AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Etablissements Monnet-Sève, dont le siège est à Outriaz (Ain), en cassation d'un arrêt rendu le 16 décembre 1991 par la cour d'appel de Chambéry (Chambre civile, 1re Section), au profit :
1 ) de M. Joseph X..., demeurant à Chamousset, Chamoux-sur-Gelon (Savoie),
2 ) de la société à responsabilité limitée Rhône-Alpes veaux, dont le siège est à Outriaz (Ain), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 mars 1995, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Lesec, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Marc, les observations de Me Copper-Royer, avocat de la société Etablissements Monnet-Sève, de Me Hennuyer, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lesec, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Etablissements Monnet-Sève, se prétendant créancière de M. X... et invoquant un accord conclu le 10 octobre 1984 avec celui-ci en vue de l'apurement de ses dettes, l'a assigné en paiement d'une somme d'argent dont il restait, selon elle, débiteur ;
que ce dernier a conclu au rejet de la demande et sollicité reconventionnellement le paiement de sommes correspondant au prix d'achat et au coût d'entretien de veaux qu'il affirmait avoir livrés à ladite société ;
Attendu que, pour annuler comme non conforme aux prescriptions de l'article 19 de la loi du 6 juillet 1964 le contrat du 10 octobre 1984 et pour ordonner, en conséquence, une mesure d'expertise à l'effet d'établir les comptes entre les parties, la cour d'appel, après avoir relevé que la société Monnet-Sève ne contestait ni avoir fourni à M. X..., producteur agricole, des aliments pour bétail, ni avoir, en paiement de ses créances, procédé à l'écoulement de veaux engraissés par M. X..., donc de produits finis, pour avoir elle-même acquis ces animaux et les avoir vendus, à un prix fixé par elle seule, à la société Rhône-Alpes veaux, en a déduit qu'un tel contrat devait être réputé contrat d'intégration selon les dispositions de l'article 17.I bis de la loi précitée, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 juillet 1980 et a estimé qu'elle devait prononcer l'annulation de ce contrat, celui-ci ne contenant pas les précisions exigées par l'article 19 de la loi du 6 juillet 1964 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Monnet-Sève avait énoncé qu'il n'avait jamais été question qu'elle devienne propriétaire du bétail appartenant à M. X..., affirmé qu'elle n'avait jamais pris livraison des animaux de ce dernier et soutenu que c'était par un contrat auquel M. X... avait été partie que celui-ci avait vendu ses veaux à la société Rhône-Alpes veaux, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions et, partant, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le contrat passé le 10 octobre 1984 entre la société Monnet-Sève et M. X... et en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise, l'arrêt rendu le 16 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... et la société Rhône-Alpes veaux, envers la société Etablissements Monnet-Sève, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.