AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente avril mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, du 11 mai 1995, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement dont 3 ans avec sursis, lui a interdit d'exercer toute fonction juridictionnelle pendant 5 ans et a prononcé sur les intérêts civils;
I - Sur l'action publique :
Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil de la commune de Lafitte-sur-Lot que le demandeur est décédé le 24 novembre 1995;
Qu'il convient dès lors de constater l'extinction de l'action publique;
II - Sur l'action civile :
Attendu que, nonobstant le décès du prévenu, la Cour de Cassation demeure compétente pour statuer sur le pourvoi en ce qui concerne les intérêts civils;
Que Sylviane B..., Jean X..., Philippe X... et Anne X..., épouse B..., interviennent en qualité d'héritiers de X... ;
Vu le mémoire produit au nom des susnommés ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 331, alinéa 2 du Code pénal, 222-27, 222-28, 222-29, 222-30, 222-44, 222-45 et 222-47 du nouveau Code pénal, 1382 du Code civil, 485, 567 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable du chef du délit d'agression sexuelle commis par ascendant sur une mineure de quinze ans et l'a condamné à payer à l'administratrice légale des biens de celle-ci la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts;
"aux motifs que l'enfant n'a jamais varié dans ses déclarations, tandis que le prévenu a reconnu les faits lors de l'enquête préliminaire, même s'il s'est rétracté devant le juge d'instruction et à l'audience, en faisant état d'une contrainte des enquêteurs, laquelle n'est pas crédible;
que la thèse d'un endoctrinement de la mineure par sa mère ne résiste pas aux investigations des experts psychologues, qui écartent le mensonge et prouvent le traumatisme vécu par l'enfant dans les domaines de la sexualité et de la relation de l'homme à l'adulte;
que les actes du prévenu ont amené un trouble profond dans la personnalité de l'enfant, sa perception du monde des adultes et sa sexualité, d'autant qu'elle s'est vue accusée de mensonge et s'est sentie rejetée par son père et le clan parternel, ce qui lui cause un deuxième type de troubles psychologiques (v. arrêt attaqué, pp. 4 à 8);
"1°) alors que, en fondant la déclaration de culpabilité sur les seuls prétendus "aveux" du prévenu lors de l'enquête préliminaire et rétractés devant le juge d'instruction et la juridiction de jugement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés;
qu'en effet, le prévenu avait seulement déclaré aux enquêteurs :
d'une part, qu'avaient été involontaires les faits d'avoir quitté la salle de bains sans avoir pris la précaution de serrer la ceinture de sa sortie de bains et d'avoir uriné à l'extérieur de la maison devant l'enfant;
d'autre part, que si son attitude lui était effectivement apparu bizarre, il n'avait eu aucune intention malhonnête en passant sa main sur la culotte de l'enfant ou en embrassant l'enfant sur les lèvres;
qu'il ne résultait pas de ces prétendus "aveux" que le prévenu avait reconnu avoir touché le sexe de l'enfant, ou lui avoir montré le sien, ou encore lui avoir demandé de le toucher, comme l'affirmait l'enfant;
qu'ainsi l'arrêt attaqué encourt la cassation;
"2°) alors que, au surplus, en ayant écarté, au seul motif tiré de la souffrance de l'enfant et de son attachement à son père et à sa grand-mère, la déclaration du prévenu faisant état du grave conflit qui opposait les parents de l'enfant, dont le père reprochait à la mère de faire partie de la secte des Témoins de Jehovah, de chercher à endoctriner sa famille en isolant le grand-père par une accusation infondée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision;
que cette déclaration était en effet fondée sur le dossier de divorce des parents se disputant l'autorité parentale et l'exercice du droit de visite et d'hébergement;
qu'ainsi l'arrêt attaqué encourt la cassation;
"3°) alors que, enfin, en omettant de s'expliquer sur les nombreux témoignages de moralité produits par le prévenu, ainsi que sur les expertises psychiâtriques n'ayant relevé aucune anomalie dans le comportement sexuel du prévenu, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard des textes susvisés";
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de l'infraction;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
DONNE ACTE à Sylviane B..., Jean X..., Philippe X... et Anne X..., épouse B..., héritiers de X..., de leur intervention;
DECLARE l'action publique ETEINTE ;
REJETTE le pourvoi en ce qui concerne les intérêts civils ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gunehec président, M. Le Gall conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Fabre, Farge conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Poisot, Mme de la Lance conseillers référendaires;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Arnoult ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;