AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Chantal, partie civile, contre l'arrêt n 20/94 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de VERSAILLES, du 5 janvier 1994, qui, dans la procédure suivie contre Claude X..., pour non-représentation d'enfants, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 183, 186 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, manque de base légale, défaut de motifs, ensemble de violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel de l'ordonnance de non-lieu rendue le 23 septembre 1993 ;
"aux motifs que l'ordonnance a été notifiée le 27 septembre 1993 et que l'appel a été interjeté le 8 octobre 1993, hors délai ;
"alors que les décisions du juge d'instruction qui sont susceptibles de faire l'objet de voies de recours de la part de la partie civile sont notifiées à cette dernière et à son conseil dans les délais les plus brefs, simultanément, soit verbalement avec émargement au dossier de la procédure, soit par lettre recommandée ; qu'une copie de l'acte est remise aux intéressés ;
que mention est portée au dossier par le greffe de la nature et de la date de ces diligences ainsi que des formes utilisées ;
qu'en l'espèce, en dehors de simples récépissés postaux qui ne sauraient faire la preuve de la nature de la communication à laquelle ils se rapportent, et d'une simple indication sur la déclaration d'appel "ordonnance notifiée le 4 octobre 1993", qui ne précisait ni la forme de cette notification, ni son ou ses destinataires, ni si une copie de l'ordonnance avait été remise, il ne figure au dossier aucune mention signée par le greffier constatant que l'ordonnance de non-lieu prise par le juge d'instruction ait été portée à la connaissance de Chantal Y..., partie civile, et à son conseil, ni sous quelle forme, ni que copie de cette ordonnance leur ait été remise ;
qu'ainsi le délai d'appel n'avait pu commencer à courir, ou à tout le moins, qu'il n'avait commencé à courir que le 4 octobre 1993 ; qu'en jugeant néanmoins l'appel irrecevable comme hors délai, sans avoir pu vérifier la réalité des formalités requises en l'absence de la mention prescrite à ce sujet, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci- dessus rappelés" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'alinéa 2 de l'article 183 du Code de procédure pénale, les décisions du juge d'instruction, qui sont susceptibles de voies de recours de la part de la partie civile, sont notifiés à cette dernière dans les délais les plus brefs, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée, et que dans tous les cas, une copie de l'acte lui est remise ;
que l'alinéa 6 du même texte édicte que mention est portée au dossier par le greffier de la nature et de la date de la diligence, ainsi que des formes utilisées ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel relevé le 8 octobre 1993 par Chantal Y..., partie civile, de l'ordonnance de non-lieu rendue le 23 septembre 1993, la chambre d'accusation se borne à énoncer qu'elle lui a été notifiée par lettre recommandée le 27 septembre 1993 et que l'appel a été formé hors délai ;
Mais attendu qu'en tenant pour établi l'envoi à la partie civile d'une lettre recommandée qui aurait fait courir le délai d'appel, alors qu'il appert des pièces de la procédure qu'aucune mention relative à une telle notification n'a été portée au dossier, les juges du second degré, se fondant sur un récépissé postal, et sans avoir pu vérifier la réalité de la formalité requise en l'absence de la mention prescrite à ce sujet, ont méconnus les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles en date du 5 janvier 1994, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Milleville, Guerder, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chevallier, M. Farge conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;