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21/06/1995 | FRANCE | N°94-81680

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 1995, 94-81680


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de Me C..., de Me X... et de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Rolland,

- NOE A..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 25 janvier 1994, qui, pou

r homicide et blessures involontaires, les a condamnés, le premier à 6 mois d'empris...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de Me C..., de Me X... et de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Rolland,

- NOE A..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 25 janvier 1994, qui, pour homicide et blessures involontaires, les a condamnés, le premier à 6 mois d'emprisonnement avec sursis simple et le second à 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et a prononcé sur les réparations civiles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Gérard B... et pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Noé à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que la responsabilité de deux prévenus ne saurait être de pur principe au simple motif que d'autres responsables n'auraient pas été renvoyés devant la juridiction répressive ou simplement inquiétés par la justice ;

"alors que la cour d'appel qui, tout en relevant la responsabilité, nécessairement prépondérante, du fabricant auteur du "trou" dans la canalisation de gaz, du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre responsables du manque total de coordination sur le chantier, du constructeur responsable de l'absence de ventilation du vide sanitaire, du fournisseur des cuves responsables du mauvais réglage et fonctionnement du détendeur Oror C 800, a pourtant, consacrant l'arbitraire des poursuites, refusé d'apprécier la responsabilité de l'installateur -recherché pour n'avoir prétendument pas décelé les conséquences de la faute des autres responsables- au regard de l'ensemble des responsabilités susceptibles d'être engagées dans la réalisation de l'accident, a méconnu le droit du demandeur prévenu à un procès équitable" ;

Attendu que le demandeur qui n'invoque aucune atteinte au plein exercice de sa défense, ne saurait se prévaloir de ce qu'une autre personne n'a pas été comprise dans la poursuite dont il est l'objet ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par le même demandeur et pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal, ensemble des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Noé à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs à l'encontre de Y..., que l'aire de stockage et surtout les équipements formant le stockage étaient soumis au contrôle de la Socotec ;

que la réglementation faisait obligation de soumettre l'ensemble de l'installation située à l'aval de l'unique détendeur jusqu'à la détente finale à des essais d'étanchéité mais aussi de résistance mécanique à 20 bars ;

que Y... avait reconnu avoir vérifié les détendeurs ;

que les plans P 11 fournis par Air Liquide devaient bien s'apprécier comme une modification du plan P 10, et que, à tout le moins, le caractère ambigu des indications données devait inciter l'homme de l'art à interroger de nouveau Air Liquide, tout en effectuant une visite "in situ", et en s'inquiétant du réglage du détendeur en aval ;

qu'à supposer que les vérifications faites par Y... aient été effectuées par ses soins à une date où les modifications de certains accessoires des citernes par Sotragaz à la demande d'Air Liquide n'étaient pas encore intervenues, la commande visant des citernes équipées en "sorties industrielles" avait été honorée par la mise en place des cuves dès le 23 février 1981, soit avant la procédure d'essai, attestant ainsi de la modification de l'accessoire départ gaz ;

que les modifications intervenues postérieurement n'intéressaient plus la question de détenteurs ;

que Y... avait mission de prévenir les aléas techniques jusqu'à la réception des travaux ;

qu'il convenait de dénoncer l'absence totale de coordination entre les différents intervenants, qui appartenait en partie à Socotec ;

"et aux motifs, à l'encontre de B..., que, dans le droit fil des constatations faites ci-avant, que le prévenu ne pouvait invoquer les habitudes de son entreprise de ne pratiquer que des essais à 6 bars, ce qui laissait supposer une connaissance des équipements propres aux citernes, et soutenir n'avoir pas jeté un regard sur les citernes ;

que cette attitude témoignait d'une négligence coupable à n'agir que par habitude ou routine, en s'en remettant à l'avis conforme du bureau de contrôle, en méconnaissance de ses obligations d'installateur, résultant, entre autres dispositions, de l'article R. 123-43 du Code de la construction et de l'habitation ;

"alors que, d'une part, le tribunal, dans ses motifs adoptés par B... dans ses conclusions, avait écarté la faute imputée à B..., en relevant que l'article 23 de l'arrêté du 2 août 1977 exigeait, pour des bâtiments collectifs comme le CES, "à l'aval du détendeur de première détente un limiteur de pression ou un second détendeur limitant la pression du gaz à 1,2 fois la pression du service, soit 2,1 bars maximum ;

qu'en ne s'expliquant pas sur le caractère dès lors justifié de la proposition d'essais à 6 bars faite par Noé au regard de la réglementation applicable, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions ;

