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27/06/1995 | FRANCE | N°92-13535

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 juin 1995, 92-13535


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Sur le pourvoi n N 92-13.535 formé par le Bureau central français (BCF), dont le siège est ... (Seine-Saint-Denis),

II. Sur le pourvoi n R 92-14.412 formé par la société El Ittihad, dont le siège est ..., en cassation d'un même arrêt rendu le 12 février 1992 par la cour d'appel de Paris (17e chambre), entre eux et :

1 / M. Jean-Louis A..., demeurant rue de la Poudrière, résidence "Les Murlins", Orléans (Loiret),

2 / Mme Nicole, Mariette Y..., di

vorcée de M. Jean-Louis A..., demeurant ... (Loiret),

3 / M. Tijani X..., demeurant ...,

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Sur le pourvoi n N 92-13.535 formé par le Bureau central français (BCF), dont le siège est ... (Seine-Saint-Denis),

II. Sur le pourvoi n R 92-14.412 formé par la société El Ittihad, dont le siège est ..., en cassation d'un même arrêt rendu le 12 février 1992 par la cour d'appel de Paris (17e chambre), entre eux et :

1 / M. Jean-Louis A..., demeurant rue de la Poudrière, résidence "Les Murlins", Orléans (Loiret),

2 / Mme Nicole, Mariette Y..., divorcée de M. Jean-Louis A..., demeurant ... (Loiret),

3 / M. Tijani X..., demeurant ...,

4 / le Fonds de garantie automobile contre les accidents (FGA), dont le siège est ... (Val-de-Marne),

5 / la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris (CPAM), dont le siège est ... (12e), défendeurs à la cassation ;

Le demandeur au pourvoi n N 92-13.535 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n R 92-14.412 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 17 mai 1995, où étaient présents :

M. de Bouillane de Lacoste, président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, MM. Z..., F..., E...
C..., M. G..., Mme D..., M. Aubert, conseillers, M. B..., Mme Catry, conseillers référendaires, M. Gaunet, avocat général, Mme Lefort, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Delaroche, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat du BCF, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société El Ittihad, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de Mme Y..., de Me Capron, avocat de M. X..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat du FGA, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint en raison de leur connexité les pourvois n s R 92-14.412 et N 92-13.535 ;

Attendu que, le 10 juin 1986, Thierry A... a trouvé la mort alors que, circulant sur autoroute à motocyclette, il a d'abord été heurté par un véhicule qui l'a dépassé et qui a pris la fuite, sans être identifié, puis a été écrasé par l'automobile de M. X..., laquelle était assurée auprès de la compagnie d'assurance tunisienne El Ittihad, selon une police valable du 11 février 1986 au 10 août 1986 ;

que faisant valoir l'implication de ce véhicule, les consorts A... ont demandé réparation de leur préjudice à M. X... et à son assureur ;

que le Bureau central français (BCF) et le Fonds de garantie contre les accidents (FGA) sont intervenus à l'instance ;

que la compagnie El Ittihad a contesté devoir sa garantie en invoquant une limitation territoriale de cette garantie à la Tunisie ;

que l'arrêt attaqué a dit M. X... tenu d'indemniser les consorts A... des préjudices résultant pour eux de ce décès accidentel, et a dit la compagnie El Ittihad tenue de garantir son assuré des condamnations mises à sa charge ;

qu'il a, en outre, déclaré le BCF tenu d'intervenir pour l'indemnisation des consorts A... et, en tant que de besoin, l'a condamné, in solidum avec M. X... et la compagnie El Ittihad à procéder à cette indemnisation ;

qu'il a, enfin, déclaré la décision opposable au FGA ;

Sur le second moyen du pourvoi formé par la compagnie El Ittihad, qui est préalable :

Attendu que la compagnie El Ittihad fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée ainsi que son assuré alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, elle avait fait valoir qu'il ressortait des déclarations de M. X... et du témoin Guiovanna, toutes deux consignées dans le procès verbal de police, que Thierry A... était encore sur son "cyclomoteur" lorsqu'il avait été heurté par l'automobile de M. X... ;

qu'en affirmant qu'il était "constant" que la victime avait chuté de son engin avant d'être heurtée par le véhicule de M. X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions et violé, en conséquence, l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a pas dénaturé les conclusions invoquées, en retenant, par une appréciation souveraine des faits, qu'au moment de l'implication du véhicule de M. X..., la victime n'était plus conductrice de sa motocyclette, n'en avait plus la maîtrise et se trouvait à terre ;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi :

