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23/05/1996 | FRANCE | N°95-84059

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 1996, 95-84059


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- la SOCIETE DES LUBRIFIANTS DU MIDI,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambr

e, en date du 6 juillet 1995, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Pierre Y... d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- la SOCIETE DES LUBRIFIANTS DU MIDI,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 6 juillet 1995, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Pierre Y... du chef d'usage de faux;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 147, 150 et 151 ancien du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a considéré que l'altération de la date dans la lettre litigieuse n'était pas susceptible de causer un préjudice aux parties civiles, en l'occurrence la société des Lubrifiants du Midi;

"aux motifs que, s'il est établi qu'elle comportait une mention erronée, à savoir la date, cette lettre était destinée, ainsi que le fait observer le prévenu X..., a démontrer que le groupement de Michel Z... s'était engagé à ne faire fonctionner le compte ouvert dans les livres de la SDBO que de manière à remettre des chèques qui seraient pris en compte par la banque comme des provisions pour décaissement, sans, pour autant, avoir à attendre les délais de traitement; que ces opérations ne pouvaient être significatives qu'en 1985, puisque des incidents de paiement ne se sont manifestés sur le compte de Michel Z... qu'à compter de la fin d'octobre 1985 et que, par conséquent, seule une date en corrélation avec les incidents de paiement enregistrés pouvait avoir un sens, c'est-à-dire à la fin de l'année 1985, une telle lettre ne pouvant être utilisée que pour justifier l'accord de Michel Z... sur les opérations postérieures à 1985; que la lettre dont s'agit, qui avait pour objet de confirmer, a posteriori et au vu du fonctionnement du compte déjà ouvert, que la banque acceptait que la simple remise de chèque constitue une provision, nonobstant les délais de traitement, n'avait pas de raison d'être établie en 1983 puisqu'à cette époque, le compte ne fonctionnait pas avec de nombreuses remises de chèques comme en 1985; qu'en outre, aucun chéquier n'ayant été délivré à Michel Z... avant mai 1985, il n'était pas possible à celui-ci d'émettre antérieurement des chèques ni de créer de lui-même une position débitrice; qu'il apparaît ainsi que le fait que la lettre incriminée ait été datée, lors de son utilisation, du 30 novembre 1983, ne pouvait

avoir d'incidence sur les droits de Michel Z..., de la SDBO ou des tiers ni, par là même, être générateur d'un préjudice pour la société des Lubrifiants du Midi, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges sur ce point; qu'au surplus, la SDBO avait d'autant moins intérêt à ce que la lettre fût antidatée que la teneur de cette lettre se référait à une situation qui ne s'était manifestée qu'en 1985, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi bancaire le 24 janvier 1984, qui justifiait la position prise par la banque pour confirmer qu'aucune facilité et aucun crédit n'avaient été accordés;

"alors que le fait d'antidater un courrier produit en justice caractérise l'altération de la vérité portant sur une mention substantielle constitutive de faux, dès lors que ce courrier était destiné à prétendre rapporter la preuve d'un engagement exigé de Michel Z... par la SDBO, selon lequel son compte ne devait fonctionner que par opérations couvertes, et donc d'en déduire que la banque, ayant ainsi agi avec toute la prudence requise, ne pouvait voir sa responsabilité engagée à raison de l'importance du crédit octroyé au groupe Michel Z... par le biais du fonctionnement de ce compte, nonobstant les nombreux incidents de paiement qui se sont manifestés à partir d'octobre 1985; qu'il s'ensuit :

"que, d'une part, la Cour, qui a considéré que le caractère inexact de la date apposée sur cette lettre ne pouvait causer de préjudice à la partie civile, car seule une date en corrélation avec les incidents de paiement enregistrés pouvait avoir un sens, en justifiant l'accord de Michel Z... sur les opérations postérieures à 1985, a, en l'état de ces motifs totalement entachés d'insuffisance et même de contradiction, privé sa décision de toute base légale, l'exécution de la mise en oeuvre de la responsabilité d'un banquier à l'occasion de crédits octroyés à une entreprise se trouvant ultérieurement dans une situation irrémédiablement compromise, supposant, en tout état de cause, que les garanties aient été prises avant l'apparition des difficultés, d'où précisément l'intérêt, pour la banque, de tenter d'accréditer l'idée que l'engagement exigé de Michel Z... l'avait été en 1983, au début des relations, et donc avant que n'interviennent les incidents de paiement courant 1985;