"alors, d'autre part que, au soutien de sa décision de condamnation de Y..., la cour d'appel a fait état de la mission de contrôle de Socotec sur les aires et équipements de stockage, des vérifications effectivement faites sur les détendeurs, d'une méconnaissance du contenu des plans adressés au contrôleur par Air Liquide ou à tout le moins une carence dans la vérification de la portée de ses plans, et du réglage du détendeur unique, ainsi qu'une absence totale de coordination du chantier ;

qu'en transposant à B..., qui était installateur et n'avait jamais été mis en contact avec le fournisseur des cuves, les obligations du contrôleur, sans distinguer les obligations propres de B..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, en outre que, en jugeant que l'installateur du réseau de gaz ne pouvait légitimement s'en remettre à l'avis du bureau de contrôle, et aurait dû, alors que l'installation standard en place impliquait normalement limiteur de pression ou second détenteur, se substituer à la Socotec dans sa mission de contrôle sur les équipements de stockage, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé la faute de B... et par conséquent justifié sa décision ;

"et alors, enfin, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, au jour de la proposition faite à la Socotec d'essai à 6 bars, la modification des accessoires "départ gaz" n'avait pas encore été opérée par Air Liquide (23 février 1981) ce qui implique que cette proposition, eu égard à l'installation alors en place, était conforme à la réglementation en vigueur, si bien qu'en ne justifiant pas en quoi, dès lors que cette proposition non fautive avait été acceptée par le bureau de contrôle, et qu'aucune modification de l'installation n'avait été notifiée à l'installateur, celui-ci aurait commis une faute en procédant aux essais sur la base de sa proposition, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par le même demandeur et pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal, ensemble des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Noé à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que l'existence d'un seul détendeur impliquant l'utilisation d'une pression d'essais de 20 bars au lieu de celle appliquée de 6 bars rendait inopérant l'argument des prévenus selon lequel la connaissance de la situation réelle les aurait amenés à solliciter la pose d'un second détendeur dès lors que les négligences ou les inobservations des règlements les avaient placés dans l'ignorance de cette situation ;

"alors que, comme l'avait montré le demandeur dans ses conclusions, la connaissance des modifications de l'installation l'aurait nécessairement conduit à poser un second détendeur, et à faire les essais à pression de 6 bars, ce qui, selon les constatations des experts, n'aurait pas mis fin aux fuites, et n'aurait pas empêché, à terme, l'explosion, si bien qu'était bien en cause le lien de causalité entre l'ignorance imputée aux prévenus et le dommage ;

qu'ainsi, en ne s'expliquant pas sur ce point au regard du lien causal de la faute imputée et du dommage, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé en faveur de Rolland Y... et pris de la violation des articles 1134 du Code civil, des aticles 319, 320, R. 40-4 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable des délits d'homicide et de blessures involontaires et l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs qu'à l'appui de ces constatations, la Cour observe qu'il n'est pas contesté que la réalisation par Sobea-Balancy des installations de génie civil de l'aire de stockage, à savoir la dalle de béton, la pose d'un grillage, d'une prise de terre et d'une signalisation, était soumise au contrôle de la Socotec ; que la lecture et l'analyse de la mission de la Socotec, telle que définie à l'article 7-72 de l'annexe A du marché public de contrôle technique, imposaient à Rolland Y... de soumettre à son contrôle les ouvrages et surtout les équipements des citernes formant le stockage dès lors qu'ils faisaient partie des marchés de la construction, la sécurité des personnes amenées à fréquenter voir à demeurer dans un établissement scolaire, qu'ils étaient visés par la réglementation applicable précitée et faisaient partie intégrante de "l'installation intérieure" au sens de l'additif n 1 du DTU 61.1 ;

que l'analyse cumulative des deux alinéas de l'article 7-7,2 de l'annexe A est bien conforme à la référence expresse à ce DTU ainsi qu'à l'arrêté du 2 août 1977 dans le document contractuel liant la DDE et la Socotec, cette réglementation faisant obligation de soumettre l'ensemble de l'installation située à l'aval de l'unique détendeur jusqu'à la détente finale, à des essais d'étanchéité mais aussi de résistance mécanique, à 20 bars dans le cas d'espèce ;

