AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n s A 93-42.899 à 903, Y 93-42.920 à 941, F 93-42.973 à 976, T 93-43.122, U 93-43.169, W 93-43.171, F 93-43.180 et 181, K 93-43.184, X 93-43.195, E 93-43.202, J 93-43.206, S 93-43.972, Q 93-44.522, B 93-45.177 à 191, X 93-45.196 et C 93-45.316 à 320 formés par :
1 / M. le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Alsace, domicilié ...,
2 / M. le préfet de la région Lorraine, domicilié à la préfecture, 57034 Metz Cedex,
Sur les pourvois n s V 93-43.423 et N 93-43.439 à 441 formés par la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Alsace-Moselle, dont le siège est ..., ...,
Sur les pourvois n s W 93-43.424 à 438, T 93-43.444, W 93-43.447 à 464, C 93-43.752 et 753, G 93-43.803, F 93-44.859, S 93-45.030 à 033, S 93-45.076 à 086 et X 93-45.426 formés par :
1 / la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Alsace-Moselle,
2 / la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, direction du service médical de la région de Strasbourg (DSMRS), dont le siège est ..., ..., en cassation de 59 arrêts rendus les 19, 20 et 21 avril 1993 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale), au profit :
1 / de Mme Jocelyne G..., demeurant ...,
2 / de M. Christiane H..., demeurant ...,
3 / de M. Alain YF..., demeurant ...,
4 / de Mme Pascale E..., demeurant ...,
5 / de Mme Christiane F..., demeurant ...,
6 / de Mme Marie-Jeanne X..., demeurant ...,
7 / de M. Lucien Y..., demeurant ...,
8 / de Mme Odette D..., demeurant ...,
9 / de Mme Madeleine K..., demeurant ...,
10 / de Mme Christiane N..., demeurant ...,
11 / de Mlle Christiane O..., demeurant ...,
12 / de Mme Josyane P..., demeurant ...,
13 / de Mme Michèle R..., demeurant ...,
14 / de Mme Marie-Françoise S..., demeurant ...,
57640 Servigny lès Sainte-Barbe,
15 / de Mme Monique T..., demeurant ..., 57157 Marly,
16 / de Mme Martine U..., demeurant ...,
17 / de M. Jean-Marie V..., demeurant ...,
18 / de Mme Lucienne XY..., demeurant ...,
19 / de Mme Roberte XZ..., demeurant anciennement ... et actuellement ...,
20 / de Mme Nathalie XC..., demeurant ...,
21 / de M. André XD..., demeurant ...,
22 / de Mme Murielle XN..., divorcée XE..., demeurant anciennement place de la Gare, 57120 Rombas et actuellement 8, rue des Ponts, 57300 Mondelange,
23 / de Mme Nicole XF..., ayant demeuré ..., 57157 Marly, décédée en cours d'instance, ayant pour unique héritier M. XF..., demeurant ...,
24 / de Mme Marie-Anne XJ..., demeurant ...,
25 / de Mme Carole YC..., demeurant ...,
26 / de Mme Béatrice YD..., demeurant ...,
27 / de M. Jean-Denis YE..., demeurant anciennement ... et actuellement ...,
28 / de Mme Monique XM..., demeurant Les Chenevières, 57420 Secourt,
29 / de Mme Q... Planque, demeurant ...,
30 / de Mme Evelyne YX..., demeurant ...,
31 / de M. Lucien YA..., demeurant ...,
32 / de Mme Andrée YB..., demeurant ...,
33 / de Mme Chantal XH..., demeurant ...,
34 / de Mme Eliane B..., demeurant ...,
35 / de Mme Nadine XK..., demeurant 2, place d'Alma, 57600 Forbach,
36 / de Mme Marie-Thérèse L..., demeurant ...,
37 / de Mme Anne-Catherine XI..., dont le dernier domicile connu est ...,
38 / de Mme Véronique XL..., demeurant ...,
39 / de Mme Maryvonne YZ..., décédée, dont le dernier domicile connu est ...,
40 / de M. Jean-Louis YG..., demeurant ...,
41 / de M. Roland XA..., demeurant ...,
42 / de Mme Martine M..., demeurant ...,
43 / de Mme Martine XP..., demeurant ...,
44 / de M. Norbert XT..., demeurant ...,
45 / de Mme Geneviève XG..., demeurant ...,
46 / de M. Rober J..., demeurant ...,
47 / de Mme Doris C..., demeurant ...,
48 / de Mme Mireille XR..., demeurant ...,
49 / de Mme Christiane YH..., demeurant ...,
50 / de Mme Marie-France XO..., demeurant ...,
51 / de Mme Doris XU..., demeurant ...,
52 / de Mme Isabelle XH..., demeurant ...,
53 / de Mme Chantal XB..., demeurant ...,
54 / de Mme Nathalie XS..., demeurant ...,
55 / de Mme Marie-Bernadette YY..., demeurant ...,
56 / de Mme Christiane I..., demeurant ...,
57 / de Mme Françoise XX..., demeurant ...,
58 / de Mme Marie-Josée A..., demeurant ...,
59 / de Mme Monique XW..., demeurant ...,
60 / de Mme Antoinette Z..., demeurant ...,
61 / de Mme Mathilde XV..., demeurant 22, place de l'Alma, 57600 Forbach,
62 / de Mme Bernadette YW..., demeurant ...,
63 / de Mme Mireille XQ..., demeurant ...,
64 / de Mme Marie-France J..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE DE l'URSSAF de Metz, dont le siège est ..., pour le pourvoi n S 93-43.972 ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 octobre 1995, où étaient présents : Mme Ridé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Desjardins, Finance, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Merlin, les observations de Me Foussard, avocat de M. le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Alsace et de M. le préfet de la région Lorraine, de Me de Nervo, avocat de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Alsace-Moselle et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, direction du service médical de la région de Strasbourg, de Me Brouchot, avocat de Mme B..., de Mme XK..., de Mme L..., de Mme XI..., de Mme XL... et de Mme YZ..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n s A 93-42.899 à 903, 920 à 941, 973 à 976, T 93-43.122, 169, 171, 180, 181, 184, 195, 202, 206, 423 à 441, 444, 447 à 464, 752, 753, 803, 972, Q 93-44.522, 859, S 93-45.030 à 033, 076 à 086, 177 à 191, 196, 316 à 320 et 426 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que, par accord du 28 mars 1953, signé par les représentants des diverses caisses de sécurité sociale et d'allocations familiales de la région de Strasbourg et des organisations syndicales FO, CFTC et CGT, une indemnité dite de "difficultés particulières" (IDP), justifiée par la complexité de l'application de la législation de sécurité sociale dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, a été allouée au personnel desdites caisses ;
que cet accord, agréé par le ministre de tutelle, dispose que la prime considérée, dont le versement est mensuel, "est calculée en prenant comme base la valeur du point fixée par la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale, avec les abattements de zone en vigueur, multipliée par douze" ;
qu'en raison des modifications apportées à la convention collective, par avenants des 10 juin 1963 et 17 avril 1974, en ce qui concerne le mode de calcul des salaires et la classification des emplois, et des répercussions qu'elles ont eues sur la valeur du point d'indice, les conseils d'administration des caisses ont décidé de maintenir l'IDP à la valeur qu'elle avait avant lesdites modifications ;
que l'indemnité qui a alors été versée aux salariés a correspondu successivement à 6 points, puis à 3,95 points d'indice des nouvelles grilles de salaires ;
que plusieurs années après, de nombreux salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour réclamer, d'une part, que l'IDP soit calculée sur la base de douze points d'indice et obtenir, en conséquence, un rappel d'indemnité, et, d'autre part, que cette indemnité soit intégrée dans le calcul de la gratification annuelle, prévue à l'article 21 de la convention collective ;
Sur l'application de l'article 85 de la loi n 94-43 du 18 janvier 1994 :
Attendu que certains défendeurs aux pourvois prétendent que l'article 85 de la loi du 18 janvier 1994 ne peut être invoqué devant la Cour de Cassation, que d'autres défendeurs aux pourvois soutiennent que ce texte serait contraire aux articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux motifs qu'un procès équitable implique "l'égalité des armes", chaque partie devant avoir des chances égales de présenter sa cause et aucune ne devant bénéficier d'un avantage substantiel sur son adversaire et que lorsqu'un tribunal est saisi d'un litige qui oppose un individu à l'Etat à propos de droits et d'obligations de caractère civil, le législateur ne peut intervenir pour résoudre ce conflit spécifique et empêcher les tribunaux d'exercer effectivement leurs fonctions, en l'occurence de statuer sur des actions civiles intentées contre des organismes dont l'Etat assure la tutelle ;
Attendu, cependant, que l'article 85 de la loi n 94-43 du 18 janvier 1994, qui a pour but de suppléer, en l'absence d'accord des parties, à la disparition d'un indice de référence, et de permettre ainsi le calcul du montant d'une prime, est applicable aux instances en cours, y compris celles pendantes devant la Cour de Cassation ;
que ce texte, de nature législative, dont les parties ont pu discuter de l'application, ne constitue pas une intervention de l'Etat dans une procédure l'opposant à des particuliers ;
qu'il ne remet pas en cause les décisions de justice irrévocables et a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ;
D'où il suit que ce texte, qui n'est pas contraire aux dispositions des articles 6-1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être appliqué ;
Sur le moyen relevé d'office après avis aux parties :
Vu l'article 85 de la loi n 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale ;
Attendu que pour décider que le montant de l'indemnité dite de difficultés particulières doit être calculé sur la base des 12 points prévus au protocole d'accord du 28 mars 1953 et que la valeur du point doit être celle retenue pour le calcul des salaires par les accords collectifs en vigueur, la cour d'appel énonce qu'aucune disposition contractuelle ne subordonne le maintien de l'indice choisi à celui de la classification en vigueur au moment de l'accord et que ce serait ajouter aux termes de l'accord, parfaitement clair et précis, et le dénaturer que de décider le contraire ;
qu'elle ajoute que l'accord litigieux n'exclut pas que soient prises en compte les modifications de la valeur du point résultant de la réorganisation indiciaire et que dès lors la valeur du point résultant des avenants des 10 juin 1963 et 17 avril 1974 doit être retenue pour le calcul de l'IDP ; qu'elle retient, encore, que les nouveaux modes de calcul de l'IDP adoptés à la suite des changements de classification intervenus en 1963 et 1974 n'ont pas fait l'objet d'un accord de tous les signataires du protocole du 28 mars 1953 et que l'indice conventionnel demeurant applicable, il n'y a pas lieu de rechercher l'existence d'un usage ;
qu'elle relève enfin que l'accord du 28 mars 1953 constitue une convention collective qui ne peut être remise en cause que par voie de révision ou de dénonciation, ce qui n'a pas été le cas ;
Attendu, cependant, que l'article 85 de la loi n 94-43 du 18 janvier 1994 fixe le montant de l'indemnité dite de difficultés particulières, pour chaque période de versement, à 3,95 fois la valeur du point découlant de l'application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ;
que les arrêts attaqués, en ce qu'ils adoptent un mode de calcul du montant de cette indemnité différent de celui prévu par le texte susvisé, doivent être annulés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
ANNULE, mais uniquement dans leurs dispositions décidant que le montant de l'indemnité dite de difficultés particulières doit être calculé sur la base de 12 points, la valeur du point étant celle retenue pour le calcul des salaires par les accords collectifs actuellement en vigueur, les arrêts rendus les 19, 20 et 21 avril 1993 par la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que le montant de l'IDP doit être fixé à chaque période de versement à 3,95 fois la valeur du point découlant de l'application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ;
Déboute les salariés de leur demande contraire ;
Condamne les défendeurs, envers les demandeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Metz, en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du cinq décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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