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23/05/1996 | FRANCE | N°95-81716

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 1996, 95-81716


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, en date du 8 février 1995, q

ui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, a ordo...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, en date du 8 février 1995, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts partie civile;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 520, 550, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation à comparaître devant le tribunal;

"aux motifs que Laurent X... fait valoir que l'huissier n'a pas respecté les dispositions de l'article 550 du Code de procédure pénale en ne portant pas sur la citation la mention prévue par ce texte et relative à une acceptation ou à un refus de signer l'original; que dans l'examen de l'original de la citation il ressort que le prévenu, bien qu'il dise à l'audience ne pas reconnaître sa signature, a signé ledit original en marge de l'encadré relatif aux modalités de signification, ce que le clerc significateur a au demeurant indiqué sur l'acte; qu'il s'ensuit qu'aucune mention relative, selon l'article 550 du Code de procédure pénale, à un refus de signer n'avait pas été portée sur la citation;

"alors que la personne qui reçoit copie d'un exploit signe l'original, si elle ne veut ou ne peut signer, mention en est faite par l'huissier ces formalités étant substantielles, et la nullité de la citation en résultant rend le jugement sans effet et prohibe toute évocation ;

qu'en l'état de l'exception de nullité invoquée par Laurent X... qui contestait expressément sa signature, l'arrêt attaqué ne pouvait se satisfaire d'énoncer que l'acte portait sa signature sans autre précision et sans même ordonner la moindre vérification et n'a donc pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle";

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation tirée de l'absence de mention de l'acceptation ou du refus du destinataire de signer l'acte, les juges énoncent qu'il n'y avait pas lieu d'observer les prescriptions de l'article 550, alinéa 5, du Code de procédure pénale, dès lors qu'il ressort de l'examen de l'exploit que le prévenu, bien qu'il prétende ne pas reconnaître sa signature, a signé l'acte, ainsi que l'a indiqué le clerc significateur;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité;

Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 520 du Code de procédure pénale, de l'article 2 du protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

"en ce que l'arrêt attaqué après avoir annulé le jugement, a évoqué le fond et condamné Laurent X... à la peine d'1 an d'emprisonnement avec sursis;

"alors qu'aux termes du protocole n° 7 toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation; que la cour d'appel, en évoquant après avoir annulé le jugement, a privé Laurent X... de son droit au double degré de juridiction résultant du texte précité";

Attendu qu'après avoir annulé, pour défaut de motifs, le jugement ayant condamné le prévenu, la cour d'appel a évoqué et statué sur le fond;

Attendu qu'en procédant de la sorte, et dès lors que les dispositions de l'article 520 du Code de procédure pénale, dont il a été fait l'exacte application, ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 2 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a prononcé sans encourir les griefs allégués;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 230 et L. 272 du Livre des procédures fiscales, 7, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Laurent X... coupable de s'être courant 1988 frauduleusement soustrait au paiement de l'impôt pour l'année 1987, l'a condamné à la peine d'1 an d'emprisonnement assorti du sursis et a prononcé la contrainte par corps pour le recouvrement des impôts directs fraudés;

"alors que la prescription de l'action publique constitue une exception d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge et qu'il appartient au ministère public d'établir que l'action publique n'est pas éteinte; que la plainte de l'administration des Impôts, préalable aux poursuites, ne constitue pas un acte de poursuite ou d'instruction et n'a pas d'effet interruptif de la prescription de l'action publique ;

qu'en matière fiscale, la prescription vient à échéance le 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise, et que la prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission a émis son avis; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que pour les impôts sur le revenu de l'arrêt 1987, devant être déclarés en 1988, la commission des infractions fiscales, saisie le 12 novembre 1991, a émis un avis le 27 mars 1992, et que Laurent X... a été cité devant le tribunal correctionnel le 17 décembre 1994; qu'en cet état, l'arrêt attaqué ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la prescription de l'action publique, en principe éteinte au 31 décembre 1991, suspendue du 12 novembre 1991 au 27 mars 1992 et donc acquise au 10 août 1992";

