AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 février 1993 par la cour d'appel de Paris (7e chambre, section A), au profit :
1°/ de la compagnie Abeille vie, dont le siège est ...,
2°/ de M. Jacques X..., pris en sa qualité de liquidateur de la société PGAC, demeurant ...,
3°/ de la compagnie PFA, dont le siège est ... des Victoires, 75002 Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Fouret, Mmes Lescure, Delaroche, MM. Aubert, Cottin, Bouscharain, conseillers, M. Laurent-Atthalin, Mme Catry, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme le conseiller Marc, les observations de Me Blanc, avocat de M. Y..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la compagnie Abeille vie, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il concerne la compagnie PFA;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Y... a souscrit auprès de la compagnie L'Abeille paix vie, par l'intermédiaire de la société Perenon groupe assureurs conseils (PGAC), courtier, deux contrats d'assurance vie à prime unique avec faculté de rachats et d'avances; qu'il a payé la somme de 2 000 000 francs représentant le montant global des primes; que l'Abeille paix vie, qui a consenti des avances à M. Y... mais n'a pu obtenir de celui-ci le paiement des intérêts, a procédé d'office, en août 1987, au rachat partiel des contrats; que M. Y..., qui prétendait avoir remboursé toutes les sommes par lui perçues au moyen d'un chèque de 2 400 900 francs émis le 22 juillet 1987 à l'ordre de la société PGAC, a demandé à l'Abeille paix vie la liquidation de ses droits; que cette compagnie, affirmant n'avoir jamais reçu le montant de ce chèque, à versé à M. Y... la somme de 289 071,43 francs, à titre de rachat mettant fin au contrat; que soutenant qu'il avait eu la croyance légitime que le courtier était le mandataire de l'assureur, M. Y... a assigné le liquidateur judiciaire de la société PGAC, ainsi que la compagnie l'Abeille paix vie pour obtenir condamnation de cette compagnie à lui payer une somme de 1 700 900 francs, dont il s'estimait créancier; que l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 1993) l'a débouté de sa
demande;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions, il avait soutenu que la circonstance que le courtier lui ait versé deux sommes de 350 000 francs chacune en exécution des contrats sur ses fonds propres l'avait entretenu dans la croyance que ce courtier détenait des fonds pour le compte de la compagnie; qu'en énonçant qu'il avait reconnu que le courtier lui avait consenti des prêts, la cour d'appel a dénaturé ces écritures;
Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, après avoir affirmé que le chèque de 2 400 900 francs par lui remis à la société PGAC avait pour objet, à concurrence de 700 000 francs, de rembourser deux avances d'un montant de 350 000 francs chacune, par lui perçues le 31 décembre 1986 et le 30 juin 1987, avances qui avaient en fait été consenties par le courtier lui-même sur sa propre caisse, M. Y... a précisé qu'il ne demandait pas à l'Abeille paix vie de lui payer 700 000 francs, cette somme pouvant "s'assimiler à un véritable prêt consenti initialement par le courtier" et par lui remboursé à ce dernier, mais qu'il entendait obtenir de l'assureur le remboursement du surplus du montant du chèque, soit 1 700 900 francs; que la cour d'appel n'a donc pas dénaturé ces écritures en retenant que M. Y... avait reconnu que le courtier lui avait consenti deux prêts de 350 000 francs chacun; d'où il suit qu'en sa première branche le moyen n'est pas fondé;
Sur la seconde branche du même moyen :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que le nom du courtier était imprimé sur les formulaires de la compagnie et mentionné sur les lettres adressées par celle-ci à l'assuré et qu'elle a relevé, en outre, que ce dernier avait versé la prime entre les mains du courtier qui lui avait réglé, sur ses fonds, des sommes importantes en application des contrats souscrits; qu'en refusant cependant de considérer que ces circonstances étaient de nature à faire croire légitimement à M. Y... que le courtier avait mandat de l'assureur de le représenter dans ses rapports avec l'assuré, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1998 du Code civil;
Mais attendu que, la cour d'appel a constaté que dans le bulletin de souscription des deux contrats, il était mentionné en caractères apparents que le règlement devait être opéré à l'ordre de L'Abeille paix vie et que M. Y... avait effectivement émis son chèque de règlement des primes à l'ordre de cette compagnie; qu'elle a relevé encore que lorsque M. Y... avait sollicité des avances et des rachats partiels, il s'était adressé non pas à la société PGAC mais directement à la compagnie ou au service de celle-ci dénommé département Victoire investissement et prévoyance conseils (VIPC); qu'elle a relevé, en outre, qu'à l'exception des deux sommes de 350 000 francs chacune versées à M. Y... en décembre 1986 et en juin 1987 et qui correspondaient, comme l'a reconnu ce dernier, à des prêts que le courtier lui avait consentis sur sa propre caisse, tous les règlements d'avances et de rachats partiels avaient été effectués par la compagnie d'assurances; qu'elle a pu déduire de ces constatations que M. Y... n'a pu légitimement croire que la société PGAC avait mandat de la compagnie Abeille paix vie de la représenter; d'où il suit qu'en sa seconde branche le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette la demande d'indemnité formée par M. Y... ;
Condamne M. Y..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-six mars mil neuf cent quatre-vingt-seize.