AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de A... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Joël, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 26 janvier 1995, qui, pour fraudes fiscales et omission d'écritures comptables, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 513, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que les débats se sont déroulés de la manière suivante : "La Cour a entendu : Mme le conseiller Algier en son rapport de l'affaire, le prévenu en son interrogatoire et ses moyens de défense, Me Y... en sa plaidoirie pour la partie civile, M. l'avocat général en ses réquisitions, Me Z... en sa plaidoirie pour le prévenu, le prévenu en ses dernières explications ;
"alors que les parties en cause d'appel sont entendues dans l'ordre prévu par l'article 460 du Code de procédure pénale, la demande de la partie civile et les réquisitions du ministère public devant être toujours présentées avant l'exposé des moyens de défense du prévenu ;
qu'en l'espèce, la défense du prévenu a été scindée, les mentions de l'arrêt établissant que le prévenu a été invité à présenter ses moyens de défense avant l'audition du représentant de l'administration fiscale et du ministère public de sorte que l'arrêt attaqué a porté atteinte aux intérêts de la défense et a violé les textes précités" ;
Attendu que s'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Joël X..., appelant, a présenté sa défense avant le ministère public, en méconnaissance de l'ordre de parole alors prévu par l'article 513 du Code de procédure pénale, il est également précisé que le prévenu a eu la parole en dernier ;
Qu'en cet état, et dès lors qu'en application du texte précité, en sa rédaction issue de la loi du 8 février 1995, il est désormais prévu que le prévenu appelant est entendu, une première fois, en sa demande avant les autres parties, puis en dernier lieu après le ministère public, l'irrégularité commise n'a pas été de nature à porter atteinte aux intérêts du demandeur ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 228 et suivants du Livre des procédures fiscales, 388, 485, 593, 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joël X... coupable de fraude fiscale et d'omission volontaire de passer ou de faire passer des écritures comptables au livre-journal ainsi qu'au livre d'inventaire au cours des années 1988 et 1989, le condamnant à la peine d'un an d'emprisonnement, dont neuf mois avec sursis, et ajoutant, sur l'action civile, que la demande de solidarité de l'Administration en vertu de l'article 1745 du Code général des impôts est bien fondée ;
"aux motifs que l'enquête a permis d'établir que pour les exercices 1988 et 1989, il n'a pas été établi des brouillards de caisse et que des factures fournisseurs ou clients n'ont pas été comptabilisées ; que la déclaration de résultats de la SMR relative à l'exercice clos le 31 mai 1988 n'a été déposée que le 21 août 1989, et que celle concernant l'exercice clos le 31 mai 1989 ne l'a pas été malgré deux mises en demeure ; qu'en raison de son activité de négoce, la SMR était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et devait souscrire tous les mois une déclaration des opérations réalisées le mois précédent ;
qu'il a été constaté que le chiffre d'affaires déclaré en matière de TVA était minoré par rapport à celui résultant des documents comptables de la société ;
qu'il a été procédé par ailleurs à une reconstitution des recettes non comptabilisées ;
"alors, d'une part, que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge ;
que la cour d'appel était saisie de poursuites afférentes à des faits de fraude aux taxes sur le chiffre d'affaires pour la période du 1er juin 1987 au 14 décembre 1989, de fraude à l'impôt sur les sociétés pour la même période, et du délit d'omission de passer des écritures comptables concernant les exercices 87, 88 et 89, lesquels n'ont été dénoncés que par une plainte de l'Administration, dépourvue d'effet interruptif, du 16 avril 1992 ;
que dès lors, l'arrêt attaqué, faute de rechercher pour chacune des trois infractions et pour chacun des exercices, la date d'échéance de la prescription de l'action publique ainsi que les actes de poursuite ayant éventuellement interrompu cette prescription, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision ;
"alors, d'autre part, que les poursuites tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs et de taxes assimilées ne peuvent être exercées que sur la plainte de l'Administration après avis conforme de la commission des infractions fiscales ; que X... ne pouvait être légalement condamné du chef de fraude fiscale qu'à la condition de constater précisément que les défaillances fiscales soumises à l'examen de la CIF correspondaient exactement à celles faisant l'objet des poursuites pénales de sorte que l'arrêt attaqué, qui s'est abstenu aussi de cette recherche, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni d'aucune pièce de procédure que le prévenu ait, devant les juges du fond, excipé de l'irrecevabilité des poursuites pour fraudes fiscales ou de l'accomplissement de la prescription ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Culié, Roman, Schumacher, Martin, Mmes Simon, Chevallier conseillers de la chambre, Mme Mouillard, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;