AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit septembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de Me Alain-François ROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Raymond, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 22 septembre 1994 qui, dans la procédure suivie contre Pierre X... pour blessures involontaires, a ordonné la rectification de l'arrêt de la même juridiction en date du 8 décembre 1993 ayant prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 710 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt ordonne la rectification de l'"erreur matérielle" commise dans l'arrêt rendu le 8 décembre 1993 par la cour d'appel de Rouen ;
"aux motifs que les préjudices indemnisables ont été analysés dans la motivation, que les droits revenant à M. Z... ont été fixés par postes nettement différenciés ;
que la demande formée ne modifie par ces droits qu'il convient de considérer comme définitivement acquis ;
que par suite d'une erreur d'addition, la somme de ces droits a été fixée à 102 018 livres sterling au lieu et place de 51 618 livres sterling ;
qu'il convient de constater qu'il s'agit non d'une peine mitigée infligée mais de l'indemnisation des préjudices civils subis ;
"alors que, sous couvert de réparation d'une prétendue "erreur matérielle", le juge ne peut modifier l'étendue des droits et obligations des parties résultant d'une décision de justice devenue définitive ;
que statuant sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation dont Pierre X..., déclaré coupable du délit de blessures involontaires, a été déclaré entièrement responsable, la cour d'appel de Rouen par arrêt du 8 décembre 1993 devenu définitif, a condamné le prévenu à verser à M. Z..., partie civile, en réparation de son préjudice de la somme de 654 918 francs et celle de 102 018 livres sterling ;
que saisie d'une requête tendant à la rectification de son arrêt, la cour d'appel, après avoir estimé qu'une erreur d'addition avait été commise alors qu'une incertitude sur le montant de l'indemnité pour frais futurs existait, ainsi que le faisait valoir les conclusions de M. Z..., a rétabli l'évaluation en livres sterling du préjudice de la victime à la somme de 51 618 livres sterling et modifiant l'arrêt du 8 décembre 1993 a condamné Pierre X... à payer à M. Z... cette somme ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a restreint les droits de la partie civile consacrés par sa précédente décision a méconnu le sens et la portée de l'article 710 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, par arrêt du 8 décembre 1993, statuant sur la réparation des dommages subis par la partie civile, Raymond Z..., victime de blessures involontaires dont Pierre X... a été déclaré responsable, la cour d'appel de Rouen, après avoir fixé à 8 518 à 37 500 et à 5 600 livres sterling, respectivement les indemnités afférentes à certains frais médicaux, au préjudice lié à la période d'incapacité totale de travail et aux frais futurs, alloue de ces seuls chefs à l'intéressé la somme totale de 102 018 livres sterling ou sa contre-valeur en francs français ;
que cette décision a été déclarée opposable à la compagnie les Mutuelles du Mans, assureur de la société Transports Fournaire, civilement responsable ;
Attendu que, sur requête déposée au nom de Pierre X... et des transports Fournaire, la même juridiction, par l'arrêt attaqué, a ordonné la rectification de la décision précitée en ce qu'il convient de lire dans son dispositif la somme de 51 618 livres sterling au lieu de celle de 102 018 livres sterling au motif que cette dernière somme ne résulte que d'une erreur dans l'addition des préjudices indemnisables analysés dans la motivation et dont les indemnités réparatrices ont été fixées "par postes nettement différenciés" ;
que les juges observent au demeurant que le total erroné retenu par le premier arrêt était supérieur aux propres demandes de Raymond Z... ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par rectification d'une erreur d'addition évidente et purement matérielle reprise dans le dispositif de sa première décision, la cour d'appel, qui, contrairement au grief allégué, n'a nullement restreint les droits de la partie civile tels qu'elle les avait déterminés de façon détaillée et non ambiguë, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blin conseiller rapporteur, MM. Jorda, Aldebert, Grapinet conseillers de la chambre, Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. Galand avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;