AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. A... Micki, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 15 juin 1993 par la cour d'appel de Paris (1re Chambre, Section C), au profit de M. le procureur général, élisant domicile en son Parquet au Palais de Justice, boulevard du Palais à Paris (4e), défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 juin 1995, où étaient présents :
M. de X... de Lacoste, président, Mme Lescure, conseiller rapporteur, MM. Z..., F..., E...
Y..., M. G..., Mme C..., M. Aubert, conseillers, M. B..., Mme Catry, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Lescure, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de M. D..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi et arrêté la décision au 30 juin 1995 ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Vu les articles 57-1 du Code de la nationalité, (21-13, alinéa 1er, du Code civil), et 1134 du Code civil ;
Attendu que M. A... Micki est né le 5 décembre 1940 en Guinée de parents originaires du Liban ;
qu'il a été immatriculé en 1978 à l'ambassade de France en Guinée et qu'une carte d'identité française lui a été délivrée ;
qu'en 1984, il a formé une demande de certificat de nationalité française auprès du tribunal d'instance du 1er arrondissement de Paris ;
que ce certificat lui a été refusé par lettre du 27 mars 1986, ainsi rédigée : "Il n'est pas possible de vous délivrer un certificat de nationalité française en l'état de votre dossier ;
en effet, les pièces demandées par lettre du ministre de la Justice du 22 mai 1984 (possession constante de Français depuis 1973) n'ayant pas été produites, la nationalité française ne peut vous être reconnue" ;
que, le 5 avril 1988, M. D... a souscrit une déclaration de nationalité française en application de l'article 57-1 du Code de la nationalité française ;
que, par décision du 29 mai 1989, le ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale a dit cette déclaration irrecevable dès lors qu'"informé de son extranéité" depuis 1986, M. D... ne pouvait être considéré comme ayant joui de bonne foi de la possession d'état de Français pendant les dix années ayant précédé sa déclaration ;
que celui-ci a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris pour voir déclarer mal fondé le refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité ;
Attendu que, pour décider que M. D... n'avait pas acquis la nationalité française et annuler sa déclaration de nationalité, la cour d'appel a retenu qu'informé du refus du juge d'instance de lui délivrer un certificat de nationalité en avril 1986, refus qui n'était assorti d'aucune condition contrairement à ce qu'il soutenait, il lui appartenait de réclamer la nationalité française dans un délai raisonnable à partir du jour où il avait eu connaissance "de son extranéité", ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans sa lettre du 27 mars 1986, le juge d'instance avait seulement énoncé qu'il n'était pas possible de délivrer à M. D... un certificat de nationalité française "en l'état de son dossier", la cour d'appel a dénaturé les termes de cette lettre et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. Fouret, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de M. le président de X... de Lacoste, conformément à l'article 452 du nouveau Code du procédure civile, en son audience publique du trois octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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