AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- EMIN D..., - B... Evelyne, épouse EMIN, - Z... Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 14 décembre 1994, qui les a condamnés, les deux premiers à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 500 000 francs d'amende pour complicité de faux et abus de biens sociaux, le troisième à 3 ans d'emprisonnement avec sursis, 1 000 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour complicité de faux, usage de faux et recel d'usage de faux ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
I- Sur les pourvois des époux Y... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 513 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la formalité du rapport a été accomplie après qu'ont eu lieu les débats sur les conclusions avant dire droit au fond déposées par la défense ;
"alors que le rapport qui a pour objet de faire connaître aux juges d'appel les éléments de la cause sur laquelle ils auront à se prononcer est une formalité substantielle dont l'accomplissement constitue un préliminaire indispensable à tout débat ;
qu'elle est prescrite de manière absolue par l'article 513 du Code de procédure pénale qu'il s'agisse de juger le fond du procès ou de statuer sur une nullité de procédure et que la formalité du rapport ayant suivi le débat sur les nullités de procédure au lieu de le précéder, les débats devant la cour d'appel se sont déroulés irrégulièrement en sorte que la cassation est encourue" ;
Attendu que le moyen est inopérant dès lors que, les juges d'appel ayant joint au fond, par application de l'article 459 du Code de procédure pénale, les exceptions de nullité de la procédure antérieure, le rapport fait après cette décision porte nécessairement à la fois sur l'incident et sur le fond ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993, de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité tiré de la mise en examen tardive de Patrick Emin ;
"aux motifs que le 28 septembre 1988, au cours d'une perquisition effectuée dans les locaux de la société GRC, dans le cadre d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction de Marseille, les policiers du service régional de police judiciaire de Lyon constataient la présence de documents laissant présumer l'existence de fausses sociétés, de cessions de parts en blanc et d'abus de biens sociaux ;
qu'il était alors établi un procès-verbal de transport et de constatations qui donnait lieu à ouverture, par le procureur de la République de Lyon, d'une information contre X... des chefs de faux et usage de faux en écriture de commerce et abus de biens sociaux ;
que le juge d'instruction saisi délivrait le jour même une commission rogatoire au service régional de police judiciaire de Lyon afin de procéder à une enquête sur les agissements de la société GRC et ordonnait une expertise comptable sur les mouvements financiers dans cette société et les conditions de facturation des honoraires payés ;
qu'à ce stade de l'information, il n'existait alors aucun indice suffisant de culpabilité à l'encontre des époux Y... et il ne pouvait être procédé à leur inculpation ;
qu'ils seront, ainsi que M. H..., directeur technique de GRC, entendus en qualité de témoins par les services de police, les 6 et 10 octobre 1988 ;
que lors de son audition, le 6 octobre 1988, M. H... reconnaîtra l'existence de facturations fictives et le paiement de travaux au bénéfice du sénateur Z... ;
que Patrick Emin, interrogé très succinctement, le même jour, sur plusieurs dossiers, admettra avoir payé ces travaux et reconnaîtra qu'il avait été procédé à de fausses facturations dans le but de financer des partis politiques ;
qu'il était également entendu sur le montage juridique des opérations immobilières par le biais de sociétés civiles, agissements qui ne donneront pas lieu à inculpation ;
qu'Evelyne Emin, auditionnée le 10 octobre 1988 sur ces facturations, déclarera tout ignorer de l'existence des opérations en cause ;
que les époux Y... étaient à nouveau entendus en qualité de témoins, par les services de police, le 6 décembre 1988 ; que lors de ces auditions, il leur était présenté des scellés sur lesquels ils fournissaient de brèves informations ;
que les faits évoqués lors de ces interrogatoires ne donneront pas lieu à inculpation ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que lorsque les époux Y... ont été entendus en qualité de témoins de manière très succincte et au vu d'éléments sommaires qui n'ont pas tous abouti à des inculpations, il n'existait pas à leur encontre d'indices précis et concordants de culpabilité ;
que certes Patrick Emin avait reconnu le principe d'une fausse facturation mais que son épouse avait déclaré ignorer cette pratique ;
qu'eu égard à ces contradictions et à la complexité des montages financiers mis en oeuvre, de nombreuses investigations étaient nécessaires ;
que ce n'est qu'après qu'il eut été procédé à celles-ci et que des charges précises et concordantes eurent été réunies à l'encontre des époux Y... qu'il fût procédé à leur inculpation ;
