AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Korzilius, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 27 février 1992 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de M. André X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 octobre 1995, où étaient présents : Mme Ridé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Merlin, conseiller rapporteur, M. Desjardins, conseiller, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Merlin, les observations de Me Cossa, avocat de la société Korzilius, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé le 18 février 1980, en qualité de chauffeur-livreur, par la société Korzilius, a été en arrêt de travail pour maladie du 6 juin au 13 juillet 1989 puis à partir du 7 août 1989 ; que l'employeur, par lettre du 15 septembre 1989, lui a demandé de reprendre son travail le 25 septembre 1989 en invoquant les dispositions de l'article 48 de la convention collective nationale des commerces de gros ; que le salarié n'ayant pas repris son travail, l'employeur lui a notifié son licenciement en application de la disposition précitée de la convention collective applicable, en invoquant la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le texte conventionnel aménage au bénéfice des salariés un dispositif protecteur leur garantissant le maintien de leur contrat en cas de maladie pendant des durées variables en fonction de l'ancienneté ;
que cette garantie de maintien du contrat est fixé à trois mois en cas de "remplacement définitif du salarié absent" ;
qu'en s'abstenant de rechercher si, comme l'invoquait l'employeur, le salarié avait bien été remplacé définitivement au poste occupé par lui et si, en conséquence, la condition apportée par la convention était bien réalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-4 du Code du travail et 48-2 de la convention collective citée ; alors, en outre, que la garantie du maintien du contrat conventionnellement aménagée subordonne la fixation du délai de trois mois à la constatation de la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade ; qu'en ajoutant à cette condition, pour caractériser la légitimité du licenciement, l'exigence d'une démonstration par l'employeur de ce que l'absence d'un salarié entraînait non seulement la "désorganisation du service" mais aussi celle du fonctionnement de l'entreprise", la cour d'appel a, par adjonction et fausse application, dénaturé le texte conventionnel, violant ainsi les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 48-2 de la convention collective nationale des commerces de gros que les périodes de garantie d'emploi, en cas d'absence pour maladie ou accident, sont réduites à trois mois sans distinction d'ancienneté lorsque le remplacement définitif du salarié absent s'impose ;
que la cour d'appel ayant constaté, d'une part, que l'employeur s'était prévalu de ce texte pour licencier le salarié, et, d'autre part, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité de préavis et une indemnité de congés payés afférents au préavis, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, se borne à énoncer que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'ensemble des indemnités de rupture est dû, notamment celles de préavis et de congés payés afférents ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenaient que ces indemnités n'étaient pas dues car le salarié était dans l'incapacité d'exécuter son préavis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de congés payés afférents au préavis, l'arrêt rendu le 27 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Colmar, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par Mme le président en son audience publique du vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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