AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller BAILLOT, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 1994, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 227-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abandon de famille ;
"aux seuls motifs qu'en s'abstenant de tout versement pendant la période des poursuites, hormis un règlement ponctuel de 4 800 francs la veille d'une comparution devant la cour d'appel, Patrick Y..., qui dispose de moyens substantiels et de l'aide financière de sa famille, et qui a trouvé les moyens d'entretenir une nouvelle compagne et ses enfants, est volontairement demeuré pendant plus de 2 mois sans s'acquitter de l'obligation de régler la pension alimentaire qu'il devait verser à Mme X... pour ses enfants ;
"alors que, d'une part, en matière d'abandon de famille, le prévenu qui apporte la preuve de son insolvabilité doit échapper à la répression ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a refusé de tenir compte des difficultés financières du demandeur qui ne perçoit qu'un salaire de 5 113,50 francs après saisie sur sa rémunération (3 000 francs) et prélèvement de ses revenus fonciers ;
que la cour d'appel qui se borne à constater que le demandeur a une nouvelle compagne et deux enfants à charge, n'a relevé aucun motif propre à caractériser la volonté frauduleuse du demandeur ;
qu'elle a ainsi omis de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, que la Cour a omis de répondre aux conclusions d'appel du demandeur soulignant que Mme X... n'a fourni aucune justification concernant l'évaluation de ses ressources ;
que celle-ci a mis tout en oeuvre pour priver Patrick Y... de ses biens et ressources afin de le mettre dans l'impossibilité de faire face au paiement de la pension alimentaire ;
que, de plus, Mme X... ne s'est pas acquittée pendant deux ans de l'indemnité d'occupation mise à sa charge par ordonnance du 10 septembre 1992 effectuant elle-même une compensation sur la moitié de la pension due pour ses enfants ;
qu'ainsi, le non-paiement de l'intégralité de la pension à laquelle il a été condamné est indépendant de sa volonté" ;
Attendu que Patrick Y... est poursuivi pour être, du 19 novembre 1993 au 14 juin 1994, volontairement demeuré plus de 2 mois sans s'acquitter de la pension alimentaire ou des subsides qu'il avait été condamné à verser à Mme X..., par décision du tribunal de grande instance de Lisieux en date du 24 mars 1993 ;
Attendu que, pour rejeter ses conclusions invoquant l'insuffisance de ses ressources, l'arrêt attaqué énonce, outre le motif repris au moyen, "qu'il disposait d'un salaire net mensuel de 8 513 francs, de revenus fonciers bruts de 7 000 francs et qu'il était logé gratuitement, qu'il fait état de saisies-arrêts sur son salaire mais que les seuls bulletins de salaires qu'il a produits devant la Cour ne portent pas mention de ces saisies" ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre l'appelant dans le détail de son argumentation, n'encourt pas les griefs allégués, dès lors qu'elle constate qu'il ne rapportait pas la preuve d'avoir été dans l'impossibilité de faire face à ses obligations et que le défaut de paiement qui lui est reproché est volontaire ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Baillot conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Massé, Fabre, M. Le Gall, Mme Simon, M. Farge conseillers de la chambre, MM. Nivôse, Poisot conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;