AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mlle Claude X..., en cassation d'un jugement rendu le 25 juin 1993 par le tribunal de grande instance de Paris (chambre du conseil), au profit de :
1 / M. Jacques Y... et autres,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 juin 1995, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Gélineau-Larrivet, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gélineau-Larrivet, les observations de Me Copper-Royer, avocat de Mlle Claude de Rarecourt de la Vallée X..., de Me Choucroy, avocat de Mme Y..., comtesse X..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mlle Claude X... a été placée sous le régime de la tutelle par un jugement du 9 décembre 1981 ;
que, par la suite, une décision du juge des tutelles l'a autorisée à prélever sur un compte bancaire, ouvert par son tuteur, des sommes à concurrence de 30 000 francs par mois ;
que, le 9 mars 1992, Mlle X... a demandé à être placée sous le régime de la curatelle, avec application des dispositions de l'article 512 du Code civil ;
que le médecin spécialiste a émis un avis selon lequel l'état de l'intéressée semblait autoriser une telle mesure ;
que le jugement confirmatif attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 25 juin 1993) a rejeté la requête de Mlle X... ;
Attendu que celle-ci fait grief au jugement d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, qu'en la maintenant sous le régime de la tutelle sans préciser si, compte tenu de l'amélioration médicalement constatée de ses facultés mentales, elle avait toujours besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, le tribunal de grande instance n'aurait pas donné de base légale à sa décision ;
alors, d'autre part, qu'en refusant la transformation de régime demandée au motif que Mlle X... ne serait "pas apte à prendre les initiatives nécessaires à la gestion de ses affaires, qui lui incomberaient sous le régime de la curatelle", les juges du second degré auraient méconnu les dispositions des articles 510, 512 et 513 du Code civil ;
et alors, enfin, qu'après avoir constaté que "dans la vie courante", l'intéressée "dispose, pour le règlement de ses dépenses personnelles, d'un compte qu'elle fait librement fonctionner à hauteur de la somme mensuelle de 30 000 francs", les juges du fond ne pouvaient en déduire le maintien d'un régime qui implique que la personne protégée est hors d'état d'agir par elle-même et a besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, de sorte qu'ils auraient, à nouveau, privé leur décision de base légale ;
Mais attendu que le Tribunal a relevé qu'il résultait du rapport du médecin spécialiste que si Mlle X..., qui est schizophrène, ne se trouvait plus dans une phase aiguë, elle souffrait toujours de troubles du caractère et de la personnalité n'obérant pas complètement son entendement et son jugement, mais présentant toutefois un caractère de permanence en raison de l'affection chronique dont elle est atteinte ;
qu'il a également constaté que Mlle X..., chez qui l'affectif l'emporte sur le rationnel, est étroitement dépendante de son entourage et influençable ;
qu'il en a déduit que, eu égard à son patrimoine important et à la fortune considérable qu'elle est appelée à recevoir, l'intéressée n'est pas apte à prendre les initiatives nécessaires qui lui incomberaient encore sous le régime de la curatelle spéciale de l'article 512 du Code civil ;
qu'il a, enfin, relevé que les aménagements précédemment apportés à la tutelle -en application de l'article 501 du Code civil- ont conféré à Mlle X... une autonomie conforme à son état, tout en lui assurant la représentation juridique qu'exige celui-ci ;
que, par ces motifs, les juges du second degré, qui ont nécessairement admis que Mlle X... avait besoin d'être représentée de façon continue dans les actes de la vie civile, ont souverainement estimé que l'intéressée devait rester placée sous le régime de la tutelle et ont, ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié leur décision ;
d'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mlle Claude X..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.