AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale d'assurance maladie des travailleurs salariés Midi-Pyrénées, dont le siège est ... (Haute-Garonne), en cassation d'un arrêt rendu le 4 décembre 1992 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit de M. Antoine X..., demeurant ..., Muret (Haute-Garonne), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 mai 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Favard, conseiller rapporteur, MM. Vigroux, Berthéas, Gougé, Ollier, Thavaud, conseillers, MM. Choppin Haudry de Janvry, Petit, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Favard, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la Caisse régionale d'assurance maladie des travailleurs salariés Midi-Pyrénées, de Me Blanc, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon les juges du fond, que M. X..., conducteur de travaux, alors âgé de 61 ans, s'est adressé à la caisse régionale d'assurance maldie (CRAM) pour obtenir la reconstitution de sa carrière ;
que cette reconstitution, notifiée le 24 avril 1990, ne contenait rien sur la période antérieure à 1958, pourtant mentionnée dans la demande ;
que, sur cette base, M. X... a adhéré à une convention de préretraite du Fonds national de l'emploi lui permettant de percevoir l'allocation spéciale de licenciement ;
qu'une nouvelle reconstitution de carrière lui ayant été notifiée le 22 avril 1991, intégrant la période du 1er octobre 1947 au 31 décembre 1957, il a perdu de ce fait le bénéfice de son adhésion à la convention de préretraite ;
que l'arrêt attaqué, retenant une faute grossière de la CRAM, l'a condamnée à payer à M. X... 200 000 francs, les sommes perçues sur la base de la première reconstitution de carrière lui demeurant, en outre, acquises ;
Attendu que la CRAM fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que ne commet pas de faute grossière la Caisse régionale d'assurance maladie des travailleurs salariés qui adresse à un assuré une reconstitution de carrière ne faisant pas mention des périodes équivalentes dont la détermination relève du régime des travailleurs non salariés, lorsque cet assuré a sollicité "un relevé de compte des trimestres acquis" sans préciser que sa demande est faite en vue d'une liquidation ou d'une préliquidation de retraite ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
alors, d'autre part, que la Caisse faisait valoir que M. X... ne justifiait pas de la réalité de son préjudice faute de démontrer que, dûment informée de sa situation réelle, il eût pu conserver son emploi au sein de la SOCAE ;
qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté que le questionnaire rempli par M. X... pour sa reconstitution de carrière ne pouvait avoir d'autre objectif que celui d'une liquidation ou pré-liquidation de retraite ;
que, dès lors, il appartenait à la Caisse de prendre en compte la période litigieuse ;
qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute ;
qu'en l'état de ces constatations et énonciations, les juges du fond ont légalement justifié leur décision ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a répondu aux conclusions de la CRAM en constatant que c'était le document incomplet du 24 avril 1990, délivré par la Caisse, qui avait amené M. X... à prendre sa décision à caractère irrévocable, entraînant la perte de son emploi ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en ses deux premières branches ;
Mais, sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour accorder à M. X... une somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts, et dire que les sommes qui lui ont été versées à tort sur la base de la première reconstitution de carrière lui demeureront acquises, la cour d'appel a successivement énoncé que le préjudice subi par M. X... s'élevait à 200 000 francs, et que les sommes déjà perçues par lui étaient allouées à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, méconnaissant ainsi les exigences du texte susvisé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 8 000 francs ;
Mais attendu qu'il n' y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a condamné la CRAM à payer 200 000 francs à titre de dommages-intérêts à M. X... et dit que les sommes perçues par celui-ci lui demeureront acquises, l'arrêt rendu le 4 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Rejette la demande présentée par M. X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. X..., envers la CRAM Midi-Pyrénées, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Toulouse, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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