AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par le Garage du Lac, société à responsabilité limitée, dont le siège est à Meudon-la-Forêt (Hauts-de-Seine), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 1er décembre 1992 par la cour d'appel de Versailles (13ème chambre), au profit :
1 / de M. Jacques X..., demeurant à Meudon (Hauts-de-Seine), ...,
2 / de la société Axa Assurances IARD, venant aux droits de Présence Assurances, dont le siège est à Paris La Défense (Hauts-de-Seine), La Grande Arche, Paroi Nord, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 mai 1995, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, M.
Y..., conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Lupi, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pinochet, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Le Garage du Lac, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de M. X... et de la société Axa Assurances IARD, les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société à responsabilité limitée Garage du Lac, assurée contre le risque de vol auprès de la compagnie Présence Assurance devenue Axa, par l'intermédiaire de M. X..., agent général, a été victime d'un cambriolage au mois d'août 1987 ;
que, le 28 août 1987, l'assureur a désigné le cabinet Chapelle comme expert pour évaluer le dommage ;
que cet expert après avoir, dans un premier rapport du 24 octobre 1988, indiqué que l'assuré ne lui avait pas communiqué les pièces justificatives demandées, que le dossier pouvait être classé sans suite mais qu'il ne manquerait pas de faire parvenir un rapport complémentaire en cas de réclamation, a déposé un second rapport le 12 novembre 1989 estimant le dommage à la somme de 192 821 francs hors taxes ;
qu'à la réclamation de cette indemnité par l'assuré l'assureur a opposé la prescription biennale ;
que l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 1992) a débouté la société Garage du Lac de ses demandes en paiement d'indemnité d'assurance, subsidiairement de dommages-intérêts, dirigées contre la compagnie et son agent général ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Garage du Lac fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de l'indemnité d'assurance alors qu'en retenant, pour écarter le moyen pris d'une nouvelle interruption de la prescription lorsque l'expert avait repris ses investigations, que le premier rapport qu'il avait déposé ne pouvait être considéré comme ayant clos sa mission, la cour d'appel aurait dénaturé ce document ;
Mais attendu que l'expert désigné par l'assureur pour évaluer le dommage après sinistre ne pouvant mettre fin unilatéralement à sa mission sans l'accord de son mandant, la cour d'appel a justement considéré, sans le dénaturer, que le rapport déposé par le cabinet Chapelle le 24 octobre 1988 ne pouvait avoir mis fin à sa mission et que la reprise par cet expert de ses investigations, après remise, par l'assuré, des pièces justificatives demandées, n'était pas interruptive de la prescription biennale, laquelle avait commencé à courir à partir de sa nomination, le 28 août 1987 ;
d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre l'assureur et son agent général sans rechercher si ne constituait pas une manoeuvre dilatoire de la part de l'assureur le fait que son expert eût mis plus d'un an, du 23 novembre 1988, date de la remise des pièces justificatives, au 12 novembre 1989, pour déposer son rapport ;
Mais attendu que, répondant par là -même aux conclusions invoquées pour les écarter, les juges du second degré ont estimé que la preuve des manoeuvres dolosives imputées à l'assureur n'était pas rapportée ;
d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Garage du Lac reproche enfin à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre M. X... en raison des fautes commises par celui-ci alors que, d'une part, en érigeant en principe que l'agent général n'a nullement à informer l'assuré du délai de prescription ni lors de la souscription du contrat ni lors de la déclaration du sinistre, la cour d'appel aurait violé les articles 1134 et 1135 du Code civil ;
alors que, en outre, en retenant qu'il aurait fallu que la société rapportât la preuve de ce que l'agent général était au courant du déroulement de l'instruction du sinistre, mettant ainsi à la charge de l'assuré l'obligation de prouver un fait dont l'existence n'était pas contestée, la cour d'appel aurait méconnu les termes du litige ;
alors que, enfin, il n'aurait pas été répondu aux conclusions faisant valoir que l'agent général avait déclaré à l'assuré, peu avant l'écoulement du délai biennal, que la prise en charge du sinistre par l'assureur ne faisait pas problème, et qu'il n'y avait qu'à attendre le dépôt du rapport ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a relevé que M. X... avait insisté auprès des représentants légaux de l'assurée pour qu'ils fournissent les renseignements indispensables, que ceux-ci avaient fait preuve d'une négligence surprenante, l'expert étant contraint de faire sur place une évaluation approximative du matériel et des marchandises volées ;
que l'arrêt énonce encore que rien ne permettait de retenir que M. X... eût été au fait des carences et des lenteurs conjuguées des représentants légaux de l'assurée et de l'expert qui avaient abouti au dépôt hors délai du rapport et que la circonstance que l'agent général eût rencontré les intéressés dans la vie courante était sans incidence sur cette conclusion ;
que la cour d'appel, devant laquelle M. X... avait soutenu qu'il n'avait pas les moyens de suivre les diligences de la société Garage du Lac, qui avait établi un rapport direct avec l'expert, a pu en déduire, sans méconnaître les termes du litige, et en répondant aux conclusions invoquées, qu'aucune faute ne pouvait être imputée à l'agent général ;
d'où il suit que le moyen ne peut être davantage accueilli que les précédents ;
Sur la demande formée par la société Garage du Lac en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que seule la partie supportant les dépens peut être condamnée en application de ce texte ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE la demande formée par la société Garage du Lac en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Garage du Lac, envers M. X... et la société Axa Assurances IARD, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.