"1 ) alors que lorsque plusieurs personnes invoquent la nullité tirée de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, les juges du fond ont l'obligation d'examiner le caractère tardif de l'inculpation ou de la mise en examen au regard de la situation de chacune de ces personnes et qu'en se référant expressément à la considération que si Patrick Emin avait reconnu dès le 6 octobre 1988 le principe d'une fausse facturation, son épouse avait déclaré ignorer cette pratique et en ne se prononçant par conséquent pas séparément sur le cas de chacun des époux Y..., la cour d'appel a statué par des motifs qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
"2 )alors que les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale sont impératives et que dans sa nouvelle rédaction les cours d'appel n'ont plus à rechercher si les auditions pratiquées en méconnaissance des principes qui l'édictent ont été faites dans le dessein de faire échec aux droits de la défense ;
que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la procédure que, dès avant le 6 octobre 1988 et en tout cas au plus tard à cette date, il existait à l'encontre de Patrick Emin des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi ;
qu'en effet tout d'abord, le procès-verbal coté D. 1 annexé au réquisitoire introductif concernait une perquisition effectuée le 28 septembre 1988 dans le bureau de Patrick Emin, directeur général de GRC au cours de laquelle il avait été découvert de nombreux documents d'où, selon les services de police, "il ressort explicitement la nature des délits réalisés par GRC, à savoir abus de biens sociaux, faux en écriture relatifs à des fausses factures" ;
qu'en second lieu, le 5 octobre 1988, M. H..., directeur technique de GRC entendu dans le cadre de la commission rogatoire délivrée le 29 septembre 1988 par M. Chauvy, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Lyon, a déclaré "vous me demandez si j'ai connaissance au sein de GRC de l'existence de factures litigieuses. En ce qui me concerne et de mémoire, je sais qu'une entreprise G... aurait effectué des travaux chez un Pierre Z..., la facturation G... étant adressée à GRC qui en aurait couvert le paiement. C'est Patrick Emin qui a suivi personnellement ce dossier" (D. 10) ;
que le même jour et suite à cette audition, le SRPJ de Lyon a obtenu du chef de service comptable de GRC la remise d'un certain nombre de dossiers parmi lesquels un dossier G... ;
que le 6 octobre 1988, (D. 13), Patrick Emin a été entendu sur commission rogatoire et a déclaré "vous me présentez une facture adressée à GRC par l'entreprise G... le 31 août 1988 pour des travaux de terrassement et évacuation des déblais effectués pour GRC à Artigues (33) dans le cadre d'un bâtiment Castorama pour un montant TTC de 389 008 francs, facture réglée par GRC. En réalité cette facture recouvre des travaux réalisés chez le sénateur-maire Z... à sa résidence secondaire dont j'ignore où elle est située. Je reconnais qu'il n'était pas prévu que l'entreprise Raynaud intervienne sur le chantier Castorama à Artigues pour le compte de GRC. Il s'agit bien d'une fausse facture. Pierre Z... avait promis une aide dans différentes opérations à venir dans le cadre des opérations de GRC. Vous me présentez un dossier Urbatechnic concernant le paiement d'une mission de lancement promotionnel concernant un magasin situé à Evry tel qu'il résulterait d'un contrat signé entre GRC et Urbatechnic effectué suite à une facture Urbatechnic du 14 février 1986 d'un montant de 118 600 francs TTC, réglée par GRC en 1986. Il n'y a eu aucune prestation d'Urbatechnic dans le cadre de ce contrat. Il s'agit bien d'une fausse facture. Dans le cadre de cette facturation, il n'y a eu aucune prestation ni non plus aucune promesse. Je dirais qu'il s'agit d'une "taxation" d'un parti politique" ;
que ces déclarations sont, contrairement à ce qu'a estimé la cour d'appel, on ne peut plus explicites concernant la participation aux faits poursuivis de Patrick Emin et qu'elles font bien le départ entre le financement d'un parti politique et le paiement de travaux réalisés pour le compte personnel du sénateur Z... et que dès lors, au plus tard le 6 octobre 1988, l'audition en qualité de témoin de Patrick Emin ne pouvait être poursuivie en sorte que la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des pièces de la procédure et a méconnu ce faisant les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ;
"3 ) alors que, lorsqu'une cour d'appel décide de joindre l'incident au fond, elle ne peut sans se contredire faire état de ce qu'à une date déterminée, il n'existait pas d'indices graves et concordants au sens de l'article 105 du Code de procédure pénale à l'encontre d'une personne entendue comme témoin sur commission rogatoire pour rejeter la demande de nullité invoquée par celle-ci et se fonder par ailleurs essentiellement sur les déclarations de cette personne recueillies avant cette date pour entrer en voie de condamnation à son encontre ;
