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03/10/1995 | FRANCE | N°94-84317

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 octobre 1995, 94-84317


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de Me BOULLOCHE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Marc, contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, en date du 16 juin 1994, qui l'a condamné pour délit de blessures involontaires, à 1 mo

is d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende, et a ordonné l'affich...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de Me BOULLOCHE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Marc, contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, en date du 16 juin 1994, qui l'a condamné pour délit de blessures involontaires, à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende, et a ordonné l'affichage et la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 513 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, en ce qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que le prévenu ou son avocat ait eu la parole en dernier ;

"alors que le droit reconnu au prévenu et à son avocat de prendre la parole en dernier est d'ordre public et s'impose à peine de nullité ;

que l'arrêt ne précise pas explicitement que le prévenu ou son avocat ait eu la parole en dernier et méconnaît les textes visés au moyen" ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne qu'après le rapport du président, l'interrogatoire du prévenu et les réquisitions du ministère public, l'avocat du prévenu a été entendu en ses conclusions et plaidoiries ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 320 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le prévenu a été déclaré coupable du délit de blessures involontaires et condamné à la peine d'1 mois de prison avec sursis, aux motifs que le défrettage de la coquille est dû au mauvais état de la cage supérieure du marteau-pilon, laquelle présente une détérioration très importante au niveau du cône d'emboîtement de la coquille ;

qu'aucune vérification de cet outil n'avait été effectuée depuis le 30 août 1989, date de sa dernière vérification ;

que le prévenu conteste cependant sa responsabilité en faisant valoir en substance que la vérification du bon état des cages incombait aux ouvriers chargés de la préparation du marteau-pilon (les cages étant de dimension différente suivant les pièces à usiner) et aux agents de maîtrise, conformément aux instructions verbales et écrites données notamment lors des réunions du personnel d'encadrement tenues le 29 octobre 1979 ou le 22 septembre 1980, et que l'accident est exclusivement imputable au fait que l'ouvrier, Guy Y..., ayant préparé la machine, n'a pas signalé les défectuosités de la cage ;

mais qu'il résulte de la procédure que dès 1977, la direction avait décidé d'un contrôle régulier des cages ;

qu'un accident similaire était survenu le 23 juillet 1979 au même ouvrier ;

que, dans son rapport d'enquête, le CHST a constaté l'insuffisance du contrôle des cages et a préconisé une vérification systématique de ce matériel ; qu'à la suite d'une réunion du 31 octobre 1979, il fut décidé d'organiser cette vérification systématique tous les trois mois ;

que cette décision n'a jamais été remise en cause ;

qu'il apparaît donc clairement qu'au-delà du contrôle opéré, nécessairement de manière superficielle, par l'ouvrier chargé de préparer le matériel, une vérification plus approfondie des cages devait être effectuée périodiquement par le service spécialisé dans le contrôle outillage ;

qu'il a été précédemment constaté que la dernière vérification de la cage litigieuse remontait au mois d'août 1989 (et le précédent à 1984 !) ;

qu'il est indéniable qu'un contrôle systématique aurait permis de détecter l'usure de la cage et de prévenir la chute de la coquille ;

qu'en conséquence, le prévenu, auquel il appartenait de vérifier le respect des mesures de sécurité, a été déclaré à juste titre coupable du délit de blessures involontaires ;

que les premiers juges, par des motifs que la Cour adopte, l'ont, en revanche, relaxé à bon droit du chef de l'infraction au Code du travail ;

"alors que toute infraction devant être définie en des termes clairs et précis, le délit de blessures involontaires implique l'inobservation par le prévenu d'une réglementation obligatoire, à laquelle il sait qu'il ne peut déroger ;

que l'arrêt attaqué constate que le prévenu n'a commis aucune infraction aux règles relatives à la sécurité du travail ;

qu'en déclarant cependant le demandeur coupable du délit de blessures involontaires, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Max Jules X..., salarié de l'usine Balorforge, qui procédait à l'usinage d'une pièce à l'aide d'un marteau pilon, a été blessé par la chute de la "coquille" de cette machine, dont un éclat lui a perforé l'abdomen ; que Marc Z..., directeur de l'usine, a été poursuivi, notamment, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail personnel de plus de trois mois ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ce chef, après l'avoir relaxé du chef d'infraction à la réglementation sur la sécurité du travail, la cour d'appel se prononce par les motifs exactement repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a commis, sinon une inobservation des règlements en vigueur, du moins une faute d'imprudence et de négligence génératrice de l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que dès lors le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 263-6 du Code du travail et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a ordonné l'affichage de son arrêt à la porte de l'entreprise et de l'atelier où s'est produit l'accident pendant une durée de 15 jours, ainsi que sa publication par extraits dans le journal l'Union ;

"alors que le juge ne peut ordonner l'affichage ou la publication de son arrêt que lorsqu'il prononce une condamnation pour une infraction aux articles L. 263-2 et L. 263-4 du Code du travail ;

que l'arrêt attaqué a relaxé le demandeur du chef d'infractions au Code du travail ;

qu'en ordonnant cependant l'affichage et la publication de son arrêt, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu lesdits articles ensemble les articles 4 ancien et 111-3 du Code pénal ;

Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine non prévue par la loi ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a condamné le prévenu pour le seul délit de blessures involontaires et a ordonné l'affichage de la décision à la porte de l'usine et sa publication dans un journal, par application de l'article L. 263-6 du Code du travail ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délit de blessures involontaires n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 263-6 susvisé, les juges ont méconnu le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Reims, en date du 16 juin 1994, en ses seules dispositions concernant l'affichage et la publication de la condamnation pour blessures involontaires, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Pibouleau, Mmes Simon, Chevallier, M.

Farge conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-84317
Date de la décision : 03/10/1995
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de REIMS, 16 juin 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 oct. 1995, pourvoi n°94-84317


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.84317
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