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05/12/1995 | FRANCE | N°93-17793

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 décembre 1995, 93-17793


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire, par un jugement du 17 août 1989, des sociétés Astradem et Fret transports déménagements, ainsi que de Mme X..., le juge-commissaire a ordonné, le 10 octobre 1989, la cession de l'ensemble des fonds de commerce des débitrices, en ce compris des licences de transport et les véhicules, à la société Spécialiste du transport routier AVS (société AVS), celle-ci étant autorisée par l'ordonnance à prendre possession immédiate des fonds de commerce ; que le prix de cession a été fixé par le juge-commissa

ire à la somme de 200 000 francs sous réserve d'abattements, prévus par...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire, par un jugement du 17 août 1989, des sociétés Astradem et Fret transports déménagements, ainsi que de Mme X..., le juge-commissaire a ordonné, le 10 octobre 1989, la cession de l'ensemble des fonds de commerce des débitrices, en ce compris des licences de transport et les véhicules, à la société Spécialiste du transport routier AVS (société AVS), celle-ci étant autorisée par l'ordonnance à prendre possession immédiate des fonds de commerce ; que le prix de cession a été fixé par le juge-commissaire à la somme de 200 000 francs sous réserve d'abattements, prévus par l'ordonnance, au cas où un véhicule de marque Mercédès, retenu par un garagiste, et deux licences de transport, restituées à leur précédent titulaire, ne pourraient être cédés ; que M. Y..., notaire, requis par le liquidateur de rédiger les actes de réalisation de la cession, s'est abstenu de prêter son concours ; que la société AVS ayant été mise en redressement judiciaire le 19 décembre 1990 sans avoir payé le prix de cession, le liquidateur, prétendant que la carence du notaire l'avait privé de la chance de céder au prix de 200 000 francs " l'ensemble du patrimoine en cause ", a assigné le notaire en réparation de ce préjudice ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une faute n'est génératrice d'un préjudice que si elle constitue une condition nécessaire à sa réalisation ; que la prétendue faute du notaire, qui aurait omis de procéder à la régularisation d'un acte de cession de fonds de commerce, ne peut constituer une condition nécessaire à la réalisation du dommage résultant de l'absence de paiement du prix de cession par le cessionnaire, que s'il est établi qu'en l'absence de cette prétendue omission, le dommage ne se serait pas produit ; d'où il suit qu'en s'abstenant de rechercher si la faute du notaire avait été une condition nécessaire à la réalisation du dommage et si la carence du représentant des cédants, qui avait omis de réclamer au cessionnaire le paiement de leur créance et de la déclarer au passif du cessionnaire, n'avait pas seule causé le dommage et ne constituait pas une cause suffisante de ce dernier, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'acte de cession d'un fonds de commerce n'est soumis à aucune condition de forme ; qu'en l'absence de régularisation par acte authentique ou acte sous seing privé d'une cession de fonds de commerce, il est loisible au cédant de prouver, conformément aux règles de preuve applicables, l'existence de sa créance ; d'où il suit qu'en affirmant que le mandataire-liquidateur des cédants ne pouvait, faute de titre, déclarer au passif de la société cessionnaire la créance résultant de la cession, la cour d'appel a subordonné la validité de la cession à la réalisation d'un écrit et violé par fausse interprétation la loi du 29 juin 1935 ; alors, en outre, qu'une cession de fonds de commerce en vue de son exploitation, à une société exerçant une activité de transport routier, constitue un acte de commerce pouvant être prouvé par tout moyen à l'égard du cessionnaire ; qu'en énonçant que le représentant des cédants ne pouvait, faute de titre, déclarer au passif de la société cessionnaire, la créance résultant de la cession, bien que le cessionnaire qui exerçait une activité de transport routier avait pris possession du fonds et que la preuve de cette cession pouvait être rapportée par tout moyen, la cour d'appel a violé l'article 109 du Code de commerce ; et alors, enfin, que le créancier d'un débiteur ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire doit déclarer sa créance au représentant des créanciers même si elle n'est pas établie par un titre ; qu'en jugeant que le mandataire-liquidateur des cédants ne pouvait, faute de titre, déclarer au passif du cessionnaire, la créance résultant de la cession du fonds de commerce, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la décision du juge-commissaire, rendue sur le fondement des articles 155 ou 156 de la loi du 25 janvier 1985 pour ordonner, soit la cession globale d'une unité de production, soit la cession de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier d'un débiteur en liquidation judiciaire ne vaut pas vente par elle-même ; que la cession ainsi ordonnée n'est réalisée que par les actes que doit passer le liquidateur après l'ordonnance, d'où il résulte que l'exigibilité du prix est subordonnée à l'établissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession ; que la cour d'appel a pu en déduire, en l'espèce, que le notaire, en s'abstenant, bien qu'il en eût été requis, de dresser ces actes, avait commis une faute à l'origine de la perte de la chance éprouvée par le liquidateur de percevoir le prix de cession avant la mise en redressement judiciaire de l'acquéreur ; qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant tiré de l'impossibilité de la déclaration de la créance au passif du cessionnaire en l'absence de titre, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance ne peut être égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté, qui est aléatoire ;

Attendu que, pour fixer à la somme de 200 000 francs le montant du préjudice, l'arrêt, par motifs adoptés, retient qu'en ne régularisant pas l'acte de cession, M. Y... a privé la liquidation judiciaire de la perte de chance de vendre, dans les conditions prévues à l'ordonnance du juge-commissaire, l'ensemble du patrimoine cédé à la société AVS ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir également relevé que le notaire " devait... établir un acte de cession au prix minimum de 120 000 francs " , alors que, s'agissant de réparer un préjudice résultant de la perte d'une chance, le montant des dommages-intérêts ne pouvait être que d'une fraction du gain espéré, qui dépendait de la probabilité de réaliser la cession au prix de 200 000 francs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 200 000 francs le montant de la condamnation aux dommages-intérêts prononcée contre M. Y..., l'arrêt rendu le 8 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-17793
Date de la décision : 05/12/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Liquidation judiciaire - Actif - Cession - Cession de fonds de commerce ordonnée par le juge-commissaire - Non-établissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession - Exigibilité du prix (non) .

La décision du juge-commissaire rendue sur le fondement des articles 155 ou 156 de la loi du 25 janvier 1985 pour ordonner soit la cession globale d'une unité de production, soit la cession de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier d'un débiteur en liquidation judiciaire ne vaut pas vente par elle-même. La cession ainsi ordonnée n'est réalisée que par les actes que doit passer le liquidateur après l'ordonnance. En conséquence, l'exigibilité du prix est subordonnée à l'établissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession.


Références :

Code civil 1382
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 155, art. 156

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 08 juin 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 déc. 1995, pourvoi n°93-17793, Bull. civ. 1995 IV N° 279 p. 258
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 279 p. 258

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.17793
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