AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gérald X..., en cassation d'un arrêt rendu le 27 janvier 1993 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, section 2), au profit de Mme Réjane Y..., épouse X..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 juin 1995, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Thierry, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Lemontey, Chartier, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Thierry, les observations de Me Garaud, avocat de M. X..., de Me Vuitton, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que les époux X...-Y... se sont mariés sans contrat préalable le 29 avril 1960 ;
qu'un jugement du 16 janvier 1984 a homologué leur changement de régime matrimonial, consistant à substituer la séparation de biens à leur communauté de meubles et d'acquêts ;
qu'au cours de la liquidation de cette communauté, un procès-verbal de difficultés a été dressé ;
que, statuant après expertise, l'arrêt attaqué a notamment décidé que les fonds déposés sur les livrets de caisse d'épargne ouverts au nom des deux enfants mineurs n'avaient pas droit à une récompense de la communauté pour la vente d'immeubles propres, dont il soutenait que le prix était tombé dans cette communauté ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1401 et 1926 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande tendant à faire inclure dans l'actif de la communauté les sommes figurant sur les livrets de caisse d'épargne de ses deux enfants mineurs, l'arrêt attaqué se borne à énoncer "que si les parents disposaient de la jouissance légale des biens appartenant à leurs enfants mineurs, ils ne disposaient pas pour autant du capital ;
que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu d'intégrer dans l'actif de la communauté des fonds appartenant aux mineurs et déposés sur leurs livrets de caisse d'épargne" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il était soutenu que les fonds placés sur ces livrets provenaient des économies réalisées par les époux sur leur gains et salaires et constituaient des acquêts, sans rechercher si les parents n'avaient pas entendu transférer la propriété des fonds à leurs enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen :
Vu les articles 1433 et 1315 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter également M. X... de sa demande d'une récompense de 138 000 francs, la cour d'appel énonce "qu'il n'est pas justifié de cette demande et qu'il n'y sera pas fait droit" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le mari avait produit aux débats les actes de donations et de ventes, que Mme Y... avait admis que les fonds correspondant étaient tombés en communauté, et qu'il n'était pas soutenu qu'il en ait été fait emploi ou remploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'inclusion dans l'actif de la communauté des sommes figurant sur les livrets de caisse dépargne ouverts aux noms de ses deux enfants mineurs, et en ce qu'il l'a également débouté de sa demande de récompense d'une somme de 138 000 francs, l'arrêt rendu le 27 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme X..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Poitiers, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze.