AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Patrick, contre l'arrêt n 586 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de TOULOUSE, du 10 août 1995, qui, dans l'information suivie contre lui pour tentative d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention pour une durée d'un an ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, 512 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué, que les débats se sont déroulés le 8 août 1995, que l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu le 10 août 1995, qu'à ce jour, la décision a été prononcée et que l'arrêt est daté du 8 août 1995 et déclaré prononcé au jour susdit ;
"alors que tout arrêt doit être exempt de contradiction concernant la date à laquelle il a été rendu ;
qu'en l'espèce, la constatation de deux dates différentes relatives à la date à laquelle la décision a été prononcée ne permet pas à la Cour de Cassation, au vu de ces mentions contradictoires, de s'assurer de la régularité de la date à laquelle la décision a été effectivement rendue, de sorte que l'arrêt n'est pas légalement justifié" ;
Attendu que l'irrégularité alléguée, résultant des mentions contradictoires de cette décision, dès lors qu'elle n'a pas été de nature à faire obstacle à la recevabilité du pourvoi, n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvergarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt que l'avocat de la personne mise en examen a présenté ses moyens avant le réprésentant du ministère public ;
"alors que le respect des droits de la défense, comme le principe du procès équitable imposent que l'accusation prenne la parole avant la défense lors de tout débat pénal qui se conclut par une décision ;
que cet ordre est d'ailleurs prescrit par les dispositions mêmes de l'article 199 du Code de procédure pénale et qu'il ne peut y être supppléé par la circonstance selon laquelle la parole a, de nouveau été donnée à la défense en dernier" ;
Attendu que, si l'arrêt attaqué mentionne que l'avocat de Patrick X... a été entendu à l'audience de la chambre d'accusation, en ses observations sommaires, avant le ministère public, il précise que Patrick X... a eu la parole le dernier ;
Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation, qui n'a pas méconnu les dispositions de l'article 199 du Code de procédure pénale, n'a pas encourue le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 144 et 593 du Code de procédure pénale, 5 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a rejeté la demande de mise en liberté présentée par Patrick Y... ;
"aux motifs que, s'agissant d'une procédure criminelle, le placement en détention était possible, qu'il fallait prévenir tous risques de pression sur les témoins et les victimes, qu'en l'absence de témoin, seule la version de la victime pouvait être opposée à celle de la personne mise en examen ;
que s'agissant en outre d'un fait de nature criminelle, le désistement de la partie civile était inopérant et que dès lors, le délai raisonnable prévu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a pas été dépassée dans cette procédure en voie d'achèvement ;
que par ailleurs, les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes pour les nécessités de l'information ; qu'en conséquence, la détention provisoire est l'unique moyen d'empêcher une pression sur les témoins ;
"alors que d'une part, en se bornant, pour rejeter la demande de mise en liberté de Patrick Y... à énoncer des motifs relatifs à la nécessité de son maintien en détention, au regard des dispositions de l'article 144 du Code de procédure pénale, sans motiver sa décision quant au caractère raisonnable de la durée de cette détention, moyen dont elle était régulièrement saisie, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
"alors que d'autre part, la chambre d'accusation, après avoir relevé qu'aucun témoin n'avait vu les faits criminels, que seule la victime pouvait s'opposer à la version de la personne mise en examen et avoir constaté que cette victime s'était elle-même désistée de sa plainte avec constitution de partie civile au cours de la détention de Patrick Bordères qui dure depuis plus de deux années, n'a pu sans se contredire, confirmer l'ordonnance de maintien en détention en affirmant que, seul le risque de pression sur la victime et les témoins justifie le maintien en détention ;
que par ces énonciations contradictoires, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié tant au regard de l'article 144 du Code de procédure pénale que de l'article 5 3 de la Convention européenne précitée" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant la détention provisoire de Patrick Y..., placé sous mandat de dépôt le 28 juillet 1993 pour tentative d'assassinat, la chambre d'accusation retient qu'en l'absence de témoin, seule la version de la victime peut être opposée à celle de la personne mise en examen ;
qu'en raison de la nature des faits il n'importe que la victime -indemnisée selon l'inculpé- se soit désistée de sa constitution de partie civile et que, dès lors, le délai raisonnable prévu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été dépassé dans cette procédure en voie d'achèvement ;
que les juges ajoutent que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes pour les nécessités de l'information et qu'en conséquence la détention provisoire est l'unique moyen d'empêcher une pression sur la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, s'est prononcée par des considérations de droit et de fait dans les conditions prévues par les articles 144 et 145 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Simon conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Farge conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire, M. Le Foyer de Costil avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;