Attendu que la compagnie El Ittihad fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantie, alors, selon le moyen, d'une part, que s'il incombe à l'assureur invoquant une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ;

qu'il appartenait donc aux ayants droit de la victime d'établir que le contrat d'assurance automobile, souscrit auprès de la compagnie d'assurance de droit tunisien par un ressortissant tunisien, ayant son domicile en Tunisie, couvrait néanmoins la responsabilité de ce dernier pour les accidents survenus en France ;

que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1315 du Code civil ;

alors, d'autre part, que l'attestation d'assurance délivrée par une compagnie d'assurance étrangère à un étranger visant la réglementation étrangère n'implique pas présomption d'assurance automobile obligatoire sur le territoire français ;

qu'en se fondant sur la seule attestation délivrée à son assuré par la compagnie El Ittihad pour dire que celle-ci était tenue à garantir les accidents causés sur le territoire français, la cour d'appel a violé l'article R. 211-16 du Code des assurances ;

alors, enfin, qu'il résulte clairement de l'article 1er des conditions générales de la police d'assurance automobile de la compagnie El Ittihad que la garantie s'applique, en principe, sur toute l'étendue du territoire tunisien et ne peut être étendue à tout pays membre du Bureau, conseil du système international de la carte verte que sur demande expresse de l'assuré et qu'elle donne lieu, dans ce cas, à avenant et surprimes ;

qu'en retenant la garantie de la compagnie El Ittihad pour un accident survenu en France sans constater l'existence d'un avenant particulier étendant la garantie aux accidents causés en France, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que la compagnie El Ittihad reconnaissait que M. X... était son assuré habituel pour un véhicule immatriculé dans un département français ;

que, par motif adopté, elle a retenu que l'attestation dont M. X... était porteur pour le véhicule immatriculé 2234 TS 95 et qui était valable du 11 février au 10 août 1986, était rédigée pour partie en langue française et pour partie en langue arabe sur carte imprimée à en-tête de la compagnie El Ittihad portant le cachet de cette compagnie ;

qu'elle a, en conséquence, considéré que cette attestation entraînait présomption de garantie en France ;

qu'ensuite, après avoir justement relevé qu'il appartient à l'assureur, assigné par la victime ou ses ayants droit d'établir le contenu du contrat d'assurance, et qu'ainsi la compagnie El Ittihad qui prétendait que sa garantie ne jouait qu'en Tunisie et excluait les pays étrangers, devait en faire la preuve, elle a, par une appréciation souveraine du seul document produit, à savoir une clause particulière de défense-recours sans effet dans un litige concernant la responsabilité et non la défense, estimé que cette compagnie n'apportait pas la preuve d'une limitation territoriale de sa garantie ;

qu'enfin la demanderesse au pourvoi, qui n'a pas produit le texte des conditions générales du contrat devant les juges du fond, n'est pas recevable à en invoquer les stipulations pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

D'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen n'est fondé ;

Mais sur la première branche du moyen unique du pourvoi formé par le BCF :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 2, 2 des statuts du Bureau central français ;

Attendu que, pour décider que le BCF était tenu de faire assurer le règlement du sinistre au profit des consorts A..., l'arrêt attaqué a énoncé que, bien que ne présentant pas de carte verte au moment de l'accident, M. X... justifiait être assuré par la compagnie EL Ittihad pour des accidents causés en France et qu'il était constant que le BCF avait conclu une convention avec cette compagnie ;

Attendu qu'en se déterminant par des motifs qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le contenu des conventions alléguées et contestées et sur la date à laquelle elles auraient été passées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche de ce moyen ;

Rejette le pourvoi formé par la compagnie d'assurance El Ittihad.

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions concernant le Bureau central français, l'arrêt rendu le 12 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la compagnie El Ittihad, M. A..., Mme Y..., M. X..., le FGA et la CPAM de Paris, envers le BCF, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-13535
Date de la décision : 27/06/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(sur le 1er moyen du pourvoi de l'assureur) ASSURANCE RESPONSABILITE - Action directe de la victime - Garantie - Etendue - Contenu du contrat d'assurance - Preuve - Charge - Assureur prétendant que la garantie ne jouait qu'en Tunisie et excluait les pays étrangers - Preuve.


Références :

Code civil 1315

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (17e chambre), 12 février 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 jui. 1995, pourvoi n°92-13535


Composition du Tribunal
Président : Président : M. de BOUILLANE de LACOSTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.13535
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