'instruction doivent statuer non seulement sur tous les chefs d'inculpation dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile, mais également sur ceux dénoncés dans une plainte additionnelle de cette partie, même en l'absence de réquisitoire supplétif du procureur de la République(1).

2° ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution à l'instruction - Recevabilité - Conditions - Préjudice - Possibilité.

2° INSTRUCTION - Partie civile - Constitution - Constitution par voie d'intervention - Recevabilité - Conditions - Possibilité d'un préjudice 2° INSTRUCTION - Partie civile - Constitution - Constitution par voie d'intervention - Recevabilité - Conditions - Relation directe entre le préjudice allégué et les infractions poursuivies.

2° Pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale(2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 11, 51, 80
Code de procédure pénale 2, 3, 87
Code pénal 378, 460

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre d'accusation), 29 mars 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1972-11-21, Bulletin criminel 1972, n° 348, p. 888 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1993-03-30, Bulletin criminel 1993, n° 133 (2), p. 329 (cassation), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1991-11-05, Bulletin 1991, n° 394, p. 997 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1996, pourvoi n°95-82256, Bull. crim. criminel 1996 N° 230 p. 704
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 230 p. 704

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pibouleau.
Avocat(s) : Avocat : M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.82256
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