AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... François, contre l'arrêt de cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, du 21 octobre 1994, qui, pour stationnement irrégulier d'une caravane, l'a condamné à 4 000 francs d'amende ;
Vu mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 146-l, L. 146-6, R. 443-9 et R.
443-9-1 du Code de l'urbanisme, 111-4 du nouveau Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré François Y... coupable d'infraction aux dispositions du plan d'occupation des sols de Longeville-sur-Mer et à celles de la loi n 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, pour avoir stationné une caravane sur un terrain lui appartenant en méconnaissance de ces dispositons ;
"aux motifs que le terrain sur lequel a été constaté le stationnement de caravane est situé dans une zone de protection de l'environnement au sens des dispositions des articles L. 146-4 à L. 146-9 du Code de l'urbanisme ;
que la forêt de Longeville-sur-Mer, où se trouve situé le terrain en cause, constitue l'un des massifs les plus importants du littoral régional ;
que c'est dès lors à bon droit que le POS a interdit dans la zone concernée, classée NDe L. 146-6, tout stationnement de caravane quelle qu'en soit la durée ;
que cette interdiction est conforme à l'article L. 146-6 et ne porte pas une atteinte irrégulière ou excessive au droit de propriété ;
que le classement de la zone considérée en catégorie NDe L. 146-6 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
que le prévenu ne précise pas en quoi résiderait la rupture du principe d'égalité qu'il invoque, aucune démonstration n'étant apportée du fait que certains terrains présentant des caractéristiques comparables au sien au regard de l'objectif poursuivi de protection de l'environement ne seraient pas soumis à l'interdiction de stationner une caravane ;
qu'il s'ensuit que l'exception d'illégalité soulevée par le prévenu doit être écartée ;
"alors que, d'une part, si les dispositons de la loi n 86-2 du 3 janvier 1986 dite "loi littoral" permettent d'interdire l'ouverture d'un terrain de camping ou de stationnement de caravanes, elles n'interdisent pas la pratique isolée du camping ou du caravaning, en particulier à son domicile ;
que, selon les dispositions des articles R. 443-9 et R. 443-9-1 du Code de l'urbanisme, le stationnement des caravanes pratiqué isolément est simplement interdit sur les rivages de la mer ou dans un site classé ou inscrit, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence, ou dans les bois, forêts et parcs classés par un plan d'occupation des sols comme espaces boisés à conserver ;
qu'il appartenait donc aux juges du fond de rechercher si le terrain de François Y... était situé dans une zone classée espace boisé à conserver, le simple constat que la forêt de Longeville-sur-Mer "constitue l'un des massifs les plus importants du littoral régional" étant insuffisant à cet égard ;
"alors que, d'autre part, les juges du fond devaient rechercer si la séparation de la forêt de Longeville-sur-Mer en deux zones distinctes, l'une classée NDr L. 146-6 constructible et l'autre classée NDe L. 146-6 où tout mode d'occupation du sol, notamment le stationnement d'une caravane, est interdit, n'était pas constitutive d'une rupture du principe d'égalité entre les propriétaires de parcelles situées dans cette forêt, entachant la légalité du plan d'occupation des sols" ;
Attendu qu'il ne ressort ni du jugement ni d'aucunes conclusions que le prévenu ait présenté avant toute défense au fond une exception prise de l'illégalité de l'interdiction de stationnement de caravane contenue dans le plan d'occupation des sols ;
Attendu que, si la cour d'appel a cru à tort devoir y répondre au lieu de lui opposer la forclusion édictée par l'article 386 du Code de procédure pénale, le moyen, qui, en sa seconde branche, reprend ladite exception et invoque, en outre, à l'appui de celle-ci, pour la première fois devant la Cour de Cassation, la violation de l'article R. 443-9-1 du Code de l'urbanisme, doit être déclarée irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Blin, Carlioz, Grapinet, Mme Chevallier conseillers de la chambre, Mmes X..., Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;