AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- BAUDOIN X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 20 juillet 1994, qui, pour infraction à la règle du repos dominical, l'a condamné à 3 amendes de 800 francs ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 119, 100 et 235 du Traité de la communauté européenne, de la directive 76-207 du conseil des communautés européennes du 9 février 1976, de l'article 177 du Traité de la communauté européenne, de l'article L. 221-5 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Baudoin coupable d'infraction à la règle du repos hebdomadaire dominical en rejetant l'exception tirée de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 221-5 du Code du travail avec les disposition précitées de droit communautaire ;
"aux motifs que pour considérer que l'article L. 221-5 du Code du travail constitue une discrimination indirecte il faudrait que soit établi le fait que l'emploi des femmes le dimanche soit très majoritaire, la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes ne retenant de discrimination indirecte que lorsqu'il existe un pourcentage considérablement plus faible de travailleurs d'un sexe touché par une mesure ;
"qu'en l'espèce, il n'est apporté aucun élément permettant d'apprécier la proportion des femmes et d'hommes concernés par le travail le dimanche ;
"alors que, d'une part, les dispositions tant de l'article 119 du Traité que celles du droit dérivé prises pour son application ainsi que les dispositions des directives prises sur le fondement des articles 100 et 235 du Traité sont directement invoquables devant les tribunaux nationaux ;
qu'il y a discrimination lorsqu'une législation nationale a pour effet de défavoriser les travailleurs de sexe féminin à raison du simple fait qu'elles représentent un pourcentage plus faible d'une catégorie bénéficiant d'avantages ou plus élevé d'une catégorie subissant un traitement moins favorable ;
que la Cour de justice des communautés européenne n'exige pas nécessairement qu'un pourcentage "considérablement plus faible de travailleur d'un sexe ou d'un autre soit touché par la mesure litigieuse" et que la cour d'appel a donc ajouté aux dispositions précitées de droit communautaire une condition qu'elle ne comportait pas ;
"alors que, d'autre part, Baudoin avait invoqué la prédominance des femmes dans les activités commerciales fonctionnant le dimanche et qu'il avait fait valoir que l'interdiction des activités en cause les privait de divers avantages en matière salariale et d'accès à l'emploi ;
qu'il appartenait à la cour d'appel, en tant que juge national, de vérifier si la loi qu'il lui était demandé d'appliquer n'était pas incompatible avec le droit communautaire et de rechercher si l'interdiction d'ouverture des commerces le dimanche n'entraînait pas une discrimination indirecte au détriment des femmes, tant en matière de rémunération qu'en matière d'accès à l'emploi" ;.
Attendu que, pour écarter l'exception tirée de l'incompatibilité prétendue de l'article L. 221-5 du Code du travail avec les dispositions de la directive communautaire du 9 février 1976 relatives à l'égalité de traitement entre hommes et femmes, en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen et relève également que le texte susvisé n'établit aucune discrimination directe entre les sexes puisqu'il s'applique à tous les travailleurs ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en effet, la règle fixant au dimanche le repos hebdomadaire a été prise dans l' intérêt des travailleurs, hommes ou femmes, et constitue un avantage social ;
que son application n'est, dès lors, pas de nature à entraîner une discrimination directe ou indirecte au détriment des uns ou des autres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Milleville, Guerder, Pinsseau, Joly, Pibouleau conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier conseiller référendaire, M. Perfetti avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;