Attendu que, si l'exception de prescription est d'ordre public et peut à ce titre être opposée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ;

qu'à défaut de ces constatations, qui manquent en l'espèce et qu'il appartenait au demandeur de provoquer en soulevant l'exception devant la cour d'appel, le moyen, mélangé de fait, ne peut qu'être écarté;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 1741 du Code général des impôts, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Laurent X... coupable du délit de fraude fiscale et l'a condamné à la peine d'1 an d'emprisonnement assorti du sursis en ordonnant la publication de la décision;

"aux motifs que Laurent X... a déclaré, au titre de ses revenus 1987 et 1988, les sommes de 319 528 francs et de 75 860 francs; qu'une vérification effectuée par les services fiscaux a révélé des crédits à son profit de 2 881 763 francs en 1987 et de 1 369 783 francs en 1988; que les justifications apportées ont laissé subsister des crédits d'origine injustifiée de 1 117 607 francs pour 1987 et de 728 290 francs pour 1988; que Laurent X... a expliqué ces crédits par des prêts consentis par ses amis destinés à rendre créditeur des comptes sur lesquels les banques refusaient autrement d'honorer ses engagements antérieurs et qui étaient toujours remboursés; qu'il ne justifie pas de la véracité de cette allégation et qu'il est établi que Laurent X... a, par une persévérance révélatrice d'intention frauduleuse, dissimulé à l'administration fiscale les ressources dont s'agit (arrêt p. 7);

"1°) alors que le juge pénal ne peut fonder l'existence de dissimulations volontaires de sommes sujettes à l'impôt sur les seuls estimations opérées par l'administration des Impôts selon ses propres procédures; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué s'est satisfait de reprendre les sommes avancées par l'administration des Impôts, déjà réduites de moitié dans le cadre de la procédure préalable pré-contentieuse et contestées pour le surplus dans le contexte d'une procédure contentieuse devant le juge de l'impôt, et a ainsi violé les textes visés au moyen;

"2°) alors que le délit de fraude fiscale suppose que le contribuable a tenté de se soustraire frauduleusement au paiement de l'impôt en ayant volontairement dissimulé des sommes sujettes à l'impôt; que la circonstance que le contribuable n'aurait pas, pour parler des sommes litigieuses, fourni des justifications suffisantes ne peut être considérée comme un acte de dissimulation volontaire traduisant une volonté de se soustraire frauduleusement à l'impôt ;

qu'ainsi, l'élément moral de l'infraction n'est pas caractérisé";

Attendu que les juges du fond, pour retenir la culpabilité de Laurent X... du chef de fraude à l'impôt sur le revenu, relèvent que ce dernier a disposé pour les années visées à la prévention - ainsi que le laisse apparaître l'examen de ses comptes bancaires personnels - de revenus qu'il a sciemment dissimulés à l'Administration; qu'ils ajoutent que l'intéressé, qui a allégué des prêts consentis par des amis pour justifier ces crédits bancaires, n'a pas été en mesure d'en rapporter la preuve et que la persévérance du prévenu dans ses agissements est révélatrice de son intention frauduleuse;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les poursuites exercées sur le fondement de l'article 1741 du Code général des impôts sont indépendantes par leur nature et leur objet de la procédure administrative concernant l'assiette de l'impôt, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Challe, Mistral conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires;

Avocat général : M. Libouban ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-81716
Date de la décision : 23/05/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) EXPLOIT - Nullité - Conditions - Signatures - Signature de la personne ayant reçu l'acte.

(sur le quatrième moyen) IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Elément matériel - Assiette - Détermination - Procédure administrative - Poursuites pénales - Indépendance (oui).


Références :

CGI 1741
Code de procédure pénale 550

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 08 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mai. 1996, pourvoi n°95-81716


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.81716
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