"qu'à supposer que la "vérification de vieux routier" évoquée par Rolland Y... ait bien été effectuée par ses soins et à une date où les modifications de certains accessoires des citernes par Sotragaz à la demande d'Air Liquide n'étaient pas encore intervenues, le prévenu ne saurait pour autant s'exonérer de toute responsabilité dès lors que la commande n 03421 d'Air Liquide visant les citernes équipées en "sorties industrielles" a été honorée par la mise en place des cuves dès le 23 février 1981, soit avant la procédure d'essai, attestant ainsi de la modification de l'accessoire "départ gaz" ;

que les modifications intervenues postérieurement à cette date n'intéressaient plus la question des détendeurs ;

qu'enfin, ce prévenu, au-delà du 27 avril 1981, date limite des interventions de Sotragaz sur le site, avait toujours mission de prévenir les aléas techniques découlant d'un défaut dans l'application des dispositions réglementaires relatives à la sécurtié des personnes applicables aux ouvrages et équipements réalisés jusqu'à la réception des travaux exclusivement (cf. article 7-7,1 de l'annexe A) ;

"et que l'ensemble de ces méconnaissances de la réglementation en vigueur et de ces négligences, et d'une manière générale, le fait de ne pas s'être assuré, au-delà de la simple lecture de documents, de l'existence du nombre précis de détendeurs mis en place sur les citernes, caractérisent bien à l'encontre de Rolland Y... des fautes de nature à engager sa responsabilité pénale ;

"alors, d'une part, qu'il ressort des documents contractuels versés au dossier que la Socotec n'a signé aucun marché de contrôle technique portant sur les éléments d'équipement des cuves propriété de la société Air Liquide ;

que la convention de fourniture passée entre la commune et Air Liquide ne pouvant être qualifiée de contrat de louage d'ouvrage, ni Air Liquide de constructeur, seuls les aménagements visés par l'article II de la convention de fourniture du 23 avril 1980 pouvait faire l'objet d'un marché de construction signé au nom du maître de l'ouvrage, à l'exclusion du matériel de stockage, objet de la convention Air Liquide et propriété d'Air Liquide ; qu'ainsi la mission de la Socotec telle que définie à l'article 7-7,2 de l'annexe A du marché public de contrôle technique, n'imposait pas à Y... de soumettre à son contrôle les équipements des citernes formant le stockage dès lors qu'ils ne faisaient pas partie des contrats de louage d'ouvrage faisant l'objet du marché public ;

qu'en décidant du contraire la Cour a dénaturé les termes clairs et précis des conventions et, partant, a violé les dispositions des articles visés au moyen ;

"alors, d'autre part, qu'en considérant que le prévenu au-delà du 27 avril 1981, date limite des interventions de Sotragaz sur le site, avait toujours mission de prévenir les aléas techniques découlant d'un défaut dans l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives à la sécurité des personnes et applicables aux ouvrages et équipements réalisés jusqu'à la réception des travaux sans rechercher ainsi que l'y invitaient le prévenu si cette obligation n'incombait pas Air Liquide conformément aux prescriptions du DTU 60-1 dans la mesure où Air Liquide n'était pas liée à la commune par un contrat de louage d'ouvrage mais par une convention de fourniture et demeurait propriétaire des cuves et équipements formant le stockage situés dans l'enclos y compris le détendeur unique, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;

"alors, enfin, que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ;

qu'ainsi en relevant que la réalisation des installations de génie civil de l'aire de stockage, à savoir la dalle de béton, la pose d'un grillage, d'une prise de terre et d'une signalisation était soumise au contrôle de la Socotec et qu'ainsi la réglementation applicable au document contractuel liant la DDE à la Socotec faisait obligation de soumettre l'ensemble de l'installation située à l'aval de l'unique détendeur jusqu'à la détente finale à des essais, tout en considérant que ce même marché comprenait les équipements des citernes formant le stockage situées en amont de ce même détendeur, la Cour a laissé incertain le point de savoir quelles étaient les installations devant être aussi soumises à contrôle et, partant, a privé de base légale sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré qui n'avaient pas à répondre mieux qu'ils l'ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, les délits d'homicide et de blessures involontaires dont ils ont déclaré les prévenus coupables ;

Que les moyens qui se bornent à remettre en discussion les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond après débat contradictoire, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. Blin, Carlioz, Jorda, Aldebert conseillers de la chambre, Mmes Z..., Verdun conseillers référendaires, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

1


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-81680
Date de la décision : 21/06/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 25 janvier 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jui. 1995, pourvoi n°94-81680


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SIMON conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.81680
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