N 4420
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Corinne, - X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 1er juin 1994, qui, pour dénonciation calomnieuse, les a condamnés chacun à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 62 du Code pénal, tel qu'il était applicable à l'époque des faits, les articles 111-2, 111-3, 111-4, 121-3 et 226-10 et suivants du nouveau Code pénal, des articles 591 et 592 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Corinne Z... et Christian X... à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 francs d'amende ;
"aux motifs que M. Y..., officier de police judiciaire, a procédé à l'interrogatoire de Corinne Z... et de Christian X... en qualité de témoin ; qu'ils ont été respectivement mis en garde à vue ; que le 17 juillet 1990, Corinne Z... et le 18 juillet 1990, Christian X... ont déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Lyon pour des violences et voies de fait commises sur un témoin ; que la chambre criminelle de la Cour de Cassation par arrêt du 3 octobre 1990 a désigné le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand pour instruire ces plaintes ; que ce magistrat rendait le 12 février 1993 une ordonnance de non-lieu ; que M. Y... a fait citer Corinne Z... et Christian X... pour dénonciation calomnieuse ; que le juge d'instruction de Clermont-Ferrand motivait l'ordonnance de non-lieu qu'il a rendu dans les termes suivants, en ce qui concerne Corinne Z... : "attendu que l'information ne permet pas d'établir la réalité des faits reprochés à Alain Y... ; qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit susvisé", et en ce qui concerne Christian X... :
"attendu que dans ces conditions, il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit susvisé" ; que compte tenu de cette ordonnance de non-lieu, les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse sont parfaitement établis à l'encontre de Corinne Z... et Christian X... ; qu'il convient de les déclarer coupables l'un et l'autre du délit de dénonciation calomnieuse ;
"alors que, premièrement, l'élément intentionnel de la dénonciation calomnieuse s'apprécie à la date à laquelle cette dénonciation est faite ; que pour condamner Corinne Z... et Christian X..., la cour d'appel s'est placée au 12 février 1993, date de l'ordonnance de non-lieu, et non aux 17 et 18 juillet 1990, dates auxquelles ils ont déposé leurs plaintes avec constitution de partie civile ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, l'ordonnance de non-lieu du 12 février 1993 s'est bornée à constater l'absence de charges à l'encontre de M. Y... ; que cette ordonnance n'a pas établi que Corinne A... et Christian X... savaient, lors du dépôt de leurs plaintes avec constitution de partie civile, que les faits reprochés à M. Y... étaient totalement ou partiellement inexacts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que Corinne Z... et Christian X... ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre X... du chef de violences volontaires, exposant qu'ils auraient subi un traitement dégradant et humiliant de la part d'Alain Y..., officier de police judiciaire, qui les avait interrogés lors de leur garde à vue;
Que, le juge d'instruction saisi de ces plaintes ayant rendu des ordonnances de non-lieu, Alain Y... a, par la suite, fait citer directement les deux plaignants devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse ;
Attendu que, pour les en déclarer coupables, les juges énoncent que les ordonnances précitées démontrent la fausseté des faits dénoncés par Corinne Z... et Christian X..., qui ont agi de mauvaise foi avec la volonté de porter atteinte à l'honneur et à la considération d'un officier de police judiciaire ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui établissent la connaissance, par les prévenus, de la fausseté des faits reprochés à Alain Y... au moment où ils ont déposé leur plainte, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Martin conseiller rapporteur, MM. Culié, Roman, Schumacher conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mmes Batut, Mouillard, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;