AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocst en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- de D... Patrice,
- ANTON C..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de DIJON, du 21 juin 1995, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de la COTE-D'OR, le premier sous l'accusation de recels aggravés et le second pour le délit connexe de recel ;
- de E... Laure,
- GRELLET des PRADES de A... Jacqueline,
parties civiles, contre le même arrêt qui a déclaré irrecevable leur appel d'une ordonnance de non-lieu partiel du juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
I- Sur le pourvoi des parties civiles :
Vu l'article 575, alinéa 2-2 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 181, 197, 198, 199, 202, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel formé le 17 février 1995 par Laure De E... et par Mme B... de Fleurelle, veuve de Moucheron, et dit que l'ordonnance de non-lieu à suivre du chef de complicité contrs Patrice De D... et Antoine De Z... était définitive ;
"aux motifs que, sur l'appel des consorts De E... ;
ce recours est irrecevable parce qu'il frappe une ordonnance de non-lieu expresse et non implicite qui n'avait pas à être notifiée au comte Gilles De E..., puisqu'à la date à laquelle elle a été rendue, il n'était pas encore constitué partie civile ;
les héritières de la victime ne sauraient dès lors critiquer une décision intervenue à une époque où leur auteur n'était pas partie à la procédure et qui est devenue définitive ;
1) "alors qu'en matière criminelle, la chambre d'accusation a le devoir de statuer sur tous les chefs de poursuite compris dans l'inculpation ou la notification des charges, même ceux ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu partiel rendue par le magistrat instructeur ;
qu'en jugeant qu'en l'absence d'appel régulièrement formé contre l'ordonnance de non-lieu partiel du juge d'instruction, cette ordonnance était définitive et ne permettait pas à la juridiction du second degré de statuer sur les faits ayant fait l'objet de ce non-lieu, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
2) "alors que la constitution de partie civile est recevable à tout moment de l'instruction, y compris pour la première fois devant la chambre d'accusation ; que cette constitution prend la forme d'une simple intervention ;
qu'en l'espèce, les demanderesses, tout en ayant relevé appel de l'ordonnance de non-lieu partiel du 24 juin 1991, avaient déposé des conclusions aux fins de constitution de partie civile devant la chambre d'accusation ;
qu'en se bornant à déclarer irrecevable leur appel, sans examiner la recevabilité de leur constitution de partie civile, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que la chambre d'accusation a, à bon droit, déclaré irrecevable l'appel interjeté par les parties civiles d'une ordonnance du juge d'instruction portant non-lieu partiel ;
que, d'une part, l'arrêt attaqué n'a pas déclaré irrecevable la constitution de partie civile des héritières de Gilles de E... mais seulement leur appel, interjeté le 17 février 1995, d'une ordonnance rendue le 24 juin 1991, à une époque où, ni elles, ni leur auteur n'étaient parties à la procédure ; que, d'autre part, la faculté qui est offerte à la chambre d'accusation, par l'article 202 du Code de procédure pénale, de retenir d'office des infractions écartées par une ordonnance de non-lieu partiel du juge d'instruction est laissée à sa discrétion ;
Que, dés lors, le moyen proposé est inopérant ;
II- Sur le pourvoi des personnes mises en examen :
Sur le premier moyen de cassation, présenté en faveur de Jean-Claude X..., pris de la violation des articles 6, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de prescription soulevée par Jean- Claude X..., a prononcé sa mise en accusation du chef de recel d'armes anciennes, frauduleusement soustraites dans la château de Commarin, le 14 juin 1983 ;
"aux motifs que du 1er août 1984 au 27 février 1989, de nombreux actes d'instruction avaient été accomplis ;
que M. G... avait notamment été interrogé le 12 juin 1987 par le magistrat instructeur au sujet des vols qui lui étaient reprochés ;
que les actes interruptifs de prescription de l'action publique développaient leurs effets à l'égard de toutes les personnes pouvant être concernées par la procédure ;
"alors que l'effet interruptif de prescription ne se produit qu'à l'égard des auteurs d'un délit connexe à l'infraction pour laquelle l'acte d'instruction a été diligenté ;
que la chambre d'accusation aurait dû rechercher si les actes d'instruction auxquels elle faisait référence et notamment, l'interrogatoire de M. G..., qui avait participé à tous les vols poursuivis, concernaient l'infraction commise au château de Commarin, la seule concernant Jean-Claude X..." ;
Attendu que pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique présentée par Jean- Claude X..., l'arrêt attaqué se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, lorsque des infractions sont connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a le même effet à l'égard des autres ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, présenté en faveur de Patrice De D..., pris de la violation des articles 311-4, 311-9, 321-1, 321-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Patrice De D... du chef de recel d'objets d'art provenant de vols commis à l'aide d'effraction ou d'escalade par une bande organisée ;
"aux motifs qu'Antoine de Z... avait déclaré avoir averti Patrice De D... de l'origine frauduleuse de certains objets ;
que Patrice De D... avait déclaré savoir qu'Antoine de Z... travaillait avec une bande de cambrioleurs, lui ayant demandé si ce n'était pas cette bande qui avait opéré à Tal-Moor, nom du château des parents de son ami M. F... ;
"alors que le recel d'objets provenant de vols aggravés n'est constitué que si la personne poursuivie a eu connaissance des circonstances aggravantes ayant accompagné le vol ;
qu'à la supposer établie, la simple connaissance par Patrice de D... de l'existence d'un vol commis en réunion au château de Tal-Moor, non visé par les poursuites, ne démontrait pas sa connaissance que les meubles qu'il avait acquis provenaient de vols commis à l'aide d'effraction ou d'escalade par la même bande organisée" ;
Attendu que, pour renvoyer Patrice de D... devant la cour d'assises sous l'accusation de recels aggravés, l'arrêt attaqué, après avoir exposé et analysé les faits, énonce que ce collectionneur et amateur d'art averti aurait acheté à des prix avantageux et sans facture des oeuvres de grande valeur, payées en espèces ; que les juges ajoutent qu'il a reconnu avoir acquis d'Antoine de Z... des pièces qu'il savait provenir de vols et qu'il n'ignorait pas que ce dernier était en relation avec une bande organisée de malfaiteurs, Antoine de Z... ayant de son côté déclaré, au cours de l'instruction, que Patrice de D... avait eu connaissance de la provenance des meubles et objets d'art qu'il lui vendait ;
Attendu qu'en cet état, les juges, qui ont répondu comme ils le devaient aux articulations essentielles du mémoire dont ils étaient saisis, ont relevé l'existence de charges suffisantes contre l'intéressé pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation, statuant sur les charges de culpabilité, apprécient souverainement, au point de vue du fait, tous les éléments constitutifs des infractions et les circonstances qui les aggravent, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si la qualification retenue justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ;
qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle Patrice de D... et Jean-Claude X... ont été renvoyés ;
que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation , sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Le Gall conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Massé, Fabre, Mmes Baillot, Chevallier, M. Farge conseillers de la chambre, MM. Nivôse, Poisot conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;