"que, d'autre part, c'est tout aussi vainement que la Cour a considéré qu'il ne pouvait s'agir que d'une simple erreur, car ne présentant aucun intérêt pour la banque, dans la mesure où un tel engagement exigé de Michel Z... ne se justifiait qu'au regard des dispositions de la loi bancaire du 24 janvier 1984, les dispositions de cette loi, si elles ont eu pour objet, entre autre, d'imposer au banquier qui accorde un concours à durée indéterminée à une entreprise, de ne pouvoir mettre fin à celui-ci qu'en respectant un délai de préavis, étant étrangères aux obligations de prudence qui ont toujours été exigées de la part des banques lorsqu'elles consentent des crédits et qui, en cas de fautes commises sur ce point, peuvent entraîner leur responsabilité, s'il en est résulté un préjudice causé à des tiers;

"qu'enfin , la circonstance, relevée par la Cour, qu'aucun chéquier n'aurait été délivré à Michel Z... avant 1985 s'avère, là également, totalement inopérante à justifier de l'existence d'une prétendue erreur involontaire, dans la mesure où il ressort de l'ensemble du dossier et des énonciations mêmes de l'arrêt comme des premiers juges que cette délivrance s'est inscrite dans le cadre de toute une série d'accords mis en place à compter de 1983, au plus grand profit de la SDBO, qui a ainsi accepté d'avoir un client rejeté par toutes les banques, interdit de chéquier et en faillite personnelle, excluant qu'à ce titre il puisse disposer d'un compte commercial";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 147, 150 et 151 ancien du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé Pierre X... des fins de la poursuite pour usage de faux;

"aux motifs que les explications de Pierre X..., selon lesquelles il n'est pas intervenu personnellement dans l'établissement de la lettre litigieuse, non plus que dans sa production devant le tribunal de commerce, qu'il n'a pu constater qu'elle était antidatée, que cette lettre a été classée au dossier sans qu'il l'ait vue, que, lors du dépôt de bilan de Michel Z..., le dossier a été adressé directement au service contentieux et sans qu'il en ait eu pris connaissance ni donné d'instruction, et que cette lettre a été communiquée aux conseils de la SDBO sans qu'il y ait eu de raison de prêter une attention particulière à la date qui y était portée ne sont en contradiction avec aucun des éléments soumis à l'appréciation de la cour; que, dès lors, il n'est nullement établi que Pierre X... ait fait lui-même usage de la lettre attribuée à Michel Z..., en sachant de surcroît que la date du 30 novembre 1983 figurant sur cette lettre était fausse;

"alors que la Cour, qui s'est ainsi totalement abstenue de répondre à la minutieuse argumentation développée par la partie civile dans ses conclusions qui, tout d'abord, se référant au rapport d'enquête de l'Assemblée Nationale sur le Crédit Lyonnais, mettait en exergue le rôle de seul décideur revendiqué par Pierre X... lui-même et ce, dans un établissement bancaire ne comportant à l'époque que cinq salariés, puis dénonçait tant le caractère mensonger du prétendu mémorandum destiné à prouver que la banque n'aurait eu connaissance de la lettre litigieuse qu'entre le 24 décembre 1985 et le 6 janvier 1986, que les invraisemblances affectant les explications données quant aux conditions d'établissement de signature et de remise de la lettre litigieuse, ainsi que sur les conditions de récupération de l'original, pour affirmer, sans aucun examen de ces arguments, que les dénégations de Pierre X... n'étaient en contradiction avec aucun élément du dossier et qu'il n'était pas ainsi établi qu'il ait sciemment fait usage d'un faux, n'a pas, en l'état de ce défaut de réponse à conclusions, légalement justifié sa décision;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses demandes;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Challe conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires;

Avocat général : M. Libouban ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-84059
Date de la décision : 23/05/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 juillet 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mai. 1996, pourvoi n°95-84059


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.84059
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