AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Georges, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 10 novembre 1994, qui, pour présentation de comptes infidèles et fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 70 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1750 du Code général des impôts, L.228, L.230 du livre des procédures fiscales, 7, 8, 40, 75 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de prescription relative à la minoration des déclarations de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période allant du 1er décembre 1983 au 30 novembre 1984 ;
"aux motifs que les poursuites pour fraude fiscale visant la période de décembre 1983 et février 1985, et la commission des infractions fiscales ayant émis un avis favorable le 19 avril 1988, après avoir été saisie le 7 décembre 1987, le moyen tendant à voir le délit prescrit est inopérant dans la mesure où l'enquête ordonnée par le Parquet a commencé le 6 mai 1988 ;
"alors que sous peine d'irrecevabilité, les poursuites des chefs de fraudes fiscales et des délits assimilés ne peuvent être engagées par le ministère public que sur plainte préalable de l'administration fiscale ;
qu'il résulte de la plainte du directeur des services fiscaux et plus particulièrement du cachet que le parquet du tribunal de grande instance d'AIX-EN-Provence a apposé sur ce document, que ladite plainte n'a été déposée que le 30 mai 1988 ;
que dès lors, le soit-transmis du substitut du procureur de la république, en date du 6 mai 1988, en ce qu'il est antérieur à ladite plainte, est nul ;
que par suite, la prescription relative aux infractions commises en 1983 et 1984 était définitivement acquise lorsqu'est intervenu, le 23 novembre 1988, le procès-verbal d'enquête préliminaire, premier acte interruptif de prescription" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de prescription du délit de fraude fiscale présentée par le prévenu, l'arrêt attaqué relève notamment que celui-ci a fait soutenir, pour la première fois en cause d'appel, que l'ordre d'enquête préliminaire du ministère public - premier acte de poursuite - serait nul comme antérieur au dépôt de la plainte de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'en vertu de l'article 385 du Code de procédure pénale, la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur une prétendue nullité de procédure qui n'avait pas été soulevée devant les premiers juges avant toute défense au fond, le moyen est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1741, 266 et 267 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges X... coupable d'avoir frauduleusement soustrait la société qu'il dirigeait à l'établissement et au paiement de la TVA due au titre de la période allant du 1er décembre 1983 au 28 février 1985 ;
"aux motifs qu'il convient d'observer que si l'article 267 du Code général des impôts édicte effectivement que ne doivent pas être compris dans le chiffre d'affaires réel, les escomptes de caisse, remises, rabais et ristournes consentis directement aux clients, ce n'est pas le cas en l'espèce puisque ces ristournes n'ont pas bénéficié aux clients qui étaient en réalité non la société GMG (qui les a bien encaissées et non redistribuées), mais les autres sociétés du groupe ;
"alors, d'une part, que Georges X... s'était dans ses conclusions fondé sur les dispositions de l'article 266-1b du Code général des impôts pour soutenir que les ristournes et les participations publicitaires ne devaient pas être comprises dans le chiffre d'affaires imposable à la TVA ;
qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 267, inapplicable en l'espèce, et non invoqué par Georges X... pour rejeter ses conclusions, sans rechercher si l'exposant remplissait, comme il le soutenait, les conditions posées par l'article 266-1b, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen soulevé par l'exposant, et privé sa décision de motifs suffisants ;
"alors, d'autre part, que Georges X... avait soutenu dans ses conclusions que les ristournes obtenues auprès des fournisseurs, étaient tenues à la disposition des trois autres sociétés du groupe, que dès lors, faute de constituer des revenus pour la société GMG, rémunérant son activité de centrale d'achats, elles ne pouvaient être assujetties à la TVA ;
qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 425-A/3 de la loi 66-537 du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges X... coupable d'avoir sciemment présenté aux associés des comptes annuels ne donnant pas pour l'exercice clos le 28 février 1985, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine ;
"aux motifs que lors de ses investigations, le représentant de l'administration fiscale devait découvrir notamment une falsification de la comptabilité établie en 1985 de manière à ramener la dette au titre de la TVA de 1 717 102 francs à 2 001 francs, ladite falsification ayant pour conséquence de mettre en évidence au bilan clos le 28 février 1985, un résultat bénéficiaire de 15 481 francs ;
que le fait d'occulter aux associés l'existence d'une dette criarde, en la faisant disparaître du bilan caractérise le délit visé à la prévention ;
"alors que le délit de présentation de bilan non sincère suppose que ce dernier ne reflète pas la véritable situation patrimoniale et financière de la société ;
qu'en ne recherchant pas si l'écriture comptable initiale, qui constatait une dette de la société GMG envers le Trésor n'était pas erronée au regard des dispositions fiscales et notamment de l'article 266-1.b du Code général des impôts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié sa décision sur les demandes de la partie civile ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Culié conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Mmes Françoise Simon, Chevallier, M. Farge conseillers de la chambre, M. de Larosière de Champfeu conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;