AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
Consorts D.,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 février 1994 par la cour d'appel de Fort-de-France (1re Chambre), au profit :
de Mme M. et autre,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 avril 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Durieux, conseiller rapporteur, M. Grégoire, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Durieux, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des consorts D., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme Mormin et de M. Dellevi, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur les deux moyens réunis, pris en leurs deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. D. est décédé le 11 janvier 1988, laissant huit enfants naturels (les consorts D.), nés de la même mère, qu'il a tous reconnus et qui portent son nom; que, peu après son décès, C., née le 5 octobre 1948, et M., né le 5 février 1957, se sont fait délivrer par un juge des tutelles un acte de notoriété constatant leur possession d'état d'enfants naturels de D., puis ont assigné les consorts D. pour faire juger qu'ils sont les enfants de celui-ci et ont vocation à venir à sa succession; que l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 25 février 1994), rendu après enquête, a accueilli cette demande;
Attendu que les consorts D. font grief à cet arrêt d'avoir ainsi statué sans caractériser des versements d'argent réguliers, faits en qualité de père, avec la volonté de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants et sans constater que ceux-ci avaient été traités et considérés sans équivoque par la société comme les enfants de D., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 311-1 du Code civil;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les témoignages invoqués par les consorts D. étaient insuffisants pour écarter la possession d'état d'enfant naturel reconnue à C. et à M. par l'acte de notoriété faisant foi jusqu'à preuve contraire et corroboré par les résultats de l'enquête, laquelle établissait que D. avait traité C. et M. comme ses enfants, qu'il avait, en cette qualité, pourvu, au moins partiellement, à leur entretien pendant toute leur enfance et à leur établissement et qu'il était, en outre, tenu pour leur père dans l'entourage familial de leurs mères respectives et dans tout le voisinage; qu'elle a pu déduire de ces éléments souverainement appréciés que C. et M. justifiaient d'une possession d'état d'enfants naturels continue, publique et non équivoque; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts D. à payer à Mme C. et M. la somme de 14 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Les condamne, envers Mme C. et M. M., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-seize.