AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- TRILLAT Guy, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 5 juillet 1994, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre Annette Y..., épouse TRILLAT, pour faux et usage de faux, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 150, 151 et 163 du Code pénal, 177 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre d'accusation a confirmé une ordonnance de non-lieu ;
"aux motifs qu' Annette Y... a reconnu avoir signé aux lieu et place de son mari la quasi totalité des contrats visés dans la plainte en imitant sa signature, mais a précisé que son mari lui avait recommandé de souscrire des prêts lorsque le compte était à découvert et avait, après s'être rendue auprès des organismes de crédit, chaque fois avisé par téléphone son mari qui lui avait toujours donné son accord ;
que ses filles Elsa et Sandra ont pour l'essentiel confirmé ses déclarations ; qu'une employée de la BNP, vers le mois de juillet 1991, avait attiré l'attention de Guy Trillat sur les différents prélèvements de divers organismes financiers qui apparaissaient sur ses relevés de compte et Guy Trillat lui avait paru parfaitement au courant de ces différents prêts ;
que le procureur général requiert l'infirmation de l'ordonnance de non-lieu aux motifs qu'Annette Y... a en parfaite connaissance de cause imité la signature de son mari ;
que cependant, les prêts litigieux ont été souscrits entre le 27 janvier 1987 et le 1er juillet 1991, soit sur une période supérieure à quatre ans et que les remboursements de ces prêts ont été portés au débit du compte joint des deux époux ;
que ces éléments accréditent les dires de l'employée de la banque chargée de la gestion du compte joint selon lesquels au mois de juillet 1991, Guy Trillat était parfaitement informé des différents prêts, ainsi que les déclarations d'Annette Y... relatives à l'accord verbal de son époux ;
qu'en conséquence, il n'est pas établi qu'Annette Y... ait agi de mauvaise foi ;
"1/ alors que l'élément intentionnel du délit de faux réside dans la conscience de causer un préjudice, fût-il éventuel, à autrui, et non dans l'intention de nuire ;
qu'en se référant dès lors, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, à l'absence de mauvaise foi -et donc d'intention de nuire- de la personne mise en examen, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
"2/ alors que l'intention coupable, dans le délit d'usage de faux, réside dans la connaissance, par l'utilisateur de l'acte falsifié, de l'altération de la vérité ;
que la chambre d'accusation constate qu'Annette Y... avait reconnu avoir imité la signature de son mari ;
qu'en retenant néanmoins que l'élément intentionnel de l'infraction n'était pas caractérisé, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
"3/ alors qu'Annette Y... n'a jamais soutenu que le remboursement des prêts avait été porté au débit du compte joint des époux C..., si bien que Guy Trillat devait connaître l'existence de ces conventions ;
qu'au contraire, ce dernier avait contesté avoir eu connaissance de la situation de son compte et précisé avoir été contraint de solliciter de la BNP la communication des relevés de compte, qui étaient adressés chez son épouse, sur plusieurs années ;
qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que l'exposant connaissait l'existence des conventions grâce aux remboursements débités sur le compte joint, la chambre d'accusation violé les textes visés au moyen ;
"4/ alors que, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, l'employée de la BNP a déclaré que "Guy Trillat lui avait paru parfaitement au courant de ces différents prêts" (arrêt p.5 2), mais n'a pas affirmé l'avoir informé de l'existence de ces contrats ; qu'en relevant cependant que l'employée avait affirmé que M. C... était "parfaitement informé", la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée de ce témoignage" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué permettent à la Cour de Cassation de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits objet de l'information et répondu sans insuffisance aux articulations essentielles des mémoires produits par la partie civile appelante, a exposé les motifs de fait et de droit pour lesquels elle estimait qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre l'inculpée d'avoir commis les infractions reprochées ;
Qu'aux termes de l'article 575 du Code de procédure pénale, la partie civile n'est pas admise à remettre en discussion la valeur de tels motifs retenus par les juges à l'appui de son seul pourvoi contre un arrêt de non-lieu ;
Et attendu qu'il n'est ainsi justifié d'aucun des griefs énumérés audit article comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un arrêt de la chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM.
Culié, Schumacher, Martin, Mmes B..., Chevallier, M.
Farge conseillers de la chambre, M. de Z... de Massiac, Mme A..., M. de X... de Champfeu conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;