que, dès lors, la cour d'appel qui a joint l'incident au fond ne pouvait sans se contredire affirmer d'une part, pour rejeter l'exception de nullité invoquée par le demandeur, que lorsque Patrick Emin avait été entendu en qualité de témoin y compris le 6 décembre 1988, il n'existait pas d'indices précis et concordants de culpabilité à son encontre et, d'autre part, s'appuyer pour entrer en voie de condamnation à son encontre du chef de complicité de faux en écritures de commerce sur l'audition initiale de celui-ci (6 octobre 1988) au cours de laquelle il avait déclaré que la facture du 31 août 1988 avait été émise pour payer des travaux réalisés dans la propriété de Pierre Z..." ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993, de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, dénaturation des pièces de la procédure ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité tiré de l'inculpation tardive d'Evelyne Emin ;
"aux motifs que le 28 septembre 1988, au cours d'une perquisition effectuée dans les locaux de la société GRC, dans le cadre d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction de Marseille, les policiers du service régional de police judiciaire de Lyon constataient la présence de documents laissant présumer l'existence de fausses sociétés, de cessions de parts en blanc et d'abus de biens sociaux ;
qu'il était alors établi un procès-verbal de transport et de constatations qui donnait lieu à l'ouverture, par le procureur de la République de Lyon, d'une information contre X... des chefs de faux et usage de faux en écriture de commerce et abus de biens sociaux ;
que le juge d'instruction saisi délivrait le jour même une commission rogatoire au service régional de police judiciaire de Lyon afin de procéder à une enquête sur les agissements de la société GRC et ordonnait une expertise comptable sur les mouvements financiers dans cette société et les conditions de facturation des honoraires payés ;
qu'à ce stade de l'information, il n'existait alors aucun indice suffisant de culpabilité à l'encontre des époux Y... et il ne pouvait être procédé à leur inculpation ;
qu'ils seront, ainsi que M. H..., directeur technique de GRC, entendus en qualité de témoins par les services de police, les 6 et 10 octobre 1988 ;
que lors de son audition, le 6 octobre 1988, M. H... reconnaîtra l'existence de facturations fictives et le paiement de travaux au bénéfice du sénateur Z... ;
que Patrick Emin, interrogé très succinctement, le même jour, sur plusieurs dossiers, admettra avoir payé ces travaux et reconnaîtra qu'il avait été procédé à de fausses facturations dans le but de financer des partis politiques ;
qu'il était également entendu sur le montage juridique des opérations immobilières par le biais de sociétés civiles, agissements qui ne donneront pas lieu à inculpation ;
qu'Evelyne Emin, auditionnée le 10 octobre 1988 sur ces facturations, déclarera tout ignorer de l'existence des opérations en cause ;
que les époux Y... étaient à nouveau entendus en qualité de témoins, par les services de police, le 6 décembre 1988 ; que lors de ces auditions, il leur était présenté des scellés sur lesquels ils fournissaient de brèves informations ;
que les faits évoqués lors de ces interrogatoires ne donneront pas lieu à inculpation ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que lorsque les époux Y... ont été entendus en qualité de témoins de manière très succincte et au vu d'éléments sommaires qui n'ont pas tous abouti à des inculpations, il n'existait pas à leur encontre d'indices précis et concordants de culpabilité ;
que certes Patrick Emin avait reconnu le principe d'une fausse facturation mais que son épouse avait déclaré ignorer cette pratique ;
qu'eu égard à ces contradictions et à la complexité des montages financiers mis en oeuvre, de nombreuses investigations étaient nécessaires ;
que ce n'est qu'après qu'il eut été procédé à celles-ci et que des charges précises et concordantes eurent été réunies à l'encontre des époux Y... qu'il fût procédé à leur inculpation ;
"alors qu'aux termes de l'article 105, alinéa 1er du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993, les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi, ne peuvent être entendues comme témoins ;
que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la procédure que lors de la perquisition qui a eu lieu le 28 septembre 1988 dans le bureau d'Evelyne Emin (D 1) et qui a donné lieu à un procès-verbal joint au réquisitoire introductif du 29 septembre 1988, a été saisie une note interne adressée par Evelyne Emin à Patrick Emin ;
qu'à cette note était jointe une autre note, du 21 mars 1988, d'Evelyne Emin à Patrick Emin ;
que le rédacteur du procès-verbal a expressément constaté "qu'il en ressort explicitement la nature de délits réalisés par GRC, à savoir abus de biens sociaux, faux en écritures relatifs à de fausses factures" ;
que le 6 octobre 1988, Patrick Emin, époux d'Evelyne Emin et directeur général de GRC, entendu sur commission rogatoire, a reconnu avec la plus grande précision l'existence de fausses factures (D 13) ;
qu'au cours de son audition en qualité de témoin, le 6 octobre 1988, Evelyne Emin a reconnu sans ambiguïté être le rédacteur de la note saisie par les services de police le 28 septembre 1988 dans son bureau ;
