Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société SCAC Combustibles (société SCAC), aux droits de qui est venue la société Bolloré énergie, a vendu franco-bord à la société tunisienne de sidérurgie El Fouladh (société El Fouladh) de l'anthracite dont une partie devait être acheminée par voie maritime sur le navire " Silke " ; que celui-ci avait fait l'objet d'un contrat d'affrètement au voyage selon une charte-partie désignant les sociétés Sea Flower Transport and Trading et Sandfirden Rederij BV en qualité de fréteurs et la société Compagnie tunisienne de navigation (société Cotunav) en qualité d'affréteur, laquelle avait conclu un contrat de transport maritime avec la société El Fouladh ; que, le 3 novembre 1989, tandis que la mise à bord avait commencé au port de Rouen, le capitaine du " Silke ", prétextant que la cargaison de charbon présentait un risque de carène liquide, l'a fait décharger et a appareillé, malgré les résultats d'expertises établissant l'absence de danger pour la sécurité du navire ; que la société SCAC, qui a dû exposer des frais supplémentaires de manutention et de stockage, en a demandé le remboursement à la société El Fouladh ; que cette dernière, tout en s'opposant à cette prétention, a sollicité la garantie des fréteurs à qui elle a également réclamé des dommages-intérêts pour son préjudice propre né du retard d'acheminement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société El Fouladh reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société SCAC, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, en relevant, d'un côté, que la marchandise a été livrée à la société El Fouladh, en Tunisie, le 10 janvier 1990, et, d'un autre côté, que cette même société a manqué à son obligation de réception, s'est contredite et, par suite, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en décidant, après avoir constaté que le débarquement de la marchandise du navire " Silke " avait été effectué à la suite de l'ordre donné par le capitaine du navire, tiers par rapport à la société El Fouladh, que cette société avait, en sa qualité d'acquéreur, manqué à son obligation de réception, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1147 et 1650 du Code civil ;
Mais attendu que, dans la vente franco-bord, il incombe à l'acquéreur d'organiser, sauf clause contraire dont l'existence n'est pas alléguée, le transport par voie maritime de la marchandise vendue ; qu'ayant relevé que le charbon livré au port d'embarquement par la société SCAC était conforme aux prévisions du contrat de vente et retenu que son transport ne mettait pas en danger la sécurité du navire choisi par l'acquéreur, la cour d'appel en a exactement déduit, sans se contredire, que la société El Fouladh avait manqué à son obligation de recevoir la marchandise les 2 et 3 novembre 1989, peu important que le vendeur ait été empêché d'exécuter son obligation de délivrance à bord par le fait du capitaine du navire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter la société El Fouladh de son recours en garantie et de sa demande de dommages-intérêts formés à l'encontre des fréteurs et du capitaine du navire, l'arrêt retient que, " pour les mêmes raisons que celles retenues à l'occasion de l'examen de la demande de SCAC, la société El Fouladh ne saurait se prévaloir d'une action contractuelle contre le fréteur et le capitaine, tandis que son action délictuelle n'est pas fondée " et " qu'elle pouvait seulement agir dans le cadre du contrat passé avec Cotunav, ce qu'elle ne fait pas dans le cadre de la présente instance " ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans dire en quoi le fait, pour le capitaine du navire, agissant en qualité de préposé des fréteurs au voyage, de refuser à tort l'embarquement à son bord de marchandises destinées à la société El Fouladh, ne pouvait pas, à l'égard de cette dernière, tiers à la charte-partie, constituer une faute quasidélictuelle par violation d'une obligation générale de prudence et diligence, bien qu'il pût aussi être un manquement aux obligations contractuelles des fréteurs envers l'affréteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société tunisienne de sidérurgie El Fouladh de son recours en garantie et de sa demande en paiement de dommages-intérêts formés à l'encontre du capitaine du navire " Silke " et des sociétés Sea Flower Transport and Trading et Sandfirden Rederij BV, l'arrêt rendu le 24 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.