AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean X..., en cassation d'un arrêt rendu le 13 janvier 1993 par la cour d'appel de Pau (1ère chambre), au profit de Mme Josette Y..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 juillet 1995, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Renard-Payen, Lemontey, Chartier, Gélineau-Larrivet, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de Me Baraduc-Bénabent, avocat de Mme Y..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par jugement du 3 juillet 1986 devenu irrévocable, le tribunal de grande instance de Pau a prononcé le divorce des époux X.../Y..., mariés en 1964 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ;
que le notaire liquidateur a dressé deux procès-verbaux de difficultés, l'un en 1987 et l'autre en 1989 ;
que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande de réévaluation des immeubles communs, dit que le solde du compte au Crédit Lyonnais était un bien propre de Mme Y..., indiqué que celle-ci avait droit à la reprise de la somme de 40 208,16 francs provenant de la vente de l'un de ses propres, et débouté M. X... de sa demande de reprise de la somme de 53 816 francs que lui auraient remise ses parents ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le solde du compte au Crédit Lyonnais était un bien propre de Mme Y..., alors, selon le moyen, d'une part, que si les pensions incessibles ont par elles-mêmes la nature de propres, il n'en est pas nécessairement ainsi de leurs arrérages lorsque ceux-ci ont pour objet de compenser une perte de revenus ;
qu'en s'abstenant de rechercher la finalité du versement des arrérages d'une pension d'invalidité, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1404 du Code civil ;
et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que les arrérages de cette pension, fussent-ils des revenus de propre, tombent en communauté dès lors qu'ils sont économisés, de telle sorte que la cour d'appel a violé les articles 1403, alinéa 2, 1404 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'allocation d'une pension d'invalidité n'est pas destinée à compenser une perte de revenus, mais à réparer le préjudice résultant d'une atteinte à l'intégrité physique d'une personne, de telle sorte que cette pension présente un caractère exclusivement personnel et constitue un bien propre par nature ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a souverainement constaté que Mme Y... démontrait, par la production d'extraits de compte et d'attestations bancaires, qu'elle n'avait réalisé aucune économie sur les fonds versés au titre de sa pension d'invalidité ;
D'où il suit que le moyen qui n'est pas fondé en sa première branche manque en fait en la seconde ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande de reprise d'une somme de 53 816 francs que lui auraient remise ses parents en vue de l'équipement de son cabinet dentaire, alors, selon le moyen que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les pièces justificatives versées aux débats en cause d'appel ;
Mais attendu que M. X... s'est borné à produire un bordereau, qui ne permet pas de vérifier si des pièces nouvelles ont été communiquées en cause d'appel ;
Que le quatrième moyen ne peut davantage être retenu ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 832, alinéa 12 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de réévaluation de l'immeuble attribué préférentiellement à Mme Y..., l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'un jugement du 21 avril 1988, confirmé par arrêt du 31 mai 1989, avait donné acte aux parties de leur accord sur le prix proposé par l'expert commis, énonce "que cette demande de M. X... se heurte à l'autorité de chose jugée de ces décisions et n'est plus recevable" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée n'aurait pu être attachée à ce jugement, en ce qui concerne la valeur de l'immeuble litigieux, que s'il avait fixé la date de la jouissance divise, de telle sorte qu'en l'absence de cette précision, le bien était susceptible de réévaluation, l'accord des parties sur l'estimation de l'expert remontant à plusieurs années et n'ayant été donné qu'en fonction des circonstances de l'époque ;
d'où il suit que la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 1402 et 1468 du Code civil :
Attendu que, pour décider que Mme Y... avait droit à la reprise de la somme de 40 208,16 francs représentant le quart du prix de vente de l'un de ses biens propres, somme que celle-ci avait versée sur un compte épargne ouvert au nom de son mari, l'arrêt attaqué se borne à énoncer, par motifs adoptés, que l'origine propre des deniers n'est pas contestable ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, faute d'emploi ou de remploi, cette somme était tombée en communauté, de telle sorte qu'il y avait lieu à récompense, mais non à reprise, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en réévaluation de l'immeuble attribuée préférentiellement à Mme Y..., et en ce qu'il a autorisé celle-ci à effectuer la reprise d'une somme de 40 208,16 francs, l'arrêt rendu le 13 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
REJETTE en conséquence la demande de Mme Y... fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Mme Y..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Pau, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.