qu'à partir de cet aveu confirmant les éléments matériels précédemment constatés, il existait à son encontre des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi au sens de l'article 105 du Code de procédure pénale et que, dès lors, Evelyne Emin ne pouvait plus être entendue comme témoin" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité de la procédure régulièrement présentées par conclusions communes des époux Y..., prises de leur inculpation tardive en violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable, l'arrêt attaqué énonce que, lorsqu'ils ont été entendus comme témoins par les services de police sur commission rogatoire du juge d'instruction, les 6 et 10 octobre 1988, de manière très succincte et au vu d'éléments sommaires qui n'ont pas tous abouti à des inculpations, il n'existait pas à leur encontre d'indices précis et concordants de culpabilité ;
qu'eu égard aux contradictions entre leurs déclarations sur le principe d'une fausse facturation et à la complexité des montages financiers mis en oeuvre, de nombreuses investigations étaient encore nécessaires avant de pouvoir procéder à leur inculpation ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, procédant de son appréciation souveraine des faits de la cause, et dès lors que les demandeurs n'ont jamais allégué que le magistrat instructeur ou les officiers de police judiciaire aient agi dans le dessein de faire échec aux droits de la défense, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir la censure ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 56, 97, 171 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la saisie des documents opérée le 29 septembre 1988 (D 6) ;
"aux motifs qu'il sera relevé qu'est seule en cause la régularité de la saisie opérée le 29 septembre 1988 dans les locaux de la société GRC ;
qu'au cours de cette perquisition, effectuée en présence d'Evelyne Emin, les services de police, agissant sur commission rogatoire, appréhendaient un nombre important de documents ;
que, sur instructions du juge mandant, eu égard à la multiplicité des pièces, ils procédaient à une saisie provisoire des documents apparaissant nécessaires à la poursuite de l'information ;
que le 6 décembre suivant, les policiers effectuaient la saisie définitive et la mise sous scellés des documents nécessaires, ces opérations ayant lieu en présence des époux Y... ;
qu'il leur était restitué les pièces ne s'avérant pas utiles à la suite de la procédure ;
que, lors de son audition réalisée après cette opération, Evelyne Emin s'étonnait que ces documents n'aient pas été scellés avant et aient pu rester accessibles à tous pendant plusieurs semaines ; que les époux Y... estiment que cette saisie était irrégulière et qu'elle doit être annulée ;
que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les dispositions de l'article 97, alinéa 2, du Code de procédure pénale qui renvoient au quatrième alinéa de l'article 56 du même Code prévoient, expressément, si l'inventaire sur place des documents saisis présente des difficultés, qu'ils fassent l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs ;
qu'ainsi il ne peut être reproché aux policiers de n'avoir pas procédé une saisie définitive le jour de la perquisition ;
que cette mise sous scellés a eu lieu en présence des époux Y... qui n'ont, à cette occasion, élevé aucune observation sur les pièces qui étaient conservées et sur celles qui leur étaient remises ;
que certes Evelyne Emin s'est, lors de son audition effectuée le même jour, étonnée que les documents fussent restés accessibles à tous dans les locaux des services de police ;
qu'à supposer exacte cette assertion, qui est en contradiction avec les mentions portées sur le procès-verbal de perquisition du 29 septembre 1988, les époux Y... ne démontrent pas que des pièces aient subi une quelconque altération qui aurait été faite à leur détriment ;
qu'ainsi, il n'est pas établi que l'irrégularité éventuelle de la saisie, à la supposer avérée, ait nui aux intérêts des époux Y... ;
"1 ) alors qu'ainsi que le rappelle la cour d'appel, lorsque la confection de scellés définitifs n'est pas possible dans l'immédiat parce que l'inventaire sur place des pièces saisies pose des difficultés, les officiers de police judiciaire doivent confectionner des scellés provisoires lors de la saisie des documents opérée au cours d'une perquisition ;
que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la cote D 6 (p. 2) que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, le 29 septembre 1988, les inspecteurs du SRPJ de Lyon agissant sur commission rogatoire ont perquisitionné dans l'appartement de fonction des époux Y..., ont effectivement placés sous scellés les documents qu'ils ont découverts dans le bureau de Patrick Emin mais ont déclaré saisir provisoirement les pièces et documents qu'ils ont découverts dans le bureau d'Evelyne Emin sans qu'il soit constaté qu'ils en aient fait l'inventaire et qu'ils les aient mis sous scellés, fût-ce provisoires ;
"2 ) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 56 du Code de procédure pénale que la confection de scellés à tout le moins provisoires, est nécessaire non seulement pour assurer la conservation et l'authenticité des choses saisies, mais aussi pour assurer le respect du secret de l'instruction et des droits de la défense ;
