Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Luhagris a confié, le 9 décembre 1974, la location-gérance d'un fonds de commerce à M. X... ; que, par un avenant du 21 mars 1975, il a été convenu que la société Jessie Bella se substituait à M. X... en qualité de locataire-gérant ; que le contrat initial et l'avenant ont été publiés ; que, le 23 novembre 1989, la société Luhagris et la société Jessie Bella ont conclu pour le même fonds un nouveau contrat de location-gérance, qui n'a pas été publié ; que celui-ci a été résilié le 25 octobre 1990 et la publication de la résiliation faite le 28 décembre 1990 ; qu'ayant été mise par la suite en redressement judiciaire la société Jessie Bella et l'admistrateur désigné ont engagé une action tendant à faire déclarer la société loueuse solidairement responsable des dettes contractées dans l'exploitation du fonds à compter du 23 novembre 1989, date de conclusion du nouveau contrat, et jusqu'au 28 décembre 1990, date de la publication de sa résiliation, sur le fondement de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ; que le représentant des créanciers est intervenu volontairement dans la procédure aux mêmes fins ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 31 et 32 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'action de la société Jessie Bella, l'arrêt retient que celle-ci a intérêt à voir déclarer le loueur du fonds solidaire de son passif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité solidaire du loueur avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds n'est instituée que dans l'intérêt des créanciers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ;
Attendu que l'obligation de publier le contrat de location-gérance prévue par l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 n'emporte pas, en cas de reconduction du contrat, l'obligation de procéder à une nouvelle publicité, si aucune modification n'est intervenue dans la nature de l'exploitation, ni dans la personne de l'exploitant depuis la publication initiale ;
Attendu que, pour accueillir au fond la demande du représentant des créanciers de la société Jessie Bella, l'arrêt retient que le défaut de publication légale du contrat du 23 novembre 1989 est imputable à la société Luhagris et a pour effet de la rendre solidairement responsable du passif de la société Jessie Bella à compter de cette date ; qu'il justifie l'obligation de publier le contrat du 23 novembre 1989 par la circonstance que celui-ci est distinct, indépendant du contrat du 9 décembre 1974, comme n'ayant pas été conclu entre les mêmes parties, le fait que, par l'avenant du 21 mars 1975, la société Jessie Bella ait été autorisée à se substituer à M. X... étant sans incidence à cet égard ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'avenant du 21 mars 1975 précisait " que les parties entendent que le contrat de gérance libre soit bien consenti à la société Jessie Bella et non à M. X... personnellement ", la cour d'appel, qui a méconnu la loi du contrat, a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que diverses clauses du contrat de 1989 sont plus contraignantes pour le locataire-gérant que celles du contrat de 1974, qu'elles portent notamment sur la charge des réparations visées à l'article 606 du Code civil, la consistance du mobilier commercial et du matériel, les modalités d'exploitation, l'assurance, l'interdiction de concurrence, la renonciation à l'article 37 du décret du 30 septembre 1953 et la caution solidaire d'une dame Y... ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser l'existence d'une modification intervenue dans la nature de l'exploitation du fonds depuis la publication initiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable la société Jessie Bella en son action fondée sur l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, constaté le défaut de publicité du contrat de location-gérance du 23 novembre 1989, déclaré la société Luhagris solidairement responsable des dettes d'exploitation de la société Jessie Bella, désigné un expert pour évaluer ces dettes et condamné la société Luhagris sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 mai 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.