AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- MOREAU Christian, contre l'arrêt n 148 de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, du 8 février 1994 qui, l'a condamné, pour infractions à la réglementation relative aux conditions de travail dans les transports routiers, à 3 amendes de 1 000 francs ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 410, 411 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a statué contradictoirement après avoir affirmé, que le prévenu, X..., était non comparant ni représenté et, d'autre part, que régulièrement cité, le prévenu ne comparaît pas mais est représenté par son conseil, lequel sollicite un renvoi de l'affaire au motif qu'il lui est fait défense de plaider ;
"alors que le prévenu ne peut à la fois être non représenté et représenté par son conseil ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite ; qu'ainsi elle n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la comparution du prévenu" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le prévenu n'a pas comparu et que son avocat a sollicité le renvoi de l'affaire en raison d'un problème d'ordre déontologique ;
que les juges ont rejeté cette demande, au motif "qu'il appartenait à Christian Moreau, cité depuis près d'un mois, de régler au préalable la question de sa défense et à tout le moins de comparaître en personne pour expliquer son cas" ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Que le prévenu cité à sa personne, qui ne comparait pas et ne fournit aucune excuse reconnue valable, doit, en application de l'article 410 du Code de procédure pénale, être jugé contradictoirement en son absence ;
que la mention contenue dans l'arrêt, selon laquelle "le prévenu ne comparait pas mais est représenté par son conseil qui sollicite le renvoi de l'affaire", ne concerne que cette demande de remise et est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 3 bis de l'ordonnance n 58-1310 du 23 décembre 1958 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian Moreau coupable des infractions poursuivies de non- respect des règles sur la durée légale de conduite continue sans interruption ;
"aux motifs qu'il apparaît à l'examen de la procédure que si X... loue effectivement les tracteurs à la SNC Transflo, cette dernière loue les véhicules à une société Translande qui appartient aux transports X... et qui, d'ailleurs, ne semble plus avoir d'existence juridique à Hendaye ;
qu'en fait, les transports X... se louent leurs propres véhicules, la SNC étant une société écran destinée, comme la société d'Hendaye, à éluder la responsabilité pénale de X... qui, en fait, conserve la maîtrise des opérations de transports ;
que la responsabilité pénale de Christian Moreau est par conséquent engagée et le jugement sera confirmé tant sur la culpabilité que sur la peine ;
"alors qu'en affirmant que X... était responsable du respect par son préposé de la réglementation des temps de travail dans les transports tout en constatant que le chauffeur était associé de la société de transports, sans préciser sur quels faits elle se fondait pour l'affirmer, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"aux motifs, d'autre part, que la SNC Transflo était une société écran destinée à éluder la responsabilité pénale de X... qui, en fait, conserve la maîtrise des opérations de transports ;
"alors qu'en attribuant à Christian Moreau, président directeur général de la société Transports Jean-François X..., la responsabilité pénale des infractions mentionnées sans préciser le rôle exact des Transports X... dans les opérations de transport litigieuses, se contentant du motif vague, voire dubitatif, que la société Translande "appartient" aux Transports X... et "semble" n'avoir pas d'existence juridique, la cour d'appel n'a pas permis à la cour de cassation d'exercer son contrôle ;
"alors, enfin qu'en affirmant que Christian Moreau conservait la maîtrise des opérations de transport, les SNC n'étant que des sociétés écrans destinées à éluder sa responsabilité pénale, sans préciser les éléments de fait ayant permis d'établir leur décision, les juges du fond n'ont encore pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle" ;
Attendu que, pour déclarer Christian Moreau, dirigeant de la SA Transports X..., coupable sur le fondement de l'article 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958, de trois contraventions commises par le conducteur d'un véhicule mis à la disposition d'une autre société, la cour d'appel énonce que si l'entreprise
X...
"loue effectivement les tracteurs à une société en nom collectif Transflo, cette dernière loue les véhicules à une société Translande qui appartient aux transports X..." ;
que les juges ajoutent qu'en fait, les transports X... se louent leurs propres véhicules, la SNC étant une société écran destinée, comme la société Translande, à éluder la responsabilité pénale de X... qui conserve la maîtrise des opérations de transport" ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte que sous le couvert d'un prétendu contrat de location, le conducteur est en réalité sous la direction et le contrôle de la seule entreprise de transports
X...
, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Carlioz, Fabre, Pinsseau, Joly conseillers de la chambre, Mme Fayet conseiller référendaire, M. Dintilhac avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;