que dans leurs conclusions régulièrement déposées, D... et Evelyne Emin faisaient valoir que le libre accès aux documents entassés sans inventaire dans 13 sacs poubelles non fermés et par conséquent illégalement retenus à l'hôtel de police pendant plus de deux mois avait permis à des journalistes et à un ex-policier en mal de littérature de puiser, au mépris des règles les plus élémentaires du Code de procédure pénale, les renseignements et documents nécessaires à leurs oeuvres et de violer allégrement le secret de l'instruction et qu'en se bornant à faire état de ce que les époux Y... ne démontraient pas que des pièces aient subi une quelconque altération qui aurait été faite à leur détriment et que dès lors il n'était pas établi que l'irrégularité éventuelle de la saisie ait nui à leurs intérêts, la cour d'appel qui n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions des demandeurs n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la saisie de documents opérée le 29 septembre 1988, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que la violation éventuelle du secret de l'instruction n'est pas sanctionnée par la nullité des actes de l'information, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
D'où il suit que celui-ci ne peut être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, alinéa 4, 97, 158, 164 et 166 du Code de procédure pénale, des articles 591 et 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, dénaturation des pièces de la procédure ;
"en ce que la cour d'appel a refusé d'annuler l'ordonnance du 21 octobre 1988 désignant l'expert E..., le rapport déposé par cet expert et la procédure subséquente ;
"1 ) alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 81 alinéa 4, 97, alinéa 1 et 158 du Code de procédure pénale que seul le magistrat instructeur et les officiers de police judiciaire commis par lui peuvent en cours d'information procéder à la recherche de documents et que les experts quant à eux ne peuvent être chargés que de missions purement techniques excluant une telle recherche ;
que, dans leurs conclusions régulièrement déposées in limine litis, les demandeurs faisaient valoir que l'expert E... avait reçu une mission générale de prospection et d'investigation au mépris des textes susvisés ;
que les premiers juges avaient expressément constaté que dans son ordonnance du 21 octobre 1988, le juge d'instruction avait demandé à l'expert E... "de procéder plus généralement à toute constatation utile à la manifestation de la vérité au regard des pièces et des résultats comptables de GRC et des différentes SCI" ; que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la Cour, les époux Emin Y... soutenaient que le juge d'instruction ne pouvait charger un expert d'une telle mission et que, dès lors, en se bornant à faire état de ce que l'expert n'était pas sorti du cadre de sa mission sans s'expliquer sur la régularité de l'ordonnance du 21 octobre 1988 qui l'avait désigné, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2 ) alors qu'ainsi que l'a justement rappelé la cour d'appel, l'expert doit accomplir personnellement la mission qui lui est confiée et qu'il ne peut se décharger du soin d'effectuer des recherches et d'en tirer des conclusions ;
que la méconnaissance de ces obligations entraîne la nullité du rapport d'expertise ; que la Cour de Cassation a le pouvoir de vérifier elle-même si l'expert signataire du rapport a personnellement accompli lui-même les opérations qui lui étaient confiées sans être tenue par les déclarations de ce technicien à cet égard ;
qu'en l'espèce, si l'expert E... a déclaré avoir accompli personnellement la mission qui lui était confiée, il a employé le terme "nous" aussi bien dans l'ensemble de son rapport d'expertise que dans sa correspondance ;
qu'en particulier, les lettres des 19 et 20 janvier 1989 figurant au dossier de la procédure, adressées au magistrat instructeur par lui, sont à en-tête du cabinet d'expertise comptable exerçant en société anonyme "CGEC. Guerard Delbor Vallas", sont référencées respectivement "89 055 JJD/MSR et 89 056 JJD/MSR et emploient le "nous" ;
qu'elles n'ont par conséquent pas été rédigées personnellement par l'expert E... ;
que cependant, en ce qui concerne la lettre du 20 janvier 1989, il ne s'agit pas d'un courrier courant mais d'une lettre capitale pour l'issue de l'information dans laquelle l'expert écrit expressément "nous avons relevé un certain nombre d'agissements n'entrant pas directement dans le cadre de la mission que vous nous avez confiée.
Ces constatations sont présentées dans la note ci-jointe" ; que, dès lors, il est établi par l'ensemble de la procédure que le travail confié à l'expert a été réalisé par une équipe de techniciens, experts comptables ou non, qui n'ont pas préalablement prêté serment et qui n'étaient pas tenus au secret de l'instruction ;
qu'en cet état la cour d'appel avait l'obligation impérative d'annuler le rapport d'expertise signé par M. E... ;
"3 ) alors qu'aux termes de l'article 164, alinéa 1 du Code de procédure pénale, si les experts peuvent recevoir à titre de renseignements les déclarations de personnes autres que la personne inculpée ou mise en examen, c'est à la double condition que ces déclarations interviennent dans le cadre strict de la mission d'expertise et qu'il ne s'agisse pas de véritables interrogatoires ayant pour objet de tourner les dispositions de l'article 164, alinéa 2 relatives aux mesures -substantielles aux droits de la défense- à observer par l'expert pour l'interrogatoire de la personne mise en examen ;
