AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire NIVOSE, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Carl, - Y... Stéphane, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de RENNES, en date du 9 mars 1995 qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de viols, les a condamnés à les a renvoyés devant la cour d'assises ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I Sur le pourvoi de Stéphane Y...,
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II Sur le pourvoi de Carl X... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 332 de l'ancien Code pénal, 215 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Carl X... devant la cour d'assises sous l'accusation de viol, après avoir rejeté sa demande de supplément d'information ;
"aux motifs que, même Valérie Z... a reconnu qu'elle n'avait été ni frappée, ni menacée, la contrainte qu'elle a subie paraît bien résulter du rapport de force défavorable existant entre elle et les deux garçons (X... et Y...) qui l'importunaient et auxquels elle a surtout tenté de s'opposer verbalement en cherchant naïvement à les dissuader de poursuivre leurs entreprises ;
(...) qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les nouvelles investigations et notamment la confrontation avec le docteur Z..., demandées par l'avocat de X..., n'apparaissent pas nécessaires à la manifestation de la vérité ;
"1) alors que, dans son mémoire, X... avait fait valoir que les parents de Valérie Z... avaient été présents pendant une grande partie des ébats amoureux entre celle-ci, Y... et lui-même, que lors des faits, le docteur Z..., neuro-psychiatre, expert près la cour d'appel, avait indiqué à sa fille qu'il devait s'absenter mais que la preuve effective de cette absence n'avait jamais été rapportée au cours de l'instruction, et qu'en toute hypothèse, s'il avait eu le sentiment que son enfant courait le moindre danger, il n'aurait évidemment pas hésité à demeurer sur place pour prévenir une quelconque agression ;
qu'il avait également fait valoir que lors de l'instruction, le docteur Z... dont la personnalité était pour le moins sujette à caution dès lors qu'il était actuellement en détention pour un crime d'homicide volontaire, avait fait pression sur ses confrères experts qu'il n'avait pas manqué d'influencer gravement, tout autant que les autorités chargées de l"enquête et de l'information, auprès desquels il s'était distingué par son omniprésence et son empressement ;
qu'il en avait logiquement déduit que de nouvelles investigations s'imposaient, dont plus précisément une confrontation entre le docteur Z..., les personnes mises en examen et la prétendue victime ;
qu'en se bornant à affirmer que les nouvelles investigations et notamment la confrontation avec le docteur Z... n'apparaissaient pas nécessaires à la manifestation de la vérité, sans répondre aux chefs péremptoires du mémoire que X... lui avait soumis sur ce point, la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs ;
"2) alors qu'en énonçant que la contrainte subie par Valérie Z... paraissait résulter du rapport de force défavorable ayant existé entre elle et les deux garçons qui l'importunaient, la chambre d'accusation qui a déduit des motifs tout à la fois dubitatifs et inopérants, n'a ni caractérisé à la charge des mis en examen, dont X..., la commission d'un acte positif constitutif de contrainte, ni par voie de conséquence, justifié de l'existence de l'élément matériel du crime de viol ;
"3) alors que la qualification de viol doit être écartée faute d'intention criminelle, lorsque la personne poursuivie s'est méprise ou a pu se méprendre sur les dispositions véritables de la victime et estimer à tort que sa résistance n'était pas sérieuse ;
qu'il résultait du mémoire de X... et des propres énonciations de l'arrêt attaqué que, selon les experts psychologue et psychiatre qui l'avaient examiné, le comportement provoquant de Valérie Z..., connue pour être une jeune fille facile et aguicheuse, son attitude et ses propos ambigus, qu'il avait interprétés comme des avances, pouvaient justifier une méprise expliquant qu'il se soit senti autorisé à passer à l'acte ;
qu'en refusant néanmoins de faire droit aux moyens par lesquels X... avait contesté l'existence, à sa charge de toute intention coupable, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que pour écarter la demande de supplément d'information de X... et ordonner son renvoi devant la cour d'assises, l'arrêt attaqué relève que si la victime admet n'avoir été ni frappée ni menacée, elle soutient en revanche s'être opposée verbalement à des relations sexuelles qu'elle a été contrainte de subir ;
que les juges en concluent qu'il éxiste des charges suffisant à motiver la mise en accusation de X... pour viol ;
Attendu, d'une part, que les chambres d'accusation, en statuant sur les charges de culpabilité, apprécient souverainement au point de vue des faits tous les éléments constitutifs des crimes et que la cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier si la qualification qu'elles ont donnée aux faits justifient le renvoi des inculpés devant la juridiction de jugement à laquelle il appartient de se prononcer sur les faits, objet de l'accusation ;
Attendu que, d'autre part, en l'état de ses constatations et énonciations, l'arrêt attaqué a suffisamment caractérisé au regard de l'article 222-23 du Code pénal, les circonstances dans lesquelles, à supposer les faits établis, X... se serait rendu coupable du crime de viol ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur a été renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Nivôse conseiller rapporteur, MM. Massé, Fabre, Le Gall conseillers de la chambre, M. Poisot, Mme Fayet conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
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