AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jacques X..., demeurant 5, avenue A. Blanc à Vaison-la-Romaine (Vaucluse), en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1990 par la cour d'appel de Nîmes (Chambre sociale), au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Avignon, dont le siège est ... (Vaucluse), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 avril 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, Mlle Sant, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Merlin, Desjardins, conseillers, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Verger, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle le conseiller référendaire Sant, les observations de Me Parmentier, avocat de M. X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 septembre 1990), qu'employé par la Caisse régionale de crédit agricole, M. X... est parti à la retraite anticipée le 31 janvier 1985 et a perçu, en février 1985, la moitié de la prime de départ égale à douze mois de salaires, à laquelle il pouvait prétendre compte tenu de son ancienneté de plus de trente ans ;
que, pour des raisons fiscales, il a accepté de ne recevoir le surplus de la prime qu'après un délai de cinq ans, l'employeur souscrivant, en son nom, un contrat de capitalisation alimenté par des cotisations représentées par la deuxième partie de la prime ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de l'avenant du 20 décembre 1966, modifiant l'article 39 de la convention collective, que les cadres de direction ayant plus de trente ans d'ancienneté bénéficient d'une indemnité de départ égale à douze mois de salaires ;
que l'article 20 de la convention collective fait obligation à l'employeur, qui souscrit au nom du salarié un contrat de capitalisation, de cotiser à ce contrat à hauteur du montant normal de l'indemnité ;
que, pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité de départ, la cour d'appel a énoncé que ce cadre, qui avait choisi de bénéficier des douze mois d'indemnité de "l'accord interne d'établissement" du 20 décembre 1966, ne pouvait cumuler cet avantage avec les dispositions susvisées de l'article 20 de la convention collective, limitant par ailleurs l'indemnité de départ à six mois ;
qu'en statuant ainsi, alors que l'accord du 20 décembre 1966 constituait un avenant à la convention collective modifiant l'article 39 et comportant des dispositions plus favorables au salarié, la cour d'appel a violé les articles 20 et 39 de la convention collective et l'avenant du 20 décembre 1966 ;
alors, d'autre part, que, par une délibération du 12 décembre 1979, le conseil d'administration de la Caisse a précisé que les termes de l'article 18 de l'avenant du 20 décembre 1966, fixant notamment à douze mois le montant de l'indemnité des cadres de plus de trente ans d'ancienneté, "s'appliquaient également aux cadres de direction de la caisse régionale auxquels ne pourrait être opposé un autre texte postérieur, y compris l'article 20 de la convention collective des cadres de direction signée le 8 juillet 1976" ;
que cette délibération excluait ainsi les dispositions de l'article 20 de la convention collective limitant à six mois le montant de l'indemnité de départ ;
qu'en décidant dès lors qu'étaient exclues les dispositions relatives au versement en capital de cette indemnité, la cour d'appel a dénaturé les termes de la délibération du 19 décembre 1979 et violé l'article 1134 du Code civil ;
alors, enfin, que la portée d'une convention collective ne peut être réduite par une décision unilatérale de l'employeur ;
qu'en décidant dès lors que les dispositions de l'article 20 de la convention collective étaient exclues par la délibération du conseil d'administration de la Caisse du 12 décembre 1979, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que l'article 18 de l'avenant du 20 décembre 1966 à la convention collective nationale ne renvoyant qu'à l'article 39 de cette convention, en ce qui concerne le salaire à prendre en considération pour le calcul de la prime de départ à la retraite et la date d'ancienneté, la cour d'appel a décidé, à bon droit que le salarié ne pouvait cumuler les avantages prévus par ledit avenant et ceux fixés par l'article 20 de la convention collective nationale applicable aux cadres de direction ;
Attendu, ensuite, que, hors toute dénaturation, la cour d'appel a retenu que la délibération du 12 décembre 1979 n'autorisait pas ce cumul ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Avignon, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1