AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix avril mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Martine, épouse JOLY,
- A... Laurent,
- Z... Jeanne,
- C... Raymonde, épouse B...,
- JOLY Philippe,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LIMOGES du 20 juin 1995 qui sur le seul appel de la partie civile contre l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention de faux en écriture privée et usage;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 147, 150 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les prévenus devant le tribunal correctionnel de Limoges des chefs de faux et usage de faux;
"aux motifs qu'en l'espèce, il y a bien eu matériellement altération de la vérité par mention d'une date inexacte dans un acte sous seing privé, en concertation entre tous les signataires et la personne qui a établi l'écrit et ce, dans l'intention d'opposer cet acte à un autre acte sous seing privé signé par M. Y... aux fins manifestes d'empêcher ce dernier d'invoquer un droit né antérieurement; que la seule possibilité et éventualité d'un préjudice est suffisante pour faire tomber l'altération de la vérité sous le coup de la loi pénale; que tel était bien le cas pour M. Y... et qu'il est donc vain pour les mis en examen d'invoquer le fait que l'écrit incriminé n'avait pas été encore enregistré et n'avait donc pas acquis date certaine, ou celui que l'acte sous seing privé signé par M. Y..., dépourvu de la signature de l'un des vendeurs qui s'opposait à la transaction était sans valeur, ou plus exactement sur un plan strictement civil ne pouvait être ratifié par un acte de vente authentique; que Philippe Joly s'il n'a pas participé à la concertation relative à la mention de la date sur l'acte litigieux a toutefois été informé, au moins implicitement, de l'altération de la vérité puisque Martine Joly a indiqué avoir elle-même signé le 8 janvier l'acte daté du 7 avec l'accord de son mari, lequel y a apposé sa signature le 10 janvier, et que les deux époux ont ensuite fait
enregistrer cet acte et l'ont présenté au notaire rédacteur de l'acte de vente;
"alors que la possibilité ou l'éventualité d'un préjudice est un élément constitutif du délit de faux; qu'après avoir admis que l'acte incriminé signé avec Martine Joly seule était "sans valeur" dès lors que, sur le plan civil, il ne pouvait être ratifié par un acte authentique puisque Philippe Joly, propriétaire conjoint avait refusé de le signer, la cour d'appel ne pouvait sans contradiction affirmer qu'il existait une possibilité ou une éventualité de préjudice;
"et alors qu'elle ne pouvait procéder à une telle affirmation sans répondre au moyen des prévenus qui avaient fait valoir que les actes sous seing privé n'ont date certaine à l'égard des tiers qu'au jour de leur enregistrement et que la mention de la date dans l'acte était dépourvue de conséquence juridique";
Attendu que le moyen revient à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives aux charges que la chambre d'accusation a retenues contre les prévenus et à la qualification qu'elle a donnée aux faits poursuivis; que ces énonciations ne contenant aucune disposition définitive que le tribunal n'aurait pas le pouvoir de modifier, un tel moyen est irrecevable en application de l'article 574 du Code de procédure pénale;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guerder conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Joly conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Pibouleau, Challe conseillers de la chambre, Mmes Fossaert-Sabatier, de la Lance, M. Desportes conseillers référendaires;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Arnoult ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;