AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire VERDUN, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Marina, épouse Y...,
- LA SOCIETE LA REDOUTE CATALOGUE,
civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 10 novembre 1994, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné la première à 20 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a déclaré la seconde civilement responsable ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 44-1 et suivants de la loi du 27 décembre 1973, L. 121-1, L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement entrepris, a déclaré Marina X..., épouse Y..., coupable du délit de publicité mensongère et l'a condamnée à une peine de 20 000 francs d'amende et à la publication de l'arrêt aux frais du condamné dans le prochain catalogue La Redoute, tout en déclarant la société La Redoute civilement responsable ;
"aux motifs que les règles professionnelles concernant la pratique des articles de substitution ne dispensent pas la société de vente par correspondance de respecter la législation sur la publicité trompeuse, qui réprime les allégations, indications et présentations fausses ou de nature à induire en erreur ;
qu'en l'espèce, la prévenue a commandé mille chemises broderie éléphant "équipment" à la société Vannier Grouillet le 30 octobre 1990 ;
si le bon de commande porte la mention 55 % ramie, 45 % coton, les factures mentionnent une composition de 53 % lin, 47 % coton ce qui correspond à l'analyse du produit et à la publicité ;
qu'il résulte des propres déclarations de la prévenue que les deux articles ont été proposés indifféremment à la vente tant au prix normal qu'au prix "pré-aubaines" et ce, sous la publicité lin et coton ;
lorsque le catalogue "pré-aubaines" a été commandé le 13 mars 1991, la prévenue savait déjà qu'elle ne pourrait offrir le produit annoncé et a donc induit le consommateur en erreur ;
qu'elle ne peut se disculper en invoquant la règle de la possibilité d'envoi d'articles de substitution qui ne trouve application qu'en cas d'indisponibilité de l'article, ce qui n'était pas le cas, (arrêt p. 3 et 4) ;
que la prévenue ne peut sérieusement soutenir que l'article litigieux peut s'analyser comme un produit de substitution dans la mesure où il est établi que si le chemisier lin-coton a fait l'objet d'une commande de 1 000 articles le 30 octobre 1990, le chemisier viscose-ramie a été commandé à 2 000 unités en novembre 1990 (jugement p. 3) ;
"1 ) alors que le fait, pour une entreprise de vente par correspondance, de proposer à la vente un article dont elle sait qu'elle ne pourra satisfaire la totalité des commandes sans recourir à des produits de substitution ne suffit pas à caractériser le délit de publicité mensongère, dès lors que cette entreprise dispose d'un stock de cet article au jour de la diffusion de son catalogue ;
qu'en constatant que la société La Redoute disposait d'un stock de 1 000 chemises correspondant à la description faite dans la publicité litigieuse, ce dont il ressortait que cette publicité, peu important l'insuffisance du stock eu égard au nombre de commandes pouvant être raisonnablement escompté, n'était pas mensongère, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2 ) alors qu'en affirmant péremptoirement que Marina Y... savait déjà , lors de la commande du catalogue "pré-aubaine", qu'elle ne pourrait pas offrir le produit annoncé, sans constater que la prévenue ne disposait plus, lors de la réalisation de ce catalogue, d'aucun chemisier de lin et coton, ni préciser les éléments d'où elle déduisait ce fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"3 ) alors qu'en tout état de cause, les conditions générales du catalogue La Redoute mentionnent en p. 1144 que "Tous les articles que nous vendons sont conformes à la description et à la présentation données.
Toutefois, pour améliorer la qualité de certains produits, les fournisseurs sont parfois amenés à apporter quelques modifications notamment la composition textile ; si des articles ne sont plus disponibles pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous fournissons dans certains cas des articles de remplacement présentant des caractéristiques et qualités égales ou supérieures ;
au cas où ces articles ne vous conviendraient pas, vous pouvez les retourner, les frais de retour vous seront remboursés" ;
qu'il ressort de ces dispositions que la possibilité de l'envoi d'un article d'une composition différente de celle mentionnée avait clairement été portée à la connaissance du client et convenue avec ce dernier, ce qui excluait qu'une modification de la composition du produit pût constituer, à elle seule, le délit de publicité mensongère ;
qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré ont exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs dont ils ont déduit que le délit de publicité de nature à induire en erreur reproché à la prévenue était caractérisé en tous ses éléments ;
Que le moyen, qui revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Verdun conseiller rapporteur, MM.
Aldebert, Grapinet, Farge conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire, M. Amiel avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;