AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CARLIOZ, les observations de Me PARMENTIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- DELAUTRE Hervé, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 10 mai 1994, qui, pour homicide involontaire et contraventions connexes au Code de la route, l'a condamné, pour le délit, à 1 an d'emprisonnement assorti du sursis simple et à une amende de 15 000 francs, pour les contraventions à deux amendes de 1 000 francs chacune, et a prononcé l'annulation de son permis de conduire avec interdiction d'en solliciter un nouveau avant l'expiration d'un délai de 3 ans ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal, R. 116-2 du Code de la voirie routière, R. 232 du Code de la route, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Delautre coupable d'homicide involontaire, d'atteinte à l'intégrité du domaine public routier ou d'une de ses dépendances sans autorisation et de défaut de maîtrise, et l'a condamné pour le délit d'homicide involontaire à un an d'emprisonnement avec sursis, à 15 000 francs d'amende, a prononcé l'annulation de son permis de conduire en fixant à deux ans le délai à l'issue duquel il pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis, et l'a condamné pour les contraventions d'atteinte à l'intégrité du domaine public et de défaut de maîtrise à deux amendes de 1 000 francs chacune ;
"aux motifs propres qu' "au vu des éléments du dossier la Cour estime que le premier juge a, par des motifs pertinents qu'elle adopte, fait une exacte appréciation des circonstances de la cause pour entrer en voie de condamnation sauf, compte tenu de la responsabilité du prévenu à réduire à deux années le délai à l'issue duquel celui-ci pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis" (cf. arrêt p. 3) ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges qu' "au lieu où l'accident s'est produit, la vitesse est limitée à 130 km/h ;
que Delautre roule à une vitesse de 120-130 km/h ;
que Delautre, que la présence de X... dans sa voie de circulation impatiente, fait un "appel de phares" ;
qu'à ce moment là , selon Delautre, X... freine brusquement :
il convient de relever cependant que les policiers n'ont relevé aucune trace de freinage ; qu'en tout cas, si X... avait freiné ce n'aurait été, comme le notent les policiers, que s'il avait été surpris par la présence soudaine du véhicule de Delautre ou ébloui par son appel de phares ;
que c'est à ce moment-là que Delautre, qui s'attendait vraisemblablement à ce que X... obtempère immédiatement à ses injonctions, perd le contrôle de son véhicule dans les conditions ci-dessus relatées ;
qu'il est évident que le décès accidentel de X... n'est dû qu'à l'imprudence de Delautre ;
qu'en effet, Delautre aurait dû proportionner sa vitesse aux circonstances : arrivant derrière un véhicule automobile roulant lentement, il devait être en mesure de ralentir au point de se trouver à la même vitesse que la voiture qui le précédait puis attendre que cette voiture se retrouve sur la voie de droite pour la dépasser ;
que si Delautre s'est déporté brusquement sur sa droite en heurtant le véhicule automobile de X... c'est qu'il est arrivé très vite derrière ce véhicule, si vite qu'il n'a pu même freiner pour éviter la collision ;
que Delautre n'a pu que zigzaguer sur la chaussée jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à immobiliser sa voiture ;
que la vitesse excessive de Delautre est dès lors à l'origine du décès de X... ; qu'il convient en conséquence de déclarer le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés et de le condamner" (cf. jugement p. 4) ;
"1 ) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'après s'être déportée sur la droite, la voiture de Delautre a zigzagué et est repartie vers la gauche, heurtant de son avant-gauche l'aile arrière droite du véhicule de X... ;
qu'en déclarant que "si Delautre s'est déporté brusquement sur sa droite en heurtant le véhicule automobile de X..., c'est qu'il est arrivé très vite derrière ce véhicule, si vite qu'il n'a pu même freiner pour éviter la collision", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des textes susvisés ;
"2 ) alors que le lien de causalité existant entre le comportement délictueux du prévenu et le décès de la victime doit être certain ;
que l'arrêt attaqué a constaté que Delautre a seulement heurté de son avant-gauche l'aile arrière droite du véhicule de X... et que ce dernier se trouvant en travers de la voie de gauche a été ultérieurement percuté par la voiture de X... ;
qu'en se bornant à affirmer qu' "il est évident que le décès accidentel de X... n'est dû qu'à l'imprudence de Delautre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et du jugement dont il adopte les motifs, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond ont exposé, sans insuffisance ni contradiction, les motifs dont ils ont déduit, en l'état de la faute d'imprudence retenue à la charge d'Hervé Delautre et du lien de causalité existant entre cette faute et le décès de Salvatore X..., que le délit d'homicide involontaire, notamment, reproché au prévenu était caractérisé en tous ses éléments ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en discussion les faits et circonstances de la cause soumis au débat contradictoire, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Carlioz conseiller rapporteur, MM. Blin, Jorda, Aldebert, Grapinet conseillers de la chambre, Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
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