AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Christophe X.,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 juillet 1994 par la cour d'appel de Rouen (3ème chambre civile), au profit de M. Bernard Y. défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 novembre 1995, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Grégoire, conseiller rapporteur, MM.
Thierry, Renard-Payen, Chartier, Ancel, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. Y., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Sandrine Y. a donné naissance, le 10 septembre 1988, à une fille prénomée A., qui a été reconnue, le 12 septembre, par sa mère et par son père, M. Christophe X. ;
que celui-ci a été condamné, le 18 juin 1991, à la peine de dix ans de réclusion criminelle pour un homicide volontaire commis le 1er octobre 1988 ;
qu'après le décès de Sandrine Y., survenu le 7 mai 1992, la tutelle de la mineure a été ouverte, M. Bernard Y., grand-père naturel, étant désigné comme tuteur ;
qu'autorisé par une délibération du conseil de famille, M. Y. a demandé le 9 mars 1993, que M. X. soit déchu de l'autorité parentale à l'égard de la jeune A. ;
que l'arrêt attaqué (Rouen, 5 juillet 1994) a accueilli cette demande ;
Attendu que M. X. fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 378-1 du Code civil que l'état de danger moral pour l'enfant doit manifestement exister lors du prononcé de la mesure de protection et résulter soit d'exemple pernicieux de délinquance, soit d'un manque de direction, de sorte qu'en retenant que l'attitude du père constituait un danger pour la moralité et l'éducation de la mineure tout en relevant que les faits à l'origine de l'incarcération avaient été commis lorsque l'enfant, n'était âgée que de vingt jours, et, par ailleurs, que la tutelle de la mineure avait été ouverte et organisée après le décès de la mère naturelle, circonstances d'où il résultait que la moralité de la jeune A. n'était manifestement pas en danger, la cour d'appel aurait violé, par fausse application, le texte susvisé ;
alors, d'autre part, qu'en retenant seulement que l'attitude du père à l'égard d'autrui et de sa fille constitue un danger pour la moralité de cette dernière, sans caractériser concrètement l'existence d'un état de danger manifeste pour l'enfant considéré dans son milieu actuel, ni préciser ce en quoi la délinquance passée du père aurait eu un caractère exemplaire, eu égard notamment à l'âge de l'enfant à l'époque des faits, les juges du second dégré auraient privé leur décision de base légale ;
et alors, enfin, qu'en énonçant que l'attitude du père vis-à -vis d'autrui a perduré jusqu'à présent tout en constatant que les faits imputés à M. X. ont été commis le 1er octobre 1988, la cour d'appel aurait statué par des motifs contradictoires ;
Mais attendu que l'arrêt constate, d'abord, par motifs propres et adoptés, que le crime commis par M. X., alors membre d'un groupe "skinhead", avait fait l'objet d'un grand retentissement ;
qu'il relève ensuite que le père ne s'était jamais préoccupé, même après le décès de Sandrine Y., de sa fille, que ce soit pour prendre des nouvelles ou s'inquiéter de son éducation et qu'au contraire, il a fait connaître, dans une lettre du 8 mars 1993, qu'il abandonnait "ses droits parentaux" ;
que la cour d'appel a déduit de ces faits que l'attitude de M. X. n'avait jamais varié et traduisait une méconnaissance des règles morales les plus élémentaires, de sorte qu'il était nécessaire pour que l'équilibre et la moralité de l'enfant ne soient pas mis en danger, de prononcer la déchéance de l'autorité parentale ;
que, par ces motifs, les juges d'appel, qui n'ont pas simplement prévenu un danger éventuel, et qui ne se sont pas contredits, ont caractérisé les conditions d'application de l'article 378-1 du Code civil ;
d'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X., envers M. Y., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-neuf décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
2007