qu'en l'espèce, les questionnaires adressés par le cabinet de l'expert aux cadres des sociétés dirigées par les mis en examen avaient manifestement, comme ceux-ci le soutenaient dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la Cour, pour objet de les faire interroger puisqu'ils étaient seuls en mesure d'y répondre et qu'en omettant de s'expliquer sur ce chef péremptoire des conclusions des demandeurs tout en ne constatant pas que les questionnaires adressés aux cadres de la société l'avaient été conformément à l'article 164, alinéa 1 pour l'accomplissement strict de la mission de l'expert, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité du rapport d'expertise et des actes subséquents, régulièrement présentée par les époux Y..., du fait notamment de l'envoi par l'expert, à leurs collaborateurs, de questionnaires auxquels, en fait, les personnes mises en examen pouvaient seules répondre, l'arrêt attaqué relève qu'aux termes de l'article 164 du Code de procédure pénale, les experts peuvent recevoir, à titre de renseignements et pour l'accomplissement de leur mission, les déclarations de personnes autres que l'inculpé ;
que, si Evelyne Emin, qui à l'époque n'était pas encore inculpée, a cru devoir répondre à certains de ces questionnaires, elle ne peut aujourd'hui en tirer argument pour prétendre qu'un tel procédé entraînerait la nullité de l'expertise ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen, par ailleurs nouveau et mélangé de fait en ses deux premières branches, ne saurait être accueilli ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2-5 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie et de l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses et à la clarification du financement des activités politiques, des articles 59, 60, 147 et 150 de l'ancien Code pénal, de l'article 441-1 du nouveau Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux Y... coupables de complicité, de faux en écritures de commerce du fait de la prise en charge par la société Jean Lefebvre de trois factures fictives émises par Roland G..., et par la GRC d'une facture fictive émise par le même ;
"1 ) alors qu'aux termes de l'article 2-5 de la loi du 20 juillet 1988, les délits en relation avec le financement direct ou indirect des partis politiques commis avant le 11 mars 1988 sont amnistiés ;
que ce texte ne pose aucune condition supplémentaire et doit être appliqué dans ses termes mêmes ;
que, dès lors, en se bornant à faire état de ce que les trois factures émises par Roland G... les 31 août, 10 septembre et 30 novembre 1987 prises en charge par la société Jean Lefebvre avaient été créées non pas pour financer le parti politique de Pierre Z... mais pour régler des travaux personnels effectués sur sa propriété de Busserolles en Dordogne par l'entreprise Raynaud, sans rechercher, comme l'y invitaient les demandeurs dans leurs conclusions de ce chef délaissées si le règlement litigieux n'était pas en relation indirecte avec le financement du parti politique de Pierre Z... et en refusant de faire bénéficier les époux Y... de la loi d'amnistie susvisée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2 ) alors qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques sauf en cas d'enrichissement personnel de leurs auteurs, sont amnistiées toutes infractions commises avant le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis et de groupements politiques ; qu'il se déduit de ce texte qu'en cas de pluralité d'auteurs ou de complices, seules les personnes qui se sont enrichies personnellement sont exclues du bénéfice de l'amnistie et que les autres, par contre, peuvent en bénéficier dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en relation, fût-ce indirecte, avec le financement de campagnes électorales ou de partis politiques et que, dès lors, en se bornant à faire état de ce que la facture du 31 août 1988 adressée à GRC par l'entreprise G... avait été créée non pas pour financer le parti politique de Pierre Z... mais pour régler les travaux personnels effectués sur sa propriété de Busserolles en Dordogne par l'entreprise Raynaud sans rechercher, comme l'y invitaient les demandeurs dans leurs conclusions de ce chef délaissées, si les règlements litigieux n'étaient pas en relation indirecte avec le financement du parti politique de Pierre Z... sans constater qu'ils se soient enrichis personnellement, et en refusant de faire bénéficier les époux Y... des dispositions de la loi d'amnistie susvisée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"3 ) alors que la simulation qui entre dans les prévisions de l'article 1321 du Code civil n'est punissable qu'autant que les fausses énonciations ont été concertées avec l'intention coupable de tromper les tiers et de leur porter éventuellement préjudice et qu'en ne précisant pas, comme l'y invitaient les demandeurs dans leurs conclusions régulièrement déposées, en quoi les factures simulées avaient pu porter préjudice à des tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"4 ) alors que le préjudice de la partie civile ou, en tous cas d'une victime déterminée, est un élément constitutif du faux en écriture privée et qu'en se bornant à faire état de manière vague et imprécise de ce que les falsifications reprochées avaient donné naissance à un préjudice social éventuel, l'arrêt attaqué a fondé sa décision sur une insuffisance de motifs caractérisée ;
"5 ) alors qu'en se bornant à faire état d'instruction données par les époux Y... sans préciser, pour chacun d'eux, même sommairement, en quoi avaient consisté ces instructions, la cour d'appel ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision au regard des dispositions de l'article 60 de l'ancien Code pénal" ;
Attendu que, pour écarter l'effet de l'article 2-5 de la loi du 20 juillet 1988 et de l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990, portant amnistie des délits en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques, la cour d'appel énonce que la facture de 389 008 francs émise par l'entreprise G... le 31 août 1988, pour un chantier Castorama à Artigues (Gironde), et prise en charge par la société GRC dirigée par les époux Y..., qui l'a réglée par chèque le 4 octobre 1988, a été établie non dans le but de financer un parti politique ou des campagnes électorales, mais pour régler des travaux personnels effectués, sur la propriété du sénateur Pierre Z... en Dordogne, par l'entreprise Raynaud ;
Attendu que, pour déclarer ensuite les époux Y... coupables de complicité de faux, les juges énoncent que cette facture était fausse dans la mesure où les travaux dont il a été demandé paiement ne correspondaient pas à ceux effectivement realisés ;
que ladite falsification a donné naissance à un préjudice social et qu'il importe peu qu'il puisse n'être qu'éventuel ; qu'Evelyne Emin, président de GRC, ne pouvait ignorer les fausses facturations pratiquées par sa société ;
qu'elle a, avec son mari, directeur général, donné des instructions pour l'établissement de ces factures ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que constitue un faux punissable l'altération frauduleuse de la vérité dans une facture qui, valant titre, est de nature à causer un préjudice, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments l'infraction dont s'agit et écarté à bon droit l'application de l'amnistie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas pertinent ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux Y... coupables d'abus de biens sociaux au préjudice de la société anonyme GRC dont ils étaient, l'une président-directeur général, et l'autre directeur général ;
"aux motifs que les époux Y... ne contestent pas que leur compte courant se soit trouvé débiteur à plusieurs reprises dans les années 1985, 1986, 1987 et jusqu'en juillet 1988 ;
qu'il résulte des constatations faites par l'expert-comptable judiciaire qu'il s'est trouvé en position débitrice pendant de nombreux mois ; que les soldes débiteurs étaient souvent très importants puisqu'ils ont pu atteindre 1 196 000 francs le 30 juin 1987 ;
qu'en fin d'exercice le solde redevenait créditeur pour être à nouveau débiteur très rapidement ;
qu'ainsi les dépenses personnelles des époux Y... ont été régulièrement réglées par des chèques tirés sur la société GRC ;
qu'ils avaient été avisés par le commissaire aux comptes que cette situation constituait une infraction si l'élément intentionnel était retenu ; qu'il sera relevé qu'à la même époque cette société avait recours, de façon croissante, à des concours bancaires à court terme ;
qu'en agissant ainsi, les époux Y... ont fait des biens et du crédit de la société un usage compromettant l'intégrité de l'actif social et l'ont privée d'avantages conformes à ses intérêts ;
que cet usage a été fait dans un but personnel et avec la conscience du caractère abusif de ces prélèvements ; qu'ils seront par confirmation de la décision entreprise, maintenus dans les liens de la prévention de ce chef ;
"1 ) alors que dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la Cour, les époux Y... faisaient valoir qu'il résultait du rapport des experts-comptables que le débit de leur compte courant résultait de ce qu'au lieu de leur être versée mensuellement, la prime à laquelle ils avaient droit leur était versée en fin d'année ;
que, dès lors, loin d'être contraire à l'intérêt social, ce mode d'opérer avait permis à la société anonyme GRC de profiter de sa trésorerie et qu'en omettant d'examiner cet argument péremptoire des conclusions des demandeurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2 ) alors que les demandeurs faisaient encore valoir dans leurs conclusions qu'ils détenaient officiellement 98 % du capital de GRC, c'est-à -dire qu'ils pouvaient à tout moment faire voter des répartitions de réserves disponibles par rapport auxquelles les débits étaient insignifiants ( de 3 à 15 millions selon l'exercice) et qu'en omettant de s'expliquer sur cet élément de fait excluant toute intention frauduleuse, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
II - Sur le pourvoi de Pierre Z... ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 513, 591 et 593 du Code procédure pénale et de l'article 6 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à audition de témoin et à organisation d'une nouvelle expertise ;
"aux motifs que Pierre Z... sollicite que soit entendu en qualité de témoin Jacques F..., qui a évalué les travaux faits sur sa propriété et M.
François A..., ingénieur général du génie rural, des Eaux et des Forêts ;
qu'il demande que soit organisée une nouvelle expertise, l'expertise judiciaire lui paraissant très insuffisante ;
que l'expert judiciaire, M. X..., s'est rendu sur la propriété de Pierre Z... et a décrit très complètement les travaux réalisés ;
qu'au vu de ses constatations et des documents qui lui ont été remis, il a proposé deux méthodes d'évaluation de prix ;
qu'en revanche, dans les divers rapports de Jacques F..., expert près la cour d'appel de Bordeaux, qui ont été produits tant devant le juge d'instruction que devant les juridictions de jugement, celui-ci s'est contenté de critiquer, de manière souvent fort peu amène, les conclusions de l'expert judiciaire ;
que ces observations ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire ;
que dans ces conditions, la demande de nouvelle expertise n'est pas justifiée et sera rejetée ;
que l'audition sollicitée de Jacques F... n'est pas, pour les raisons qui viennent d'être exposées, utile à la manifestation de la vérité ;
que Pierre Z... ne s'est pas expliqué dans ses écritures sur les raisons pour lesquelles il avait demandé l'audition de François A... ;
qu'il a seulement produit un courrier adressé à Pierre Z... et faisant état des prix qui lui étaient demandés, pour la réalisation d'un étang dans sa propriété (arrêt p. 8, alinéas 1 à 3) ;
"alors que, premièrement, la cour d'appel ne peut rejeter une demande d'audition de témoins à décharge qu'à la seule condition d'énoncer les circonstances qui font obstacle à la citation du témoin ou qui privent son témoignage de toute crédibilité ;
qu'en retenant que M. F..., témoin à décharge, s'était contenté de critiquer l'expertise judiciaire, d'où il se déduit qu'il pouvait, le cas échéant, apporter la preuve contraire, la cour d'appel n'a pas justifié le rejet de la demande d'audition ;
"alors que, deuxièmement, en estimant que Pierre Z... ne s'était pas expliqué dans ses écritures sur les raisons pour lesquelles l'audition de M. A... était nécessaire, bien qu'il indiquait expressément qu'il avait estimé le prix de "pré de l'Etang" à la même valeur que M. F... (conclusions p. 3), la cour d'appel a dénaturé les écritures du demandeur" ;
Attendu que, faute d'avoir usé devant les premiers juges du droit qu'il tenait des articles 435 ou 444 alinéa 3 du Code de procédure pénale, Pierre Z... ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir, en refusant par des motifs exempts d'insuffisance la demande d'audition de témoins qu'il lui présentait, méconnu le principe du procès équitable et les droits de sa défense ;
Attendu, par ailleurs, que le refus opposé par les juges du fond à une demande d'expertise ou de contre-expertise ne relève pas du contrôle de la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 147 et 150 du Code pénal, tels qu'ils étaient applicables à l'époque des faits, de l'article 441-1 du nouveau Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale et de l'article 1236 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que Pierre Z... a été condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, à 1 000 000 francs d'amende et à une interdiction de tous les droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq ans ;
"aux motifs que l'entreprise G... a effectué des travaux dans la propriété de Pierre Z... de 1986 à 1988 ;
qu'en ce qui concerne le paiement de ces travaux, Pierre Z... a demandé à M. G... de s'adresser à l'entreprise Jean Lefebvre, et plus particulièrement à M. C... ;
que sur les instruction de ce dernier, il avait été établi trois factures, les 31 août, 10 septembre et 30 novembre 1987 pour des chantiers fictifs, d'un montant respectif de 226 445,35 francs, 183 895,23 francs et 220 040,55 francs ;
que pour le solde des travaux, M. G... a émis une facture à la société GRC pour des travaux sur un chantier fictif à Artigues (Gironde) d'un montant de 389 008 francs ;
que les quatre factures litigieuses ont été créées, non pas pour financer le parti politique de Pierre Z..., mais pour régler des travaux personnels effectués dans sa propriété par l'entreprise Raynaud ;
qu'elles ont été falsifiées dans la mesure où les travaux dont il a été demandé le paiement ne correspondent pas à ceux effectivement réalisés ;
que cette falsification a donné naissance à un préjudice social et qu'il importe peu qu'il puisse n'être qu'éventuel, la possibilité d'un tel préjudice suffisant à faire tomber la falsification de la vérité sous l'application de la loi pénale ;
"alors que, premièrement, le préjudice de la partie civile ou, en tout cas, d'une victime déterminée, est un élément constitutif du faux en écriture privée ; qu'en décidant que les documents falsifiés litigieux sont la cause d'un préjudice social éventuel, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction poursuivie ;
"alors que, deuxièmement, la cour d'appel s'est bornée à relever que Pierre Z... a demandé que deux tiers payent une dette personnelle, ce qui ne déroge pas aux dispositions de l'article 1236 du Code civil énonçant des règles propres à l'extinction des obligations, sans constater aucune circonstance établissant qu'il aurait participé à l'émission et au paiement de fausses factures, simple modalité de paiement convenue et arrangée entre GRC et l'entreprise Lefebvre, tiers payeurs, et M. G..., créancier ;
qu'en retenant la culpabilité de Pierre Z... du chef de complicité de faux, usage de faux et recel d'usage de faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité des délits de faux, usage de faux et recel d'usage de faux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 150 du Code pénal, tel qu'il était applicable à l'époque des faits, de l'article 151-1 du nouveau Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre Z... à 1 000 000 francs d'amende ;
"alors que premièrement, l'article 150 du Code pénal, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits fixait la peine d'amende à un montant de 1 000 à 120 000 francs ;
qu'en condamnant Pierre Z... à payer une amende de 1 000 000 francs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
"alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, si l'article 441-l du nouveau Code pénal devait être appliqué, une peine d'amende d'un montant maximum de 300 000 francs seulement pouvait être prononcée ;
qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé" ;
Attendu que, contrairement à ce qu'allègue le moyen, Pierre Z... n'a pas été condamné seulement pour complicité et usage de faux mais également pour recel ;
Que, dès lors, la peine d'amende d'un million de francs, qui lui a été infligée, entre dans les prévisions tant de l'article 460 du Code pénal alors applicable que de l'article 321-1 du Code pénal, aux termes desquels l'amende maximale prévue est de 2 500 000 francs ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Culié conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Mme Chevallier conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;