AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claude André, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 23 février 1995, qui, pour exercice d'une activité de formation professionnelle non déclarée, travail clandestin, publicité trompeuse et escroquerie, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et à 50 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte de l'arrêt que la Cour était composée, lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt, de :
""Président : M. Launay
Conseillers : Mme Beauquis, M. Barrau
Greffier : Mme Jaffre
Ministère public : représenté, aux débats et au prononcé de l'arrêt, par M. Fortin, avocat général" ;
"alors qu'en vertu du principe du secret des délibérations, il n'est pas permis au greffier d'assister aux délibérations des juges ;
que l'arrêt qui mentionne la présence du greffier lors du délibéré se trouve entaché du nullité" ;
Attendu que, contrairement aux allégations du demandeur, il ne ressort pas des mentions de l'arrêt que le greffier ait assisté au délibéré ;
Que le moyen, qui procède d'une affirmation inexacte, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 920-4, L. 993-2 du Code du travail, 10 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir exercé une activité de formation professionnelle non déclarée ;
"aux motifs que, dès le 1er janvier 1990, les prévenus ont exercé une activité de formation professionnelle ;
qu'ils font valoir que la date du 5 février 1991 portée sur le bulletin de déclaration ne résulte que d'un retard imputable aux services administratifs ;
qu'en tout état de cause, la déclaration n'a été faite que dans les deux mois suivant le début de leur activité ;
"alors que la cour d'appel, qui constate que le prévenu exerçait son activité depuis le 1er janvier 1990, se devait de relever qu'à la date du jugement, soit au 16 mars 1994, la prescription était acquise en l'absence d'actes interruptifs qui ne résultent pas de l'arrêt" ;
Attendu que, si l'exception de prescription est d'ordre public et peut, à ce titre, être invoquée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que se trouvent, dans les constatations des juges du fond, les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ;
qu'à défaut de telles constatations qui manquent en l'espèce et qu'il appartenait au demandeur de provoquer, le moyen, mélangé de droit et de fait, ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 324-10 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de travail clandestin concernant M. Z..., Mme Y... et M. A... ;
"aux motifs adoptés des premiers juges qu'Antoine A... a "collaboré" avec Claude X... à partir de février 1992 pour "créer" par la suite sa propre entreprise, sans avoir été déclaré ;
que M. Z... et Mme Y... ont été embauchés en avril 1992 sous le couvert de contrats de qualification ;
que les prévenus n'ont procédé à aucune formalité, car ils attendaient de savoir si les contrats de qualification allaient être acceptés par la direction départementale du travail ; cela ne les a cependant pas empêchés de les faire travailler immédiatement ;
"alors que, d'une part, l'arrêt, qui relève que le prévenu attendait de savoir si les contrats de qualification allaient être acceptés par la direction départementales du travail, n'a pas caractérisé le caractère intentionnel du délit de travail clandestin retenu à son encontre ;
"alors que, d'autre part, en se bornant à énoncer que M. A... avait "collaboré" avec Claude X... pour "créer" sa propre société, l'arrêt n'a pas caractérisé la travail clandestin au profit de l'entreprise COPFOR" ;
Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 ancien du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 313-1 du nouveau Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie ;
"aux motifs adoptés des premiers juges que les offres d'emploi parues dans la presse ont attiré de nombreuses personnes à la recherche d'un emploi ;
que celles-ci ont remis en cause la formation qui leur était dispensée lors des stages ;
qu'elles étaient amenées à contracter avec COPFOR sur la promesse, étayée par des documents destinés aux Assedic, que le coût du stage serait pris en charge et dans l'illusion de pouvoir acquérir en peu de temps une qualification professionnelle leur assurant des débouchés sur le marché de l'emploi ;
qu'en obtenant par ces manoeuvres frauduleuses la remise de fonds de ces personnes, les responsables de COPFOR se sont rendus coupables du délit d'escroquerie ;
"alors qu'en déclarant le prévenu coupable d'escroquerie au motif qu'il avait fait paraître dans la presse une publicité jugée trompeuse portant sur la promesse d'un emploi après un stage et sa prise en charge par les Assedic, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé le caractère fictif de l'entreprise, ni une quelconque manoeuvre déterminante du consentement des stagiaires à contracter avec l'entreprise, a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, incomplètement reproduites aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, y compris intentionnel, le délit de travail clandestin et l'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Blin, Aldebert, Grapinet, Challe, Mistral conseillers de la chambre, Mmes Verdun, de la Lance